Des ONG françaises dénoncent « l’ambivalence » du Brésil à l’approche de la COP30

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Drapeau du Brésil

À quelques semaines de la COP30, des ONG réunies au sein du Réseau Action Climat (RAC) fustigent une présidence brésilienne jugée contradictoire : Brasilia promet de hausser l’ambition climatique tout en relançant l’exploration pétrolière près de l’embouchure de l’Amazone. Elles appellent à davantage de moyens et de cohérence pour respecter l’Accord de Paris et redonner de l’élan au multilatéralisme.

Un feu vert pétrolier qui crispe

La présidence brésilienne de la COP30 est dans une position hypocrite" puisqu'elle proclame vouloir réhausser les ambitions climatiques tout en accordant lundi une nouvelle licence d'exploitation pétrolière au large de l'Amazonie à Petrobras, sa compagnie nationale, "c'est complètement ahurissant", a déclaré Fanny