Stratégie énergie-climat de la France : la PPE et la SNBC enfin publiées

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Programmation pluriannuelle de l'énergie

Démonstrateur d'agriculture photovoltaïque. (©EDF-Adrien Daste/TOMA)

Les décrets relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en France métropolitaine continentale(1) et à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)(2) ont été publiés au Journal officiel le 23 avril. Nous vous restituons quelques chiffres clés de ces documents qui sont censés illustrer la stratégie énergie-climat de la France.

Baisse des consommations énergétiques

En France métropolitaine continentale, la PPE fixe pour objectif de réduire la consommation finale d’énergie de 7,5% en 2023 et de 16,5% en 2028 par rapport au niveau de 2012 (article 2 du décret relatif à la PPE).

Des objectifs de baisse de la consommation sont en particulier détaillés pour les sources d’énergie fossile (exprimés cette fois en énergie primaire) : la consommation française de pétrole doit notamment être réduite, par rapport au niveau de 2012, de 19% en 2023 (celles de gaz et de charbon doivent respectivement baisser de 10% et 66% à cet horizon).

Développement des filières renouvelables productrices d'électricité

La PPE fixe des objectifs de puissances installées (et non de production d'électricité) pour le développement des filières renouvelables productrices d’électricité (article 3 du décret). D’ici à 2023, il est en particulier prévu d’augmenter de 60% les capacités éoliennes installées dans l'hexagone par rapport à fin 2019 (pour porter la puissance totale du parc éolien à 26,5 GW en 2023, dont 2,4 GW de capacités offshore(3)). La puissance du parc photovoltaïque métropolitain devrait pour sa part plus que doubler d’ici à 2023  (objectif de 20,1 GW installés), toujours par rapport à fin 2019(4). Des cibles de développement à l’horizon 2028 - comprenant une option « basse » et une option « haute » - sont également inscrites dans le décret(5). Pour atteindre ces différents objectifs, un calendrier indicatif d’appels d’offres d’ici à 2024(6) est précisé (avec des prix cibles pour ceux concernant l’éolien offshore).

Pour l’hydroélectricité , qui constitue de loin la première filière renouvelable productrice d’électricité en France (11,2% de la production électrique totale en France métropolitaine en 2019(7)), la puissance installée du parc devrait peu évoluer dans les années à venir. Par ailleurs, le décret fixe comme ambition « d’engager d’ici à 2028 des projets de stockage sous forme de stations de transfert d’électricité par pompage, en vue d’un développement de 1,5 GW de capacités entre 2030 et 2035 » (ces installations hydroélectriques sont le seul moyen pour stocker de l'électricité à grande échelle en France).

Fermetures de réacteurs nucléaires

La loi énergie-climat a fixé comme objectif de porter à 50% la part de l'énergie nucléaire dans le mix de production électrique français à l'horizon 2035 (contre 70,6% en 2019). Le document détaillé de la PPE(8) esquisse le mix électrique à plus court terme que ses objectifs « doivent permettre d’atteindre » en 2023 (voir ci-dessous). 

Mix électrique de la France en 2019 et 2023

Dans le cadre de la « diversification » du mix électrique français, la PPE prévoit le cadre suivant :

  • il est prévu d'arrêter 14 réacteurs nucléaires d’ici à 2035, en incluant les 2 tranches de la centrale de Fessenheim (le réacteur n°1 a déjà été mis à l'arrêt en février, la fermeture du réacteur n°2 est prévue le 30 juin) ;
  • il est fixé comme principe(9) l'arrêt desdits réacteurs « à l’échéance de leur 5e visite décennale(10), soit des arrêts entre 2029 et 2035 »(11). Le gouvernement prévoit toutefois des exceptions à ce dernier principe afin de « lisser » le programme de fermetures (pour éviter l’arrêt de 2 réacteurs par an en moyenne entre 2030 et 2035) : il est demandé à EDF de prévoir « la fermeture de 2 réacteurs par anticipation des 5e visites décennales » en 2027-2028 (sauf si la sécurité d’approvisionnement est fragilisée par ces arrêts). Le gouvernement précise qu'il pourrait également demander à EDF « l’arrêt de deux réacteurs supplémentaires, en 2025-2026 » sous certaines conditions(12).

