Carburants: les premières réquisitions tombent à ExxonMobil, début de dialogue à TotalEnergies

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Mettant sa menace à exécution, le gouvernement a lancé une première réquisition de quatre salariés grévistes chez Esso-ExxonMobil pour libérer du carburant et ravitailler les stations-services franciliennes à sec tandis que la grève se poursuivait y compris chez TotalEnergies où un début de dialogue s'esquisse entre la direction et la CGT.

Comme annoncé par la Première ministre la veille, le ministère de la Transition énergétique a lancé la réquisition des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt de carburants de la raffinerie d'ExxonMobil Port-Jérôme/Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime).

L'arrêté a été notifié par le directeur du site à quatre salariés, deux pour mercredi, et deux pour jeudi, qui se verront contraints de venir rouvrir les vannes, sous peine de sanctions pénales.

Philippe Martinez, leader de la CGT, venu en soutien des salariés d'ExxonMobil, a dénoncé une "décision scandaleuse" et annoncé le dépôt d'un référé jeudi, pour s'y opposer.

La réquisition ne vise pas les opérations de la raffinerie et donc la production de carburant. Elle "va permettre d'assurer l'expédition des produits", "normalement aujourd'hui vers la région parisienne" par oléoduc, a précisé une porte-parole d'Esso France.

Les grévistes du dépôt de Flandres de TotalEnergies, près de Dunkerque, seront les prochains à faire l'objet de réquisitions, a assuré le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.

Le président Emmanuel Macron a quant lui prévu un retour de la normale dans la distribution de carburants "dans le courant de la semaine qui vient", lors d'un entretien sur France 2 mercredi soir, appelant "à la responsabilité" la direction de TotalEnergies et la CGT.

- "Galère" -

Six des sept raffineries de France sont en grève mercredi: les quatre de TotalEnergies et les deux d'Esso-ExxonMobil; seule celle de Lavéra, (groupe Petroineos) n'est pas bloquée.

Et FO, quatrième syndicat parmi les salariés du raffinage chez TotalEnergies, a rejoint la grève.

De quoi prolonger les pénuries, malgré la promesse d'amélioration du gouvernement.

Mercredi à 17H00, 30,8% des stations-service manquaient d'un ou plusieurs carburants (31,3% mardi), selon le ministère. Une proportion pire dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France et en Centre-Val-de-Loire.

Partout les automobilistes racontent leur "galère" et les files monstres: "Ce matin, j'ai perdu 1H30 pour trouver une pompe de gazole (...) sur mon jour de repos", désespère Albertine Morais, infirmière à Clichy-la-Garenne. Et il faudra "recommencer d'ici deux jours": "je suis déjà en panique".

Le patronat s'est inquiété pour sa part cette semaine des conséquences de cette grève sur la vie économique du pays.

La cause du conflit: les salaires. La CGT, qui a lancé la grève le 27 septembre chez TotalEnergies, revendique 10% d'augmentation pour 2022, contre les 3,5% obtenus en début d'année, afin de compenser l'inflation et de profiter des bénéfices exceptionnels du groupe.

- Discussions chez TotalEnergies -

Chez TotalEnergies, pour la première fois la direction a accepté de recevoir la CGT mercredi. Jusqu'à présent, elle exigeait comme préalable la levée des blocages pour voir le deuxième syndicat du groupe. A l'issue de cette première entrevue, la CGT a affirmé que la direction était désormais ouverte à des négociations si les livraisons de carburants reprenaient.

La direction "ne parle plus de levée de la grève mais simplement d'une reprise des livraisons de produits", a indiqué aux journalistes Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité TotalEnergies Europe, devant le siège du groupe, à La Défense. Alors qu'une nouvelle entrevue entre syndicat et direction est prévue vers 23H00, le président Emmanuel Macron a dit espérer "un accord".

Une intersyndicale un temps proposée par la CGT n'a finalement pas eu lieu compte tenu des discussions en cours.

Chez Esso, un accord a été signé avec deux syndicats majoritaires dont la CFDT, mais pas avec la CGT. La grève continuait dans ses deux raffineries.

