Laboratoire d'essai pour tester des composants de smart grids (©EDF-William Beaucardet)
Définition
Un smart grid, ou réseau d'énergie intelligent en français, désigne un réseau d’énergie qui intègre des technologies de l’information et de la communication. En collectant des informations sur l’état du réseau, les smart grids contribuent à une adéquation entre production, distribution et consommation et améliorent ainsi son exploitation. Ils permettent aussi le développement d'usages nouveaux, tels que l’autoconsommation, la recharge de véhicules électriques et le stockage d'électricité.
Les réseaux intelligents peuvent être définis selon quatre caractéristiques en matière de :
- flexibilité : ils permettent de gérer plus finement l’équilibre entre production et consommation ;
- fiabilité : ils améliorent l’efficacité et la sécurité des réseaux ;
- accessibilité : ils favorisent l’intégration des sources d’énergies renouvelables sur l’ensemble du réseau ;
- économie : ils apportent, grâce à une meilleure gestion du système, des économies d’énergie et une diminution des coûts (à la production comme à la consommation).
Il est souvent question de ces réseaux intelligents ou « smart grids » au sujet des réseaux d’électricité qui, grâce à des technologies informatiques, ajustent les flux d’électricité entre fournisseurs et consommateurs.
Chez le particulier, le compteur communicant est une première étape dans la mise en place des smart grids. Le compteur communicant (ou « smart meter ») renseigne le consommateur sur sa demande en électricité, permet de remonter des informations automatiquement et à distance, et facilite l'injection d'électricité produite.
Améliorations permises en amont et aval de la chaine de valeur de l'énergie
Au sens large, un réseau intelligent associe l’infrastructure électrique aux technologies numériques qui analysent et transmettent l’information reçue.
Ces technologies sont utilisées à tous les niveaux du réseau : production, transport, distribution et consommation.
Un contrôle des flux en temps réel
Des capteurs installés sur l’ensemble du réseau indiquent instantanément les flux électriques et les niveaux de consommation. Les opérateurs du réseau peuvent alors réorienter les flux énergétiques en fonction de la demande et envoyer des signaux de prix aux particuliers pour adapter leur consommation (volontairement ou automatiquement).
L’interopérabilité des réseaux
L’ensemble du réseau électrique comprend le réseau de transport et le réseau de distribution. Le premier relie les sites de production d’électricité aux zones de consommation : ce sont les grands axes qui quadrillent le territoire. Le réseau de distribution s’apparente aux axes secondaires. Il achemine l’électricité jusqu’aux consommateurs finaux.
Par l’échange instantané d’informations, les smart grids favorise une interopérabilité entre les gestionnaires du réseau de transport et ceux du réseau de distribution.
L’intégration des énergies renouvelables au réseau
Les réseaux intelligents reposent sur un système d’information qui permet de prévoir à court et à long terme le niveau de production et de consommation. Les énergies renouvelables qui fonctionnent souvent par intermittence et de façon peu prévisible (ex : l’éolien) peuvent ainsi être mieux gérées.
Une gestion plus responsable des consommations individuelle
Les compteurs communicants (ou compteurs évolués, « Linky » pour l'électricité) sont les premières versions d’application du réseau intelligent. Installés chez les consommateurs, ils fournissent des informations sur les prix, les heures de pointe de consommation, la qualité et le niveau de consommation d’électricité du foyer.
Les consommateurs peuvent alors réguler eux-mêmes leur consommation au cours de la journée. De leur côté, les opérateurs du réseau peuvent détecter plus vite les pannes.
Schéma de smart grid et compteurs d'énergie communicants (©Commission de régulation de l’énergie)
Avantages et limites
Les smart grids devraient changer les habitudes de consommation et la relation des consommateurs avec le système de production. Ils devraient favoriser une modération de la demande tout en contribuant à la protection de l’environnement
À l’heure actuelle, les réseaux électriques doivent faire face à de nouveaux besoins en énergie, avec notamment le développement de la climatisation, des appareils électroniques ou du chauffage électrique. Cette hausse devrait être amplifiée par de nouveaux usages tels que la voiture électrique ou les pompes à chaleur. Les smart grids visent à apporter une réponse à ces contraintes.
Des avantages économiques et environnementaux
Les smart grids améliorent la sécurité des réseaux électriques. En équilibrant l’offre et la demande, ils évitent le suréquipement des moyens de production et permettent une utilisation plus adaptée des moyens de stockage de l’électricité, disponibles de manière limitée.
Les réseaux intelligents augmentent aussi l’efficacité énergétique globale : ils réduisent les pics de consommation, ce qui atténue les risques de panne généralisée.
Enfin, ils limitent l’impact environnemental de la production d’électricité en réduisant les pertes et en intégrant mieux les énergies renouvelables.
Aux États-Unis, le département de l’Energie estime qu’une amélioration du réseau permettrait d’économiser 46 à 117 milliards de dollars entre 2010 et 2023(1). En effet, les coupures de courant actuelles provoquent une perte économique annuelle de 80 milliards de dollars.
Les limites dans la mise en œuvre
Les smarts grids doivent être implantés sur l’ensemble du réseau et impliquer tous les acteurs pour être efficaces. La diversité des acteurs est un obstacle car ils doivent mettre au point des systèmes communicants variés avec des logiques convergentes.
De plus, les données recueillies sont complexes à gérer et à stocker, compte tenu de l’importante quantité d’informations à traiter.
