RE 2020 : l'électricité va-t-elle éclipser le gaz pour le chauffage des bâtiments neufs ?

  • AFP
  • parue le

Faut-il privilégier l'électricité au détriment du gaz pour le chauffage des bâtiments neufs, au nom du climat ? Ce scénario alimente une guerre des énergies avant l'entrée prochaine en vigueur de nouvelles règles.

Les secteurs de l'énergie et du BTP attendent avec impatience la nouvelle réglementation environnementale 2020 (dite RE 2020) qui doit succéder l'an prochain à l'actuelle réglementation thermique 2012 (RT 2012) pour le bâtiment.

Ce changement, en apparence très technique, agite les experts et les lobbyistes. "C'est le prototype de quelque chose qui fait trois lignes dans la réglementation mais qui a une incidence absolument considérable", souligne Thierry Salomon, de l'association NégaWatt.

Il s'agit de l'abaissement, proposé par l'administration, du coefficient de conversion appliqué à l'électricité dans les bilans énergétiques. Ce coefficient reflète les pertes d'énergie entre l'énergie primaire (que l'on trouve dans la nature) et l'énergie finale (celle qui arrive chez le consommateur).

Selon ses détracteurs, la modification de ce coefficient aurait un effet très concret : rendre l'électricité plus compétitive qu'elle n'est actuellement et favoriser le retour en force du chauffage électrique le moins performant dans les bâtiments neufs.

"Si vous abaissez le coefficient dès le départ, vous valorisez un peu plus les grille-pains", autrement dit les convecteurs électriques énergivores, critique Thierry Salomon. La France est déjà championne d'Europe de ces équipements qui font grimper la facture d'électricité et provoquent de brutales hausses de la demande en hiver.

Cette perspective fait aussi cauchemarder le secteur du gaz, qui craint de se voir évincer des bâtiments neufs, comme dans certains pays, à l'image du Royaume-Uni, au nom de la lutte contre le changement climatique. Engie se dit depuis des mois inquiet d'un scénario qui avantagerait son grand rival EDF.

"Nous continuons à penser que le gaz dans le logement neuf reste une bonne solution", affirme Patrick Corbin, le président de l'Association française du gaz (AFG), qui tenait récemment son congrès. "Le radiateur électrique, même connecté (au compteur intelligent) Linky, ce n'est pas une bonne solution", poursuit-il : "qu'on le veuille ou non c'est encore une électricité carbonée pendant l'hiver".

« Le mythe du grille-pain »

L'électricité française émet pourtant relativement peu de CO2 en moyenne car elle est majoritairement produite par le nucléaire et l'hydraulique. Mais lors des pics de consommation des soirées hivernales, ce sont d'autres moyens qui viennent à la rescousse : les centrales thermiques à gaz, à fioul et au charbon.

L'administration insiste pourtant surtout sur le besoin de baisser l'usage du gaz fossile au nom du climat. Cela alors que la France dispose d'une feuille de route, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui vise la "neutralité carbone" en 2050.

"Clairement c'est un peu plus d'électricité d'un côté par les pompes à chaleur mais pas le retour du radiateur grille-pain", relativise Laurent Michel, le directeur général de l'énergie et du climat. "On ne vise pas 100% de radiateurs à effet Joule dans les bâtiments en 2030, on vise un mix de solutions", précise le haut fonctionnaire, qui s'exprimait devant l'AFG.

"Il existe des systèmes performants qui permettent de casser le mythe du grille-pain", abonde Julie Daunay, du cabinet Carbone 4. La SNBC "mise sur une forte réduction des chaudières gaz dans la construction neuve, au profit de systèmes moins carbonés telles que les pompes à chaleur, les réseaux de chaleur incluant une forte part d'énergies renouvelées, les chaudières bois", souligne-t-elle.

Si le sujet divise profondément le secteur de l'énergie, tout le monde semble en revanche s'accorder sur le besoin d'aborder le problème plus globalement, avec notamment une amélioration de l'isolation et des efforts pour la rénovation. Laurent Michel prône ainsi une approche "globale". "Il faut véritablement une politique de sobriété et d'efficacité", estime aussi Thierry Salomon.

Commentaires

per kemp

électricité ou gaz
peu importe ça devient Hélas qu'une affaire de fric vu les dizaines de fournisseurs d'énergie qui se créent !
électricité et gaz doivent des produits NATIONALISES !

Jean-Marie Fischer

Les centrales nucléaires produisent en gros 3 kWh de chaleur pour produire 1 kWh d’électricité qui sans compter les pertes en ligne produiras tout au plus 1 kWh de chaleur à basse température dans les « grilles pains ». pourquoi ne pas soutirer à une température convenable, à la sortie des turbines, une partie de la vapeur pour alimenter des réseaux de chaleur? Le rendement électrique en prendrais un coup mais le rendement global y gagnerais. Je suppose que les antinucléaire n’en veulent car se serais de la chaleur qui sort de l’enfer nucléaire et EDF n’en veut pas car cela grignoterais des point à l’excellent rendement de Carnot qu’ils affichent pour masquer le misérable rendement global. Au mois un point d’accord pour les deux protagonistes.

RAVON

Bonjour,
Cette idée est déjà en oeuvre. Autour des centrales EDF a toujours cherché à valoriser les thermies perdues : Chauffage de serres, élevage de poissons etc ...Le pire est qu'il n'y a souvent pas assez de preneurs de cette chaleur quasi gratuite. Les centrales ont été construites loin des habitations par conséquent un réseau de chaleur serait trop couteux et inefficace pour aller chauffer une grande agglomération.
La fermentation de nos ordures ménagères comblerait par contre nos besoins en essence. C'est une voie intéressante car le cycle du carbone est cette fois très court. Pas de carbone de l'ère primaire rejeté aujourd'hui.

sirius

Dans cette affaire , une fois de plus, les éoliennes brillent par leur inefficacité .L'appel à la chaleur n' obéit pas aux fantaisies du vent et on ne sait toujours pas stocker l'électricité .

Houyo

Quel est le rapport entre l'article et les éoliennes? Ce sont des énergies renouvelables et ne sont donc pas concernées par le coefficient de conversion.
De plus l'article se concentre sur les besoins en chauffage et, si on a des difficultés comme vous dites à stocker l'électricité, la chaleur en revanche se stocke très facilement. C'est ce qu'on fait en France depuis des années en faisant fonctionner les cumulus en heures creuses. Avec les compteurs communicants, rien n'empêche de se synchroniser sur la production des ENR, en particulier les éoliennes qui ont leur meilleur facteur de charge en hiver.

Hervé

Bonsoir,
Si il y a même deux rapports entre les éoliennes et le facteur de conversion:

- Ce coefficient pénalise l'éolien car, en minimisant l’intérêt écologique du chauffage électrique, il redirige les nouveaux projets vers des solutions polluantes comme le gaz au détriment de l’électricité éolienne.
- Les éoliennes pourraient (si on trouve le moyen de stockage ...) contribuer à diminuer ce coefficient au même titre que les autres systèmes a faible teneur en carbone.

De toute façon, ce coefficient fixe est une connerie, car en pratique la valeur bouge constamment. Par moment il vaut moins de 0.1, à d'autres moments il vaut 1...(en france) Et ces variations dépendantes du climat, de la productivité des ENR, et des choix d'organisation du système de production électrique.
Pour évaluer correctement un chauffage électrique il faut intégrer (fonction intégration) les valeurs réelles. EN France le résultat moyen est très bas, nettement au dessous de 1.

studer

"la modification de ce coefficient aurait un effet très concret : rendre l'électricité plus compétitive qu'elle n'est actuellement"
C'est totalement absurde : ce coef n'a rien à voir avec la compétitivité de l'électricité par rapport au gaz ou aux autres énergies, il sert simplement à calculer la quantité maximale d'énergie électrique qu'un bâtiment est autorisé à consommer.
Évidemment, si on pénalise stupidement l'électricité avec un coef de 2 à 3, on est obligé de bien isoler son logement pour limiter les pertes : mais n'est-ce pas vertueux ? De plus avec les isolants utilisés dans les logements neufs d'aujourd'hui, il n'y a pas de difficulté à choisir une PAC (pompe à chaleur) qui consomme 3 fois moins d'électricité qu'un radiateur à effet Joule (que les gaziers appellent non moins stupidement "grille pain").
Dans ces conditions, le gaz qui émet du CO2 est totalement à proscrire, d'autant qu'il est dangereux (risque d'explosion ou d'asphyxie). Sur le plan économique, la PAC est généralement la plus avantageuse, et avec la montée en puissance prochaine de la taxe carbone, le gaz va devenir hors de prix.

Hervé

Entièrement d'accord, mais quand ce coefficient rends l'installation d'une chaudière gaz moins chère qu'un chauffage électrique, on peut parler de "compétitivité" .

C'est bien de baisser ce coefficient artificiellement beaucoup trop haut (Ce coefficient a été imposé par les lobbys pétroliers et majors allemands du chauffage pour pouvoir fourguer leur camelote polluantes et complétement dépassées)

Mais l'autre chantier à revoir d'urgence est l'usage de l'inertie thermique des bâtiments: un bâtiment massif isolé par l’extérieur a un comportement thermique lent qui permets le stockage de chaleur ce qui peut contribuer a réduire les émissions de GES dans des proportions importantes:
- optimiser l'usage des pompes à chaleur
- réduire l'appel de puissance aux heures ou l’électricité est la plus riche en carbone
- mieux absorber les aléas des productions ENR.

Il est quand même dommage de voir que l'essentiel des nouveaux bâtiments soient encore isolés de l’intérieur alors que c'est certainement la technique de stockage la plus efficiente.

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