Conseiller du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
Membre de l’Académie des technologies
Fin 2015, la société Colas lance l’idée de produire de l’électricité par des panneaux solaires sur les routes. L’invention consiste à recouvrir les panneaux solaires d’un film de résine protectrice de quelques millimètres. Elle résulte de travaux réalisés dans les laboratoires de l’INES à Chambéry sur une piste de 10 mètres de long et est protégée par deux brevets. Cette idée n’est pas nouvelle : elle est développée depuis 10 ans par la société américaine Solar Roadways et il existe déjà aux Pays-Bas une piste cyclable solaire de 70 mètres de long.
La ministre de l’environnement trouve qu’il s’agit d’une idée lumineuse et tweete le 31 janvier 2016 : « La route solaire, innovation française sera installée sur 1 000 km en France. Grands travaux ». Les initiatives se succèdent à un rythme élevé. Le 3 juin, la ministre inaugure en Vendée 50 m2 de route solaire sur un parking (coût : 160 000 € financés par le Conseil Général). Et le 22 décembre, elle inaugure dans l’Orne une route solaire d’un kilomètre (surface de 2 800 m2). Le financement est assuré par une subvention de 5 millions d’euros. Dans son discours d’inauguration, la ministre vante « une première mondiale dont le potentiel est infini ».
Baser le déploiement d’une technologie sur des subventions publiques durables n’est assurément pas durable !
On peut s’interroger sur l’empressement à lancer projet sur projet alors que la technologie est encore peu mature. Dans les recherches technologiques de ce type, il convient de valider la technologie avant de se lancer dans des démonstrations coûteuses de grande taille. Cela permet en outre de profiter des retours d’expérience sur les pilotes. Dans ce cas, il est en particulier indispensable de vérifier en condition réelle les coûts de maintenance, notamment liés à l’encrassement des panneaux, ainsi que la durée de vie des panneaux soumis à des contraintes fortes (poids des véhicules, conditions météorologiques).
Il faut se rappeler qu’une innovation est une invention qui a trouvé son marché. Il est vrai que la technologie peut tout ou presque à condition de ne pas aller à l’encontre des lois scientifiques. Mais baser le déploiement d’une technologie sur des subventions publiques durables n’est assurément pas durable!
A l'évidence, mettre des panneaux solaires sur les routes n’est pas la meilleure valorisation de l’énergie solaire.
Or le coût de la route solaire est considérablement plus élevé que celui du solaire photovoltaïque en toiture : 17 € /W crête, soit 10 fois plus cher. Certes les promoteurs de la technologie envisagent un coût de 6€/W mais cela conduit à un coût de l'électricité produite de 600€/MWh (sur la base d’une production sur 1 000h par an et d’une durée de vie du revêtement de 10 ans), soit 5 à 10 fois plus cher que l’éolien terrestre. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte des contraintes spécifiques liées au raccordement au réseau électrique et au stockage. Dans ces conditions, quel est le surcoût du déploiement accéléré d’une technologie non mature? Quel est le coût pour le consommateur d’électricité via la CSPE, quel est le coût pour le contribuable via les subventions ?
A l’évidence, mettre des panneaux solaires sur les routes n’est pas la meilleure valorisation de l’énergie solaire. Implanter des panneaux sur des surfaces existantes est beaucoup moins cher et plus productifs : à noter qu’une inclinaison des panneaux de 30° vers le soleil améliore fortement le rendement.
Cette technologie est présentée comme un des moyens d’assurer la transition énergétique. Mais quel est le coût de la tonne de CO2 évitée? Rien n’est dit sur ce point majeur. Il devrait se situer à des niveaux de plusieurs centaines d’euros à la tonne de CO2 alors que le prix du CO2 sur le marché européen stagne à moins de 10 euros par tonne et qu’il existe de nombreuses technologies de réduction des émissions à un coût inférieur à 30 euros par tonne.
Avant d’engager des développements aussi coûteux, il aurait été souhaitable de recueillir l’avis d’experts compétents. Cela ne semble pas le cas dans la mesure où l’avis du Conseil scientifique de l’Ademe n’a pas été sollicité. Cette technologie n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est d’avoir trouvé un État prêt à dépenser beaucoup d’argent. Ceci a fait dire à Jenny Chase, directrice des analyses solaires au sein de Bloomberg New Energy Finance : « les routes solaires semblent être un moyen de subventionner les entreprises françaises, pas de produire de l’électricité » Espérons que les emplois créés seront durables…
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