La sidérurgie, une industrie très dépendante du charbon...

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Haut fourneau à Kalinganagar

Haut fourneau à Kalinganagar, dans le nord est de l'Inde. (©Tata Steel)

La consommation mondiale d’acier a plus que triplé depuis 1970 avec le développement d'économies de plus en plus urbanisées. Or, la sidérurgie constitue l’industrie lourde émettant le plus de CO2 en raison de sa dépendance au charbon, rappelle l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport publié le 8 octobre(1).

Importance du charbon

L’acier est incontournable dans nos sociétés : « la construction des logements, des écoles, des hôpitaux, des ponts, des transports » dépend par exemple de cet alliage métallique qui constitue également « un ingrédient de la transition énergétique » (faisant partie intégrante de la fabrication de panneaux solaires, d’éoliennes, de barrages hydrauliques, etc.), souligne l’AIE.

La sidérurgie compte à l’heure actuelle pour 8% de la consommation finale d’énergie dans le monde. Et le charbon couvre près de 75% des besoins énergétiques de cette industrie selon l'AIE. Le charbon est utilisé pour produire de la chaleur et du coke, combustible à haut pouvoir calorifique qui permet d’atteindre des températures très élevées dans les hauts fourneaux (contrairement au bois ou à la houille) et de réduire le minerai de fer pour produire de la fonte, elle-même transformée en acier.

Cette dépendance au charbon explique que la sidérurgie soit, au niveau mondial, à l'origine de près de 2,6 milliards de tonnes d'émissions annuelles de CO2, soit environ 7% de l’ensemble des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie(2), souligne l’AIE.

Consommation d'énergie de la sidérurgie mondiale
La production mondiale d’acier a plus que doublé au cours des deux dernières décennies, tirée par la demande chinoise. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Croissance de la production et recyclage

La crise du Covid-19 va certes entraîner un déclin de la production mondiale d’acier d’environ 5% en 2020 (par rapport à 2019), mais le secteur devrait retrouver rapidement « une trajectoire de croissance robuste » selon les prévisions de l’AIE. La Chine, premier producteur mondial, devrait d’ailleurs dès 2020 « aller à l’encontre de cette tendance mondiale avec une hausse de sa production annuelle ».

Selon les prévisions de l’AIE, la demande mondiale d’acier pourrait au total encore augmenter d’un tiers d’ici à 2050 et les émissions annuelles de CO2 liées à la sidérurgie atteindre 2,7 milliards de tonnes à cet horizon malgré les efforts pour réduire l’impact carbone du secteur.

Il est rappelé dans le rapport de l’Agence international de l’énergie que l’acier est déjà « l’un des matériaux les plus recyclés » à l’heure actuelle (taux de recyclage de 80% à 90% dans le monde selon l’AIE) : le minerai de fer fournit environ 70% des matières premières métalliques utilisées dans la fabrication de l’acier mais le reste provient d’acier recyclé (qui permet de diviser par huit la consommation d’énergie nécessaire à la production d’acier par rapport au minerai de fer).

Le recyclage ne peut toutefois pas constituer la seule voie pour réduire drastiquement l’impact énergétique et carbone du secteur, les volumes d’acier recyclé étant loin de pouvoir répondre aux besoins de matières premières de la sidérurgie mondiale. L’AIE souligne par ailleurs que le parc mondial de hauts fourneaux est jeune : environ 13 ans en moyenne, soit « moins d’un tiers de la durée de vie typique de ces installations ».

CCUS et réduction de la demande

Dans son scénario « Sustainable Development » (jugé compatible avec les objectifs de l’accord de Paris), l’AIE estime que les émissions mondiales de CO2 de la sidérurgie devraient au moins être divisées par deux d’ici à 2050 (pour atteindre alors près de 1,2 Gt de CO2 par an). Dans cette optique, de nombreuses mesures devraient être mises en place, au niveau de la production mais surtout « en aval du secteur », avec par exemple une prolongation de la durée de vie des bâtiments ou la conception de véhicules plus légers.

L’AIE évoque la nécessité de développer de « nouveaux procédés de fabrication de l’acier » tout en reconnaissant qu’il n’y a pas « une seule bonne réponse » pour assurer un approvisionnement énergétique moins carboné au secteur : charbon avec capture, stockage et utilisation du CO2 (CCUS), électrification, hydrogène, etc.

Dans son scénario « Sustainable Development », l'AIE estime qu'il faudrait entre autres déployer des installations CCUS pouvant capter environ 400 millions de tonnes de CO2 par an dans le monde à l'horizon 2050, ce qui nécessiterait de « déployer une grande installation CCUS(3) toutes les 2 à 3 semaines à partir de 2030 »(4).

Scénarios de l'AIE sur l'évolution de la sidérurgie mondiale
Dans son scénario « Sustainable Development », l’AIE envisage une forte baisse de l'intensité énergétique de la production d'acier d'ici à 2050. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

L’AIE consacre une partie de son rapport à la situation de la sidérurgie en Inde, deuxième producteur mondial d’acier (loin derrière la Chine). Selon ses prévisions, presque un cinquième de l’acier produit dans le monde en 2050 pourrait provenir de ce pays, contre environ 5% à l’heure actuelle.

Si l’AIE présente une feuille de route allant jusqu’au milieu du XXIe siècle, elle appelle les décideurs à « avoir à l'esprit 2030 comme la fenêtre critique pour accélérer la transition » de la sidérurgie.

Sources / Notes

  1. Iron and Steel Technology Roadmap, Agence internationale de l’énergie, octobre 2020.
  2. Et davantage que les émissions du fret routier selon l'AIE.
  3. L’AIE considère une « grande installation CCUS » comme pouvant capter 1 million de tonnes de CO2 par an.
  4. L’AIE envisage également une augmentation de 720 TWh de la demande annuelle d'électricité du secteur d’ici à 2050 (soit une hausse de 60% par rapport à aujourd’hui). 

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