Dans le Lot-et-Garonne, un four solaire industriel « visionnaire »

  • AFP
  • parue le

Elle n'a pas attendu la flambée des prix pour diminuer sa dépendance au gaz: une PME du Lot-et-Garonne spécialisée dans la transformation de fruits utilise, depuis 2018, un four solaire inédit en France qui réduit sa facture énergétique.

"À l'époque, je me disais: Soit je suis un visionnaire, soit je suis idiot, à l'heure qu'il est, je penche pour le côté visionnaire", plaisante, quatre ans après, Emeric Cadalen, PDG de Fruit Gourmet, entreprise de 43 salariés à Allemans-sur-Dropt, dans le nord de ce département du Sud-Ouest.

Alors que les cours flambent, M. Cadalen estime avoir réduit d'environ 20% sa facture annuelle de gaz (50.000 euros auparavant) depuis qu'il a acheté un four à énergie solaire thermique, dont il se dit "démonstrateur". Son économie s'élèverait même à 30.000 euros avec des contrats "aux cours actuels", assure le dirigeant qui n'a pas pu mesurer, en revanche, les effets sur ses émissions de gaz à effet de serre.

Sur le parking de son hangar de transformation, niché sur des coteaux, l'entrepreneur a installé 200 mètres carrés de miroirs solaires, disposés en longues lamelles d'un mètre de large.

Reprenant le concept de la lentille de Fresnel, "vieux comme le monde", ces dernières réfléchissent la lumière du soleil sur un conduit captant l'air extérieur. Chauffé jusqu'à 250 degrés, celui-ci alimente deux fours séchant ou pasteurisant bananes, pommes, pruneaux, fraises et figues, qui fonctionnent habituellement au gaz.

Le week-end ou la nuit, quand la PME ferme ses portes, un autre tuyau achemine l'air chauffé dans un conteneur hermétique, rempli de graviers de la Garonne qui permettent de stocker la chaleur, jusqu'à quatre jours, avant de la renvoyer vers les fours.

"Mid-tech"

Acier pour la structure, aluminium pour les miroirs et les tuyaux, graviers pour le stockage: son inventeur, Didier Martin, vante "un système mid-tech".

Cet ingénieur des Mines, fondateur de l'entreprise IdHelio à Albi (Tarn), s'est inspiré en partie du four solaire d'Odeillo dans les Pyrénées-Orientales, l'un des plus grands du monde, créé en 1969 pour des recherches scientifiques.

En visant des entreprises spécialisées dans le séchage - aliments, bois, matériaux de construction, déchets - "sur le bassin méditerranéen" ensoleillé, l'inventeur espère vendre "une dizaine" de ces systèmes par an dans le pays, pour un marché de 100-150 millions d'euros.

Selon Richard Loyen, délégué général du syndicat des énergies renouvelables (Enerplan), cette innovation "inédite en France" survient alors que la filière solaire thermique "retrouve des couleurs".

Lancée après le choc pétrolier de 1973, principalement pour chauffer des habitations, elle a été délaissée à l'époque de "l'électricité abondante" puis est restée dans l'ombre de son cousin, le solaire photovoltaïque, depuis les années 2000, relate Alain Mestdagh, référent solaire thermique pour l'Ademe en Nouvelle-Aquitaine.

Fin 2020, le secteur ne représentait que 0,2% de la consommation de chaleur en France, outre-mer compris, selon l'organisme Socol qui rassemble les acteurs de la filière.

Compétitif

Mais avec un coût de production de 40 à 60 euros le mégawatt-heure (MWh), le solaire thermique est devenu très compétitif face au gaz qui oscille entre 100 et 125 euros actuellement, explique M. Loyen.

Pour se développer, la filière peut compter sur un fonds de subventions proposé par l'Ademe, doté de 500 millions d'euros. Mais il faudra convaincre le monde de l'entreprise, qui achète son énergie "au jour le jour", d'adopter une vision à plus long terme, selon l'inventeur du procédé.

Les solutions actuelles des industriels pour économiser l'énergie, comme les ampoules LED, "ont un retour sur investissement en moins de trois ans", mais "investir dans le renouvelable, c'est acheter 20 années de stock d'énergie d'un coup", souligne Didier Martin.

"On ne pourra pas se passer à 100% des énergies fossiles", considère de son côté le patron de Fruit Gourmet, tandis que devant ses fours où sèchent des palettes de pruneaux, la veilleuse des brûleurs à gaz s'active dès qu'un nuage passe au-dessus du récepteur solaire.

Son entreprise a mis six mois pour mettre au point cette alternance millimétrée solaire-gaz et "sécuriser" son processus de production.

Commentaires

Serge Rochain

Sauf que la lentielle de Fresnel est une lentille et pas un miroir, la différence est d'importance l'un est un réfracteur et l'autre un réflecteur, ce n'est pas le même principe physique qui est sollicité .
le seul point commun est qu'il s'agit d'un dispositif fragmenté.

