
Entrée du site de la COP30 (©UN Climate Change - Kiara Worth - CC BY-NC-SA 4.0)
La COP30 débute ce 10 novembre au Brésil, dans un contexte critique. Selon les dernières évaluations du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publiées le 4 novembre, « les projections de réchauffement planétaire au cours de ce siècle, fondées sur la mise en œuvre intégrale des Contributions déterminées au niveau national (CDN), sont désormais de 2,3 à 2,5 °C ».
Nous avons interrogé Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre Énergie & Climat de l'Ifri, sur cette 30e Conférence internationale des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
La COP de Belém intervient près de 10 ans après l'Accord de Paris. Les grands objectifs de ce dernier sont-ils condamnés ?
Oui et non. La capacité à s’insérer dans une trajectoire de décarbonation ambitieuse de 1,5°C de réchauffement est désormais hors d’atteinte. Avec une trajectoire actuelle de réchauffement de 2,8°C (en considérant uniquement la mise en œuvre des politiques actuelles), les systèmes économiques nous poussent en pleine sortie de piste. Mais il est encore possible de rester sous les 2°C si les efforts sont renforcés.
Il faut pour cela enfin un électrochoc et parvenir à enfin atteindre un maximum d’émissions, puis un chemin de baisse significatif. Les renouvelables et l’essor du GNL peuvent permettre de réduire la consommation de charbon, avec l’efficacité énergétique. Les entreprises pétrogazières s’attaquent plus résolument aux émissions de méthane. Mais c’est une course contre la montre.
Quel sentiment vous inspirent les derniers engagements de réduction des émissions des différents pays ?
Les objectifs de décarbonation des États sont désormais les bons, mais c’est le cas depuis la COP de Glasgow. Le problème est lié à la mise en œuvre de politiques qui soient efficaces. Seule une poignée de pays ont des stratégies crédibles.
L’essor de la consommation d’électricité dans le monde, de l’ordre de l’équivalent de la consommation européenne au cours des trois prochaines années, risque de tirer encore les énergies fossiles si les conditions ne sont pas réunies pour renforcer les systèmes bas carbone.
La Chine fait des avancées non négligeables. Elle s’approche du maximum de consommation de pétrole, la consommation de charbon dans le secteur électrique entame un léger déclin et elle fournit au monde du solaire bon marché.

Réunion sur les 10 ans de l'Accord de Paris le 7 novembre lors du sommet préparatoire des chefs d'État et de gouvernement. (©UN Climate Change - Kiara Worth - CC BY-NC-SA 4.0)
Que peut-attendre de cette COP30 et que change l'absence des États-Unis ?
Il faut un électrochoc de la mise en œuvre (« implementation » en anglais). Les sociétés pétrolières se mobilisent sur les émissions de méthane de leur secteur. Il faut aussi s’attaquer aux autres émissions de méthane du secteur des décharges ou de l’agriculture notamment. Les marchés internationaux volontaires du carbone peuvent y aider. Les Européens devraient flécher leur propre flexibilité pour viser à les réduire, car il n’y a pas de business case pour s’attaquer à ces émissions. Enfin, il faudra faire monter en puissance l’action des fonds d’atténuation et d’adaptation.
L'absence des États-Unis à la COP30 va ralentir les efforts sur le déploiement et la montée en puissance des marchés carbone, les efforts sur la convergence règlementaire autour des enjeux RSE et ralentir la trajectoire de décarbonation des États-Unis.
Quelles sont les ambitions de la présidence brésilienne, dont les contradictions ont été soulignées par les ONG ?
Tous les pays ont des contradictions. Le Brésil a un mix électrique bas carbone grâce à l’hydroélectricité et aux renouvelables. Il produit aussi du pétrole. Il faut avancer efficacement, notamment sur la déforestation. Le Brésil a une responsabilité historique en ce sens.
Et il peut parler légitimement aux deux mondes : ceux des pays émergents, notamment au sein des BRICS, et ceux des pays développés.
Quel poids l'Europe pèse-t-elle aujourd'hui dans la lutte contre le changement climatique ?
Elle représente une faible part des émissions directes mondiales de gaz à effet de serre, mais un gros poids en cumul historique et a des émissions importées importantes. C’est une force d’entrainement car elle a déjà intégré plus de 50% d’énergies renouvelables dans son mix électrique. Dans beaucoup de pays, des lobbies du charbon expliquent qu’on ne peut pas intégrer plus de 10% d’énergies renouvelables dans un système. L’Europe montre le contraire.
À elle désormais aussi de montrer comment on transforme efficacement un système électrique tout en conservant des industries énergo-intensives ainsi que le soutien des populations. Enfin, pour les Européens, il faut impérativement conserver et renforcer de la capacité industrielle dans les technologies bas carbone. On ne peut pas faire la transition via la désindustrialisation ou un déficit commercial croissant.

©UN Climate Change - Kiara Worth - CC BY-NC-SA 4.0