Chaleur et gaz « renouvelables », mobilité propre et réduction des émissions de gaz à effet de serre

Le décret relatif à la PPE précise également des objectifs de développement de la production de chaleur et de froid renouvelables et de récupération d'énergie (article 4). Il est par ailleurs fixé comme ambition de porter la part de gaz renouvelable dans la consommation totale de gaz en France à 7% en 2030 « en cas de baisse de coûts de production du biométhane injecté permettant d’atteindre 75 €/MWh PCS en 2023 et 60 €/MWh PCS en 2028 » et jusqu’à 10% « en cas de baisses de coûts supérieures ».

En matière de « mobilité propre », la PPE prévoit de porter le parc de véhicules électriques en circulation à 660 000 voitures à fin 2023 et 3 millions à fin 2028, contre près de 115 000 à fin 2019. Et pour ce qui concerne les véhicules particuliers hybrides rechargeables, l'objectif est fixé à 500 000 voitures à fin 2023 et 1,8 million à fin 2028. Pour accompagner leur déploiement, 100 000 points de recharge devraient être ouverts au public à fin 2023.

Ajoutons que le décret relatif à la PPE mentionne aussi des objectifs de production de l'hydrogène dit décarboné (dont « le taux d’incorporation dans l’hydrogène industriel » devrait être porté à 10% à fin 2023 et entre 20% et 40% à fin 2028) et des capacités d’effacement électrique (article 11). Il comprend également une liste des infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel considérées comme nécessaires à la sécurité d’approvisionnement (article 10).

Le décret relatif à la SNBC précise quant à lui les budgets carbone de la France métropolitaine continentale pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033, « fixés respectivement à 422, 359 et 300 Mt de CO2éq. par an, hors émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie »(13).

Sources / Notes
  1. Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
  2. Décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone. 
  3. Donnée pour la France métropolitaine, Corse comprise.
  4. 9,4 GW à fin 2019 (donnée pour la France métropolitaine, Corse comprise).
  5. Ces données de capacités installées doivent être rapportées aux facteurs de charge – qui varient sensiblement d’une filière à une autre (mais aussi d’une installation à une autre et d’une période à une autre en fonction des ressources disponibles) – pour connaître in fine la production associée.
  6. Pour le photovoltaïque au sol : deux appels d’offres par an à hauteur de 1 GW par période, à compter du second semestre de 2019 ; – pour le photovoltaïque sur bâtiment : trois appels d’offres par an à hauteur de 300 MW par période.
    Pour l’hydroélectricité sous autorisation : 1 appel d’offres de 35 MW par an.
    Pour l’éolien terrestre : deux appels d’offres par an à hauteur de 925 MW par période, à compter du second semestre de 2020 (hors renouvellement).
  7. Près de 51% de la production électrique d’origine renouvelable en 2019.
  8. Hormis pour Fessenheim.
  9. Point 4.5. de la Programmation pluriannuelle de l’énergie.
  10. Cette échéance est justifiée par le fait qu’elle constitue une « date bien définie à laquelle un arrêt long et des investissements sont obligatoires, qui ne seront pas engagés si un arrêt définitif est planifié à cette date ».
  11. Considérant qu’une durée d’exploitation de 50 ans « amortit comptablement les réacteurs de 900 MW », aucune indemnisation n’est prévue au titre de ces arrêts.
  12. La PPE rappelle que « le gouvernement identifiera les sites faisant prioritairement l’objet de fermetures, sur la base de la proposition transmise par EDF ». « Sauf exception, la décroissance du parc nucléaire ne devra conduire à l’arrêt complet d’aucun site nucléaire ».
  13. Pour respecter ces engagements, les émissions françaises de gaz à effet de serre devraient concrètement être réduites, par rapport au niveau de 2015, de près de 8,2% en moyenne sur la période 2019-2023 et de 23,3% sur la période 2024-2028.

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