Mix énergétique : les recommandations de l'OPECST face à « l’ampleur des défis qui s’accumulent »

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Ligne électrique

Ligne électrique reliant Aigueblanche à Saint-André. (©RTE/Seignette-Lafontan)

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) émet 9 recommandations en lien avec « les impacts technologiques de l’évolution du mix énergétique français », dans un nouveau rapport publié ce 3 décembre. L'électrification insuffisante des usages y est notamment soulignée.

Consulter le rapport de l'OPECST sur « Les impacts technologiques de l’évolution du mix énergétique et ses conséquences sur l’outil industriel et les réseaux » (version provisoire - décembre 2025).

Programmation énergétique : des « enjeux complexes »

C'est fin mars 2025 que la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale sasit l'OPECST d’une étude sur « les impacts technologiques de l’évolution de notre mix énergétique, afin notamment d’analyser les conséquences qu’elle aura sur notre outil industriel et les réseaux ». Dans sa lettre de saisine, les enjeux « complexes » de la programmation énergétique sont soulignés, en plein débat sur la PPE3 (toujours attendue à ce jour), document qui doit rappeler les lignes directrices de la stratégie française en actualisant les objectifs associés. 

Il s'agit notamment pour les parlementaires « d'appréhender plusieurs évolutions simultanées, en particulier la progression de la consommation électrique, la montée en puissance des énergies renouvelables et la relance du nucléaire », souligne la commission des Affaires économiques dans son courrier à l'OPECST.

De fait, même certaines évolutions longtemps jugées comme « acquises » doivent aujourd'hui faire l'objet d'une révision : « contrairement à ce qui avait été anticipé, la consommation d'électricité non seulement stagne mais est revenue à son niveau d'il y a 20 ans », a en particulier souligné le député Joël Bruneau (LIOT) lors de la présentation du rapport de l'OPECST devant la presse. 

Une situation « éminemment problématique »

La question de l'électrification des usages fait l'objet de la première des neuf recommandations du rapport de l'OPECST : elle est « aujourd’hui indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique et diminuer la dépendance aux hydrocarbures importés, mais aussi pour assurer la cohérence de la trajectoire énergétique nationale », souligne l'OPECST. Mais la consommation électrique stagne quasiment aujourd'hui autour de 450 TWh par an et RTE va revoir à la baisse ses prévisions concernant l'évolution de la demande d'électricité (le gestionnaire de réseau présentera son Bilan prévisionnel 2025 le 9 décembre prochain).

Cette stagnation de la demande d'électricité est en partie liée à « de bonnes raisons » (une plus grande sobriété) mais aussi à la disparition d'industries : la consommation française d'électricité des grands clients industriels a « reculé d’environ 13% en 2023 par rapport à la moyenne de la période 2014-2019 », rappelle ainsi le rapport de l'OPECST.

Une situation jugée « éminemment problématique », par le sénateur Patrick Chaize (LR), autre rapporteur du travail de l'OPECST : « l'impératif derrière l'électrification est la décarbonation », sachant que près de 60% de l'énergie consommée en France reste d'origine carbonée. Et le sénateur souligne la hausse des capacités de production électrique avec une croissance rapide des filières renouvelables, notamment du solaire photovoltaïque (dont les capacités vont encore augmenter d'environ 5 GW cette année).

Cette « surabondance » de l'offre par rapport à la demande pourrait avoir, « si elle devait perdurer, des conséquences délétères pour la gestion du réseau et nos finances », note Patrick Chaize. Qui cite notamment des périodes de plus en plus fréquentes de prix négatifs. Le sénateur souligne également le risque que les nouveaux actifs de production soient sous-utilisés, voire « échoués », et les effets pervers de la modulation du parc nucléaire (avec entre autres la crainte d'un vieillissement prématuré de certains composants).

Dans ce contexte, l'OPECST insiste sur le rôle essentiel de la flexibilité électrique, tant côté offre (le rapport appelle à mettre en œuvre les projets de STEP, compte tenu de l’accord avec la Commission européenne sur le régime des concessions hydroélectriques) que côté demande (l'OPECST salue la mise en place progressive, depuis novembre 2025, de nouvelles plages d’heures creuses).

Le détail des 9 préconisations de l'OPECST

1. Donner la priorité à l’électrification de la demande

2. Accélérer le déploiement de nouvelles capacités de stockage électrique, avec une priorité aux STEP

3. Étudier la possibilité de faire contribuer les producteurs d'électricité non pilotables à l’équilibrage du réseau

4. Tirer tous les enseignements du black-out ibérique (un rapport définitif d'ENTSO-e à ce sujet est attendu au 1er trimestre 2026)

5. Soutenir l’innovation pour la décarbonation de l’industrie et garantir un accès à une électricité compétitive, notamment via des contrats de long terme

6. Intégrer le potentiel des SMR et des AMR pour la production de chaleur dans la programmation énergétique et continuer à accompagner les plus prometteurs

7. Garantir une autonomie stratégique dans la production et l’accès aux équipements critiques du système énergétique

8. Inscrire l’exploitation du parc nucléaire dans une perspective de long terme structurée par périodes de vingt années pour la définition de la politique énergétique

9. Prévoir un débat annuel au Parlement sur la politique énergétique

Suite aux atermoiements des derniers mois, ce rendez-vous parlementaire annuel sur les trajectoires énergétiques et de décarbonation est, selon le nouveau rapport de l'OPECST, « la seule façon de garantir un réel contrôle démocratique de ce sujet stratégique et une meilleure cohérence entre le contexte général de la politique énergétique, les objectifs nationaux fixés par la programmation pluriannuelle énergétique et les instruments budgétaires, financiers et réglementaires mis en œuvre pour les atteindre ». Les polémiques récentes autour des questions énergétiques (notamment sur l'impact des CEE en 2026) n'incitent toutefois pas les observateurs à l'optimisme à ce sujet.

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