Géothermie haute température par stimulation

Géothermie profonde Soultz-sous-Forêts

Le site géothermique de Soultz-sous-Forêts produit de l’électricité sur la base de la technologie de haute température par stimulation. (© BRGM)

Définition et catégories

Le Système Géothermique Stimulé (SGS ou EGS pour Enhanced Geothermal Stimulation) est un procédé aussi appelé « géothermie profonde des roches chaudes fracturées ».

Encore en expérimentation, son principe est de créer artificiellement un réservoir géothermique dans un massif cristallin, ce qui le différencie des centrales géothermiques actuelles. À plus de 3 km de profondeur, de l’eau injectée dans la roche sous pression se réchauffe au contact de la roche fracturée et sert ensuite à produire de l’électricité.

La chaleur géothermique exploitée ici a pour principale origine (à 90%) la désintégration radioactive des roches profondes. Cette chaleur émise varie avec la composition chimique des roches (par exemple elle est environ trois fois plus élevée pour les granites que pour les basaltes) et selon l'âge des roches, ce qui explique les gradients géothermiques plus élevés dans les plateformes jeunes, comme en France ou en Europe du Sud.(1) Au niveau de ces sites, les roches cristallines atteignent des températures de l’ordre de 200 °C à des profondeurs comprises entre 4 et 6 kilomètres.(2)

Fonctionnement technique ou scientifique

La production d’eau géothermale

  • Un forage est d’abord réalisé pour atteindre la profondeur cible.
  • Ensuite, des injections hydrauliques sous pression, également appelées « stimulations » sont effectuées dans des roches chaudes sèches (HDR pour Hot Dry Rock) ou des roches contenant de l’eau (HFR pour Hot Fractured Rocks ou EGS). Elles permettent de créer des fractures ou d’élargir les discontinuités préexistantes, ce qui améliore la perméabilité du massif cristallin.(3)
  • Un deuxième forage (voire plusieurs) permet d’établir une circulation d’eau continue entre le puits d’injection et le puits de production. L’eau injectée se réchauffe en passant par les fractures (et dans le cas des HFR pousse l’eau chaude présente) pour être récupérée ensuite à la surface par thermosiphon ou par pompage.
  • Remarque : comme cette circulation d’eau se fait sous pression, l’eau surchauffée reste en phase liquide et ne se vaporise pas.(4)

La production d’électricité

À la surface, l’eau géothermale alimente une centrale à cycle fluide binaire (ou cycle de Rankine) :

  • L’eau géothermale, via un échangeur, cède sa chaleur à un fluide (appelé fluide de travail) qui se transforme en vapeur. Sous pression, celui-ci permet d’entraîner la turbine (à vapeur) pour produire de l’électricité.
  • Le fluide de travail est ensuite condensé au contact d’un circuit d’eau. Le liquide ainsi obtenu est renvoyé à l’échangeur thermique par pompage, pour effectuer un nouveau cycle. On dit que le fluide de travail évolue en circuit fermé.
  • L’eau géothermale refroidie est réinjectée en profondeur après son passage dans l’échangeur de chaleur.

Enjeux par rapport à l'énergie

L’intérêt de la technologie SGS est de pouvoir être mise en œuvre dans des zones géographiques moins limitées que pour les centrales géothermiques de haute température actuelles, localisées généralement dans les régions volcaniques.

Ses atouts sont de permettre une production d’électricité sans émissions de CO2, avec une source d’énergie renouvelable qui ne dépend pas des conditions atmosphériques et climatiques.

Néanmoins, pour assurer la rentabilité d’une installation de type SGS, la vente de l’excédent de chaleur est nécessaire, en plus de la production d’électricité (il s’agit alors de cogénération). Il est donc nécessaire de disposer à proximité d’un consommateur important de chaleur, tel qu’un réseau de chauffage urbain. D’autant que pour produire de l’électricité avec un rendement acceptable (hautes températures), des forages profonds sont indispensables. Ils s’avèrent en conséquence coûteux.

