Suspension de MaPrimeRénov’ : l’arbre qui cache le vrai choix stratégique du gouvernement

Stéphane Laroche et Florence Lievyn

Stéphane Laroche, Directeur général opérationnel de Sonergia
Florence Lievyn, Responsable des affaires publiques de Sonergia

Depuis quelques années, la seule constante dans le monde de la rénovation énergétique est l’inconstance des décisions gouvernementales. Le secteur subit une succession de stop and go, créant un climat d’incertitude permanent. C’est un constat, partagé par le Président Macron lui-même dans sa déclaration le 8 juin à la presse quotidienne régionale : « Ce n'est pas le moment de créer des incertitudes sur les dispositifs mis en place ». Dès lors, la véritable question est la suivante : comment sortir de cette ornière et retrouver de la visibilité et de la sérénité ?

Un fait est désormais établi : une part croissante de dépenses, parfois éloignées de l’objectif strict d’économies d’énergie et qui relèveraient normalement du budget public, sont aujourd’hui financées par le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE). C’est le cas par exemple du leasing social de véhicules électriques, du bonus écologique ou encore du financement de la rénovation d’ampleur via MaPrimeRénov' (MPR). Sur ce dernier point, il est ainsi prévu que la part des CEE viennent financer la rénovation d’ampleur à hauteur de 60%, quand elle s’établissait plutôt à 30% jusqu’alors.

Dans le même temps et pour ne pas augmenter le niveau de l’obligation, le ministère supprime des gisements de travaux CEE pour rééquilibrer les flux : 11 fiches relatives à l’isolation dans les secteurs industriels et tertiaires devraient ainsi être abrogées d’ici l’été.

En d’autres termes, si les financements sont bien maintenus, ce ne sera plus le contribuable via l’impôt qui financera majoritairement les politiques publiques de transition énergétique, mais le consommateur via sa facture d’énergie qui embarque le mécanisme des CEE. Que l’on apprécie ou non cette tendance, elle est actée. Nous ne reviendrons pas en arrière.

Désormais, le gouvernement fait face à un choix fondamental. Il n’a que deux options. La première revient à arrêter, tout ou partie, le soutien au financement des travaux d’économies d’énergie. Cela reviendrait à fixer pour la 6e période CEE un niveau d’obligation très modeste ; la hausse de la facture d’énergie étant limitée mais embarquant de lourdes conséquences :

  • très peu de travaux seraient réalisés du fait d’un reste à charge trop élevé ;
  • une hausse du chômage dans les entreprises du bâtiment serait inévitable ;
  • les engagements climatiques de la France seraient compromis (pénalités européennes à la clé) ;
  • les ménages resteraient sans protection face à la hausse des prix de l’énergie.

Pourtant, la demande est bien là : l’emballement autour de MPR en est une preuve éclatante.

La seconde option consiste à assumer un financement ambitieux des travaux, en ayant un recours accru aux CEE. Cela impliquerait une 6e période ambitieuse, avec une obligation CEE élevée. La facture d’énergie des ménages augmenterait, mais le gouvernement pourrait en limiter l’impact par des mécanismes de justice sociale — par exemple, en soumettant aussi l’énergie vendue aux industriels à l’obligation.

Cela permettrait de :

  • redynamiser le secteur de la rénovation énergétique ;
  • maintenir l’emploi dans la filière ;
  • respecter nos objectifs climatiques ;
  • protéger les ménages face aux prix de l’énergie.

Au fond, la vraie question n’est pas de savoir quand l’ANAH recommencera à traiter les dossiers MaPrimeRénov’, ni quelles seront les futures conditions d’éligibilité. La vraie question est la suivante : le gouvernement ira-t-il dans le sens des déclarations du Président Macron appelant à « maintenir » le cap sur l’écologie et qui attend que les acteurs et le gouvernement maintiennent cette politique de rénovation énergétique ou choisira-t-il d’abandonner la dynamique de rénovation énergétique ?

Et pour le savoir, un seul indicateur sera déterminant : le niveau d’obligation fixé pour la 6e période des CEE. C’est cette décision, et cette décision seule, que le secteur doit désormais scruter. Bien sûr, une décision de reculer le début de la 6e période pourra être interprétée par un abandon par le Gouvernement de la rénovation énergétique.

Commentaire

Philippe Guillaudeux
Les politiques ont suivi des technocrates pour installer une "usine à gaz" dont la complexité est inversement proportionnelle à son efficacité ! Le DPE, avec notamment le coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire n'a pas de sens pour le consommateur qui regarde sa facture et pas comment son kWh est produit ! L'ADEME a été à l'origine de ce calcul pour s'opposer à l'électricité nucléaire, comme elle l'a fait vis à vis des pompes à chaleur il y a plus de dix ans maintenant ! On peut s'interroger sur la pertinence de cette agence de l'Etat !!! Malheureusement les politiques penchent très souvent dans leur décisions vers le clientélisme...
DANIEL HOSTALIER
Merci pour votre commentaire. Effectivement l'ADEME a toujours été opposé à l'électricité nucléaire pour ne pas être en opposition avec les précédents gouvernements qui étaient arrivés au pouvoir grace aux écologistes. Cette agence est utile mais à condition qu'elle ne soit pas sous influence et qu'elle sache se remettre en cause.
Gui
IL ne faut non pas supprimer mais simplifier le mécanisme de rénovation énergétique. Il me semble que de bons exemples sont à prendre dans d'autres pays. https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2020/11/hcc_rapport_renover_mieux_lecons_deurope.pdf
Ceyal
il faut supprimer toutes ces aides à la rénovation thermique, aux véhicules électriques, à la réparation, etc etc... car quand on n'a plus de fric, on fait des économies, on n'emprunte pas pour financer des aides qui en final font augmenter les

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