Chez TotalEnergies, la grève dure depuis le 27 septembre. Elle concerne la raffinerie de Normandie (Gravenchon), près du Havre, le dépôt de Flandres, près de Dunkerque, la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), la raffinerie de Feyzin (Rhône), et celle de Donges.

Face aux automobilistes exaspérés le gouvernement est de plus en plus critiqué par les oppositions.

La députée écologiste Sandrine Rousseau a appelé mercredi à "la grève générale", quand Mathilde Panot (LFI) s'est rendue parmi les grévistes d'ExxonMobil à Gravenchon.

bur-ngu-im-nal/jbo/gvy

Commentaires

Philippe Charles
Cessez de croire les medias mainstream qui cherchent à retourner l’opinion publique contre les grévistes. Ils ne font qu’interroger des automobilistes, dont on comprend l’agacement et dont on partage les difficultés qui nous touchent aussi ainsi que nos proches, sans parler des revendications. Aujourd’hui, la seule responsabilité des pénuries revient à la direction de TotalÉnergies. Quant aux chiffres sur les salaires, ils sont faux ! C’est la provocation ultime qui augmente encore la détermination des grévistes et rajoute de l’huile sur le feu. Dans la pétrochimie, il y a des métiers à très haute valeur ajoutée, avec des conditions de travail difficiles et une exposition prolongée à des produits chimiques dangereux. Ils ont par ailleurs des rémunérations qui sont le fruit de nombreuses luttes. Il faut prendre en compte l’intégralité de ces dimensions. Mais de là à dire qu’un opérateur touche 5000 € en moyenne c’est totalement erroné. Pour donner un exemple, un opérateur entre 15 et 20 ans d’ancienneté peut toucher 3000€. Très loin donc de ce qui est annoncé. La question des rémunérations est un argument avancé par la direction de Total pour mettre une cible sur les grévistes pour la population. la situation est loin d’être sous contrôle comme l’annonce Total ou le gouvernement. La direction ne fait pas tout ce qu’elle peut pour arrêter les grèves : elle doit revenir au bon sens et convoquer immédiatement les syndicats sans l’exigence d’arrêter les blocages. Sur la réquisition par l’armée ou la police, ce sont des tentatives d’intimidation qui ont déjà été jugées illégales par l’OIT à Grandpuits en 2010, qui ne calmeront pas la situation mais risquent de l’envenimer. Alors que Macron souhaite mettre la réforme des retraites au premier plan, le gouvernement cherche à reprendre la main sur une situation dont il n’a plus vraiment le contrôle : le gouvernement est affaibli, les grévistes doivent prendre cette situation à leur avantage en refusant des augmentations a minima qui seront très rapidement rognées par l’inflation. Ces signes de faiblesse montrent qu’il est possible, pour les raffineurs de Total comme d’ExxonMobil, d’aller au bout de leurs revendications et d’obtenir de réelles augmentations de salaires. La fébrilité du gouvernement montre qu’il faut même aller plus loin, et exiger l’indexation des salaires sur l’inflation. Aujourd’hui, il est possible d’acculer le patronat. Pas grâce aux « concertations », mais grâce aux méthodes de la lutte des classes : la grève reconductible et le blocage de l’économie. Alors qu’une grève s’est déclarée la semaine dernière dans les centrales nucléaires, la possibilité d’un mouvement d’ensemble est réelle. C’est la seule façon de faire reculer le patronat et le gouvernement sur les deux questions brûlantes du moment : les salaires et la réforme des retraites. Alors appelons toutes celles et ceux qui sont en colère contre leurs conditions de travail et de salaire à rejoindre le mouvement pour revendiquer des salaires qui couvrent a minima l’inflation et pourquoi pas l’indexation des salaires sur l’inflation comme cela a été réalisé en Belgique. Le gouvernement est responsable de la situation : s'il y avait les salaires indexés à l’inflation cela réglerait en grande partie les problématiques. En outre, être solidaire avec les grévistes des raffineries c’est aussi participer à la lutte contre des groupes pétroliers qui détruisent la planète et ont augmenté drastiquement le prix du carburant, faisant exploser leurs bénéfices.

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