Par ailleurs, le fonctionnement d’une centrale géothermique par la technique SGS peut générer des nuisances environnementales. En effet, les opérations de stimulation (injection de masses d’eau à forte pression) s’accompagnent d'une activité micro-sismique. Des études scientifiques doivent encore préciser et mieux comprendre cette sismicité induite, ce phénomène étant préjudiciable au développement des SGS. En effet, l’activité micro-sismique peut provoquer un rejet du dispositif par les populations locales : à Bâle (Suisse), le projet de SGS « Deep Heat Mining » a été arrêté fin 2009 suite à des plaintes concernant des séismes pouvant atteindre une magnitude de 3,4 sur l’échelle de Richter.(5) Mais il faut souligner que Bâle a connu un séisme historique de magnitude bien supérieure. A terme, les technologies de la géothermie stimulée pourraient ainsi être utilisées pour déclencher de manière préventive une activité sismique.

Acteurs majeurs

La centrale géothermique de Soultz-sous-Forêts (France) est le programme de recherche sur la technique SGS le plus avancé mondialement. Ce pilote scientifique, en exploitation depuis juin 2008, comprend 3 forages profonds de 5 000 mètres et une centrale de production d’électricité à fluide binaire d’une puissance de 5 à 6 MW.

Le site est particulièrement adapté : le granite de la région (Bas-Rhin) est naturellement fracturé et possède un gradient géothermal élevé. Représentatif des conditions retrouvées dans de nombreuses régions du monde, les données relevées peuvent alors servir de référence. 

Unités de mesure et chiffres clés

Comparaison des coûts de production d’électricité à l’horizon 2015

- Nucléaire : 0,05 à 0,13€/kWh
- Gaz : 0,04€/kWh
- Charbon : 0,045€ /kWh
- Eolien : 0,04€/kWh

L’énergie géothermique produite à Soultz pourrait approcher 0,08€/kWh en 2015(6).

Zone de présence ou d'application

En Europe, il y aurait 125 000 km² aux caractéristiques géologiques et thermiques favorables à la mise en place de cette technologie.

Plusieurs projets EGS sont en cours d’étude(7) :

  • Petraterm, une entreprise australienne qui développe cette technologie en Australie, s’intéresse à la Catalogne et la région de Madrid.
  • En Toscane, les derniers puits à Larderello, lieu d’implantation de la plus ancienne centrale géothermique mondiale (1904), ont bénéficié de la technologie SGS.
  • Un projet SGS a été réalisé à Landau (Allemagne), à quelques kilomètres de Soultz-sous-Forêts, et dans le bassin de l'Eger à la frontière de la République tchèque.
  • En Hongrie, d'anciens puits pétroliers sont ré-ouverts pour les stimuler. 

Passé et présent

Le principe a été appliqué pour la première fois dans les années 1970 au Nouveau-Mexique (États-Unis), mais le projet s’est arrêté – faute d’avoir réussi à établir de connection hydraulique - avant la construction d’une centrale de production d’électricité. Dans les années 1980, des pilotes de recherche ont été installées en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Japon, qui n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Le projet de recherche européen de Soultz-sous-Forêts, initié en 1987 (France) a été le premier à réussir une connexion hydraulique entre puits après fracturation.(8)

Actuellement, seule la centrale de Soultz produit de l’électricité par technique SGS.

En 2015, une deuxième centrale électrique de ce type devrait être fonctionnelle dans le désert australien (les sites étudiés par forage étant Cooper Basin et The Hunter Valley).(9)

Futur

Le futur du développement de la géothermie haute température par stimulation va être conditionné par sa rentabilité économique. Actuellement, le système est coûteux. Il nécessite des forages à grande profondeur dans un milieu encore mal connu. Selon les prévisions, le prix du kWh électrique produit par la technologie des SGS serait approximativement de 8 centimes d'euro en 2015.(10)

Le déploiement industriel de cette technologie n'est donc pas prévu avant 2020-2030.(11)

 

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