Belgique : frictions autour de la sortie du nucléaire programmée pour 2025

  • AFP
  • parue le

Le gouvernement belge doit trancher ce mois-ci sur la question de la sortie totale du nucléaire en 2025, en pleine envolée des prix de l'énergie, une perspective qui divise la coalition au pouvoir et suscite de vifs débats sur les moyens de décarboner l'économie.

À rebours de ses partenaires écologistes dans la coalition, le chef des libéraux francophones a de nouveau averti mercredi que la Belgique manquerait forcément sa cible de réduction des émissions de CO2 si elle venait à se passer du nucléaire. "La production électrique bas carbone aujourd'hui, c'est le nucléaire !", a martelé Georges-Louis Bouchez au micro de la RTBF, s'appuyant notamment sur l'exemple français et l'annonce mardi soir par le président Macron de la construction de nouveaux réacteurs. Cette voix forte de la politique belge réagissait aussi à une annonce fracassante du gouvernement flamand dans ce dossier sensible, qui suscite des frictions entre forces politiques, mais aussi entre niveaux de pouvoir.

La Flandre, la région belge la plus peuplée, dirigée par les conservateurs indépendantistes de la N-VA (qui sont dans l'opposition au niveau national), a annoncé mardi soir son refus d'octroyer un permis pour construire une nouvelle centrale à gaz à Vilvorde, une commune flamande limitrophe de Bruxelles. Ce futur équipement exploité par le groupe français Engie conduirait à des émissions d'ammoniac et d'oxyde d'azote supérieures aux niveaux autorisés, s'est défendue la ministre régionale de l'Environnement Zuhal Demir (N-VA).

Dans une Belgique à l'architecture institutionnelle complexe, garantir un approvisionnement suffisant en énergie relève du gouvernement fédéral, mais l'attribution des permis aux centrales qui la produisent est une compétence des régions. Le hic est que la centrale au gaz naturel de Vilvorde - modèle TGV comme Turbine gaz-vapeur - est une des deux grosses installations de ce type qui sont au cœur de la stratégie du gouvernement fédéral pour assurer la continuité de l'approvisionnement, les énergies renouvelables (éolien, solaire) n'étant produites que par intermittence.

« Une grosse tuile »

"La N-VA fait dérailler le plan de sortie du nucléaire", titrait mercredi le quotidien La Libre Belgique. "Une tuile, et une grosse", commentait Le Soir. Engie s'est dit, par la voix d'une porte-parole, "fortement étonné" par la décision flamande car "tous les avis de l'administration donnés jusqu'à présent étaient positifs".

Pour la ministre de l'Energie Tinne Van der Straeten, ce refus de permis "crée une incertitude juridique pour tous les projets industriels en Flandre". Cette écologiste flamande a appelé la région à coopérer avec l'État belge. "Après 20 ans de stagnation et de blocage, nous devons enfin aller de l'avant", s'est-elle agacée.

La position de la ministre est délicate. Elle doit rendre ce mois-ci au Premier ministre Alexander De Croo un rapport réglant pour de bon la question de savoir si la Belgique peut abandonner ses sept réacteurs nucléaires à l'horizon 2025 ou s'il faut envisager de garder 2 GW soit l'équivalent de la production de deux réacteurs.

Cette dernière option a été prévue dans l'accord de gouvernement de l'automne 2020 qui évoque un possible "ajustement du calendrier légal", en fonction de "la sécurité d'approvisionnement" et de "l'impact sur les prix de l'électricité". En Belgique, la promesse d'une sortie progressive du nucléaire est inscrite dans la loi depuis 2003. C'est un héritage de la première participation des écologistes, des adversaires historiques de l'atome, à un gouvernement fédéral.

L'échéance initiale a été repoussée mais désormais le gouvernement est au pied du mur et les écologistes dans une situation particulièrement inconfortable, selon Dave Sinardet, professeur de sciences politiques à l'Université flamande de Bruxelles (VUB).

Sur fond d'accélération du dérèglement climatique, "comment expliquer qu'il faut recourir à des centrales au gaz finalement plus nocives en termes de CO2 ? C'est difficile pour les écologistes, et leurs adversaires jouent de cette faiblesse", dit ce politologue à l'AFP. L'an dernier, 38% de l'électricité produite en Belgique était d'origine nucléaire. Engie, qui exploite les sept réacteurs en activité, prévoit d'en fermer un premier dès octobre 2022.

Commentaires

Schricke

Comme l'âne de Buridan, les belges doivent choisir entre l'orientation Allemande, consistant à (mal) remplacer des réacteurs nucléaires (avec 0 émission de CO²) par des ENR intermittentes, nécessairement couplées à des centrales au gaz polluantes, ce qui produit un Mwh très cher, ou la "nouvelle" orientation Française consistant à un mix raisonnable entre ENR ET nucléaire !... à laquelle l'Europe, Phagocytée par l'Allemagne, tente de s'opposer par tous les moyens, même les plus pervers...
Ils semblent vouloir suivre l'Allemagne vers le mur qui les attend, à court terme, dans le domaine de l'énergie....

