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Au Chesnay-Roquencourt, à l'ouest de Paris, des foreurs s'activent autour d'un puits de forage pour extraire de l'eau chaude du sous-sol. L'objectif : alimenter en chaleur décarbonée et à prix stable 7 500 logements, un hôpital et deux groupes scolaires grâce à la géothermie.
De l'eau chaude de la nappe du Dogger
Cette solution est "sans impact et sans émission", explique Ludovic Kerandel, le directeur développement Ile-de-France d'Engie solutions France. Elle fait son chemin en Ile-de-France, l'une des régions du monde les plus denses en installations géothermiques, selon le Syndicat des Energies Renouvelables (SER).
Sur le puits de forage, ou rig, 9 mètres au-dessus du sol, les foreurs assemblent les tuyaux successivement l'un à l'autre avant dans les plonger dans le puits. La manœuvre ne dure que quelques minutes : le tuyau est amené sur la plateforme grâce à un système élévateur, puis il est basculé verticalement et vissé à celui qui le précède, avant de disparaître sous terre.
Ces tuyaux transporteront l'eau chaude de la nappe du Dogger, le principal aquifère en région parisienne, situé entre 1 500 et 2 000 mètres de profondeur.
De l'eau jusqu'à 78°C
Cela se fait au moyen d'un "doublet" de forages, deux puits voisins. Le premier, dit de "production", sert à puiser l'eau. Le second, de "réinjection", à la réintroduire dans la nappe après son passage dans les échangeurs thermiques de la centrale. L'eau prélevée est intégralement restituée.
Ces nappes sont majoritairement des réserves d'eau saline et ne sont donc pas des nappes d'eau potable, souligne le SER.
"Cette eau chaude se situe aux alentours de 1 500 mètres" de profondeur, poursuit Ludovic Kerandel. "On peut trouver de l'eau jusqu'à 78°C, ce qui est un peu exceptionnel. Ici, elle est un peu moins chaude, aux alentours de 60 degrés, et elle est un petit peu moins facile à extraire".
Le projet, d'un montant de 30 millions d'euros, a été lancé en 2022 par le syndicat des copropriétaires de Parly 2, l'une des plus grandes copropriétés d'Europe, avec le soutien de l'Agence de la transition écologique (Ademe).
Pour les abonnés, actuellement chauffés par une centrale à gaz, la géothermie représente une option alternative idéale aux réseaux de chaleur encore trop souvent alimentés aux énergies fossiles qui réchauffent le climat.
Un chauffage pour 9 000 équivalents logements
Avec 71 000 mégawattheures (MWh) d'énergie livrée par an, il va permettre de chauffer les 37 résidences de la copropriété, l'hôpital Mignot, deux groupes scolaires et le collège Charles-Péguy, ainsi que plusieurs bâtiments communaux. Soit 9 000 équivalents logements.
Cela se traduira à horizon 2026 par une réduction des émissions de 18 500 tonnes-équivalent CO2 par an. Selon les promoteurs du projet, c'est l'équivalent de 9 500 véhicules thermiques évités par an.
L'autre avantage est de stabiliser la facture énergétique des abonnés. La géothermie permet de bénéficier de prix garantis sur la durée de la concession, près d'une trentaine d'années.
De plus, la géothermie "profonde" en Ile-de-France offre une haute performance énergétique, selon le SER : pour 1 kilowattheure (kWh) d'énergie consommée, le système délivre 20 kWh.
Des prix stables et peu d'espace foncier
Cela représente un double intérêt : le coût en électricité consommée est moins élevé et le système est moins sensible aux variations de prix. Si le tarif de l'électricité varie brusquement du simple au double, cela ne pèse que marginalement dans la facture du consommateur. Une aubaine après la flambée des prix consécutive à la guerre en Ukraine en 2022.
Enfin, la centrale ne requiert que peu d'espace foncier, ce qui facilite son acceptation par les riverains.
En région parisienne, les forages géothermiques remontent aux années 1980. Après le choc pétrolier, "il fallait qu'on trouve d'autres solutions" rappelle Ludovic Kerandel. "On a lancé pas mal d'exploration pour trouver du pétrole et finalement, on a trouvé de l'eau chaude", sourit-il.
"En 2022, les 55 opérations de géothermie profonde dans le bassin parisien produisaient 1 700 GWh, soit environ 200 000 équivalents logements alimentés uniquement en énergie renouvelable", souligne le SER.