Enfin, les informations sur les horaires ou les activités des consommateurs et des producteurs sont confidentielles. Des normes sur la protection des données doivent être appliquées. C'est notamment le rôle de la CNIL en France.
En Europe, les coûts de réalisation pourraient atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le coût du déploiement des compteurs intelligents en France (Linky et Gazpar) a coûté 6 milliards d'euros(2). RTE estime par ailleurs que plus de 100 milliards d'euros d'investissements seront nécessaires en France pour la maintenance et le développement du réseau de haute tension d'ici à 2040.
Chaine de valeur et parties prenantes
Le développement des réseaux intelligents nécessite le concours de nombreux acteurs :
- les consommateurs, en régulant eux-mêmes leur consommation d’électricité, participent à l’efficacité du système ;
- les producteurs d’électricité comme EDF alimentent les réseaux de transport d’électricité et doivent être capables de répondre en temps réel à la demande. Le développement des smart grids permet également aux producteurs décentralisés de petites capacités (ex : les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques appartenant à des particuliers) d’être raccordés ;
- les gestionnaires des réseaux de transport (RTE en France) et de distribution (ENEDIS en France) ainsi que les constructeurs de matériel électrique gèrent et installent les équipements de mesure assurant la sécurité et le fonctionnement des réseaux. Ils sont les acteurs techniques majeurs du développement des smart grids ;
- les gestionnaires de processeurs et de systèmes informatiques comme InfoVista, Intel, Google ou Cisco System, développent les technologies d’information indispensables au fonctionnement des réseaux intelligents ;
- les pouvoirs publics soutiennent et encadrent le développement des réseaux intelligents notamment par la définition de normes de communication et la protection des systèmes contre les intrusions ou détournements.
Schéma de fonctionnement des smart grids (©CRE)
Réseaux existants et historique
Apparue dans les années 1980, la lecture automatique des compteurs (pour surveiller les charges électriques chez le consommateur) est une première étape dans l’émergence des smart grids.
Elle évolue dans les années 1990 vers le principe du compteur communicant, qui renseigne sur la variation de consommation électrique au cours de la journée. En 2000, le projet italien Telegestore est le premier exemple de smart grid. Par l’intermédiaire de ces compteurs, il relie au réseau un grand nombre de foyers (27 millions).
Le suivi et la synchronisation des réseaux sont été améliorés dans les années 1990 par la mise en place de capteurs analysant rapidement et à longue distance les anomalies électriques. Le premier système de mesure utilisant ce type de capteurs est opérationnel en 2000 aux États-Unis.
Aujourd’hui, les réseaux intelligents se développent progressivement. L’expression smart grids se généralise en 2005 avec la mise en place par la Commission Européenne de la plateforme technologique « Smartgrids ».
Les préoccupations environnementales et les attentes concernant la continuité de la fourniture d’électricité contribuent au déploiement de cette technologie. Les nombreux blackouts, notamment aux États-Unis ou en Italie, rappellent le besoin de moderniser des réseaux électriques très vieillissants.
Actuellement, malgré l’engouement des pouvoirs publics et des industriels, les implantations restent locales et parfois expérimentales. Le développement est progressif et l’adaptation des infrastructures prend du temps. En définitive, le développement des smart grids relève davantage d’une évolution dans l’optimisation des réseaux que d’une révolution technologique.
À court et moyen termes, les réseaux intelligents seront essentiellement déployés dans les pays développés car la modernisation du réseau nécessite d’importants investissements .
Les États-Unis ont été précurseurs dans le développement des smart grids. De grands investissements sont en effet consentis afin de moderniser un réseau électrique défaillant et souvent obsolète.
En Europe, le niveau des avancées varie selon les pays. Les pays dont les réseaux sont fragiles et dont la production est largement émettrice de CO2 sont les plus volontaires (comme l’Italie et l’Espagne), tout comme ceux qui ont des préoccupations écologiques anciennes comme la Suède.
Se voulant pionnière en Europe, l’Italie a installé depuis 2001 près de 30 millions de compteurs intelligents dans plusieurs régions. À l’origine, ce pays souhaitait surtout moderniser ses réseaux pour éviter les pannes récurrentes. De fait, il a vu les pics de consommation diminuer de 5% dans les régions concernées, tandis que les coûts annuels de gestion des réseaux de distribution baissaient de 5%(5). L’évolution progressive vers les smart grids a amélioré l’efficacité énergétique en Italie.
La France dont le réseau est plutôt de bonne qualité et dont le parc de production est peu émetteur de CO2 affiche des objectifs plus lents.
Les investissements entrepris et les avancées réalisées concernent principalement l’installation de compteurs intelligents à ce jour. On estime à 80% le nombre de foyers équipés de compteurs intelligents en Europe. Il s’agit d’une condition indispensable mais non suffisante pour avoir des réseaux intelligents réellement efficaces. L’effort devra être conduit en parallèle sur les autres composants du réseau, notamment son système d’information.
À long terme, le développement des smart grids devrait s’étendre à l’ensemble des réseaux interconnectés. Toutefois, l’implantation des réseaux intelligents dépend de l’efficacité des dispositifs techniques et de l’implication des parties prenantes.
Parmi elles, les consommateurs auront un rôle clé. En effet, l’équilibre du système électrique sera davantage géré par l’utilisateur final. Une sensibilisation du public sur les enjeux du système sera alors nécessaire pour en comprendre l’utilité. Cela exigera aussi un accès aisé aux informations via des interfaces multiples et simples (smartphones, ordinateurs, etc.).