Vlady

..."nécessairement couplées à des centrales au gaz polluantes, ".... où avez-vous pêché pareille ânerie ? Encore le résultat d ' une OPINION non fondée ?? Alors , voici un FAIT établi : en Belgique , avec la croissance des énergies renouvelables , on a FERMÉ des centrales au gaz , l ' inverse de ce que vous prétendez !!! Comment ? Pourquoi ? Notre unique STEP , à l ' origine prévu pour stocker les excédents nucléaires la NUIT , a vu ses capacités augmentées pour stocker les excédents produits par les EnR . Quand il n ' y a pas de vent ou de soleil , ce sont ces réserves stockées qui assurent la production , les centrales au gaz sont devenus inutiles !! Avec les EnR , des installations de stockage sont devenues incontournables .
Visiblement vous avez des problème à comprendre le fonctionnement du secteur électrique .......

Goldorak

Je suis pas sur que supprimer 38% d'une production d'electricité stable et pilotable d'un coup soit compensable par l'ajout d'ENR et par une seule STEP existante (qui couvre à peine 10% de la puissance max requise).
Sachant que la densité en Belgique est importante et que les ENR sont gourmande en place et très variables, sans centrale produisant à la demande, difficile d'assurer la demande.
Qque vont-il faire ? acheter de l'electricité nucléaire en France ? De l’électricité au charbon d'Allemagne ?
Soyez un peu sérieux.
Ce qui se profile est soit un report de la fermeture des centrales, soit des coupures régulière de courants.

Vlady

@ Goldorak : le nucléaire N ' EST PAS PILOTABLE , sortez-vous ça de la tête , ce qui est pilotable c ' est le STEP qui lisse la production !! Il n ' y a rien de concret dans votre commentaire , juste une OPINION basée sur votre ignorance du secteur électrique !! Aux opinions , je préfère des FAITS : la capacité nucléaire maximale en Belgique correspond à environ 50 % de la puissance requise les jours les plus froids de l ' année , le reste de l ' année on diminue cette production au bénéfice des EnR , en été on va jusqu ' à descendre à 50 % . Tout celà explique pourquoi la production sur l ' année n ' est que de 38 % . La capacité de la centrale de pompage/turbinage de Coo -- STEP belge -- est portée à 1.800 MW , soit l ' équivalent de 2 CN !! Au large de la côte belge ont été installées 2 fermes d ' éoliennes off shore , dont la puissance est de 1.800 MW aussi , de plus , un gigantesque chantier maritime est en cours , portant cette puissance à 5.900 Mw , quasi la puissance de nos 7 CN . À celà il faut ajouter l ' éolien terrestre et le photovoltaïque sur les toits -- il y a 15 fois plus de PV sur les toits en Belgique qu ' en France !!!
De plus , les échanges d ' électricité entre pays , ça se pratique TOUS LES JOURS , dans tous les sens , en fonction des disponibilités , des demandes , et des opportunités économiques , tous les pays européens sont raccordés sur le même réseau électrique , par conséquent , vos fantasmes sur les coupures de courant , vous les enterrez dans votre bac à sable !!

studer

@ Vlady
SVP laissez de côté votre agressivité et vos certitudes et permettez qu'un ingénieur qui a passé toute sa carrière à piloter des centrales nucléaires (en France, certes) exprime sa position : les centrales nucléaires représentent des investissements considérables, il est donc logique de chercher à leur faire produire à leur maximum pour les amortir. La conception d'origine (qui doit être celle des réacteurs belges) correspond au "mode A" et elle permet déjà un suivi de réseau grossier mais suffisant, si on dispose à côté d'hydraulique ou de STEP comme c'est votre cas. Vous dites d'ailleurs vous même que quand les EnRi (i comme intermittent) produisent beaucoup, vous baissez leur puissance l'été. En France, nous avons amélioré la conception d'origine des réacteurs pour qu'ils puissent ajuster leur niveau de puissance à la demande : les réacteurs peuvent aujourd'hui être réglés entre 20 % et 100 % de la puissance nominale (fonctionnement dit en "mode G").
Le nucléaire est donc parfaitement pilotable, et le fait de posséder un parc (c'est à dire un grand nombre de réacteurs) permet d'ajuster encore plus finement la puissance de l'ensemble.
Cordialement

Vlady

@studer : l ' "effet xénon" , vous en faites quoi ?? C ' est pourtant lui qui nous em...de quand on varie la charge !! Pourquoi a-t-on créé des STEP à votre avis ? Les modifications de la conception d ' origine portent sur le combustible ?? Les modifications de charge induisent des variations de température , et le matériel n ' aime pas ça , surtout dans les GV , au niveau de la plaque tubulaire !!
Moi aussi j ' ai piloté une CN , pendant 30 ans !!
Cordialement ... Vlady

studer

Tout ce qui vous dites (en vrac !) est juste, mais cela est parfaitement maîtrisé dans les centrales française pilotées en mode G (grappes grises qui minimisent les déformées de flux) ; car ce sont d'abord ces déformées, qui créent un risque de point chaud, qui limitent les variations de charge. Les réacteurs français ont été améliorés par rapport au design initial de telle sorte à permettre au moins deux variations de charge de grande ampleur (20 à 100 %) par jour, avec des régulations qui fonctionnent parfaitement.
Quand le nucléaire n'est pas majoritaire dans un mix, vu le coût des investissements, on a intérêt à le faire fonctionner à pleine puissance (et même sans téléréglage) ; c'est le cas aux USA et probablement en Belgique. En France, nous avons modifié le système de contrôle par les grappes (mode G puis mode X sur les réacteurs les plus récents) de telle sorte à pouvoir ajuster le niveau de puissance au besoin du réseau. Les futurs EPR intègreront évidemment ces améliorations et +.
Cordialement

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