Serge Rochain

Non, si vous parlez du principe ce n'est pas du tout le même, si vous parlez du résultat vous avez raison.
Le principe du réfracteur repose sur l'exploitation de l'indice de réfraction qui est propre à la nature du verre (générelement mais d'autres matieres transparentes peuvent être exploitées) et à la longueur d'onde de la lumiere qui le traverse, alors que le principe du réflecteur repose sur les lois de l'optique géométrique. Vous exploiter les angles qu'impose le miroir selon la façon dont vous l'orientez, de la même façon que vous promenez le faiseau de lumiere reçu par le miroir en l'incliant plus ou moins. L'avantage du réflecteur est qu'il n'a pas les abérations chromatiques du réfracteur qui ne dévie pas toutes les longueurs d'ondes constituant la luliere blanche avec le même angle. En revanche le réflecteur est sujet à des abérations de sphéricité qui dans un miroir de portion de sphère ne renvoie pas tous les rayons sur le même plan focale selon le lieu du miroir qui renvoie le rayon, ce qui provoque une image floue. La correction consciste à paraboliser le miroir qui n'est donc plus une calotte sphèrique. Pour la petite histoire, Newton a inventé le télescope (reflecteur) parce qu'il croyait qu'il était impossible de corriger l'abération chromatique de la lunette refréctrice. Aujourd'hui les lentilles sont faites de différents verres ayant des déviations contradictoires accolées ensembles et annulant l'abération chromatique. Ce sont des lentilles coublées ou triplées, mais la fluorine à la place du verre permet aussi d'avoir une absence d'abération. On appelle ces lentilles des fluorites mais elles coutent très cher. En tout cas lentille ou miroir pour ce qui concerne le sujet ici, le résultat est effectivement le même mais on ne peut pas dire que c'est le même principe.
Bonne semaine.

Roland CHARLOU

Tout à fait, comme Odeillo puis themis...
Un mème concept optique de division des sources sur deux principes de l'optique complémentaires, mais superbe intérêt, non ?

Pierre 29

Il n'échappe à personne que le soleil se déplace...Comment se fait le suivi ? Héliostats ?

Serge Rochain

Le suivi c'est le rôle de la monture. On a ce problème depuis toujours en astronomie quel que soit ce que l'on observe car la Terre tourne (indépendamment du déplacement propre à la cible observée.
L'instrument est placé sur une table tournante qui fait un tour en 24h. Par ailleurs cette table est inclinée d'un angle égal à la latitude du lieu où elle est installée. Si le matin vous visez le Soleil en fixant l'instrument sur la Table, il suivra le Soleil toute la journée. l'inclinaison de la table le fera montée (on appelle ce mouvement l'ascention droite) jusquau midi solaire puis redescendre jusqu'au couché du Soleil.
Le role de la table est donc simplement de compenser la rotation de la Terre.

Brigitte

Le solaire thermique a de l'avenir! La France a été pionnière dans ce domaine et pourrait être compétitive si elle se relevait les manches, au lieu de tout miser sur le nucléaire et l'éolien....Le chauffage solaire thermique existe déjà, sans parler de l'ECS. Il suffirait d'améliorer les dispositifs et de les compléter par une autre source d'énergie non électrique (granulés de bois par exemple...).
Miser sur le tout électrique est une aberration écologique!

Houyo

Je vous rejoins sur l’intérêt du solaire thermique à une nuance importante près : chaleur et électricité ne sont pas des énergies équivalentes (entropie et donc exergie et donc utilité).
Mais pour les besoins en chaleur (grosse partie de nos besoins énergétiques dans l'industrie, le tertiaire et le résidentiel), le solaire est souvent pertinent.
D'autant que la chaleur ça se stocke facilement !

Brigitte

Oui chaleur et énergie sont deux choses différentes. L' énergie électrique ou autres peuvent être utilisées pour produire de la chaleur, qui elle est un flux de température. Même si les deux s'expriment en kWh, il n'y a pas d'équivalence. On peut même dire qu'il faut beaucoup d'énergie primaire pour produire 1 kWh de chaleur. Tout dépend de la source de chaleur et de la façon de la stocker (isolation, ballon, etc;..).
En France, le chauffage (air, eau, cuisson) correspondent à 67% de la consommation d'énergie des ménages, qui elle même représente 45% de la consommation d'énergie primaire. Donc, c'est beaucoup.
Le solaire est largement sous-exploité , ce qui est vraiment une erreur stratégique, de mon point de vue. Bien-sur le solaire est intermittent donc il faut le coupler à une autre source d'énergie thermique (biomasse, gaz, électricité).
La PAC est largement privilégiée en France, ce qui me parait être un choix discutable.

Ajouter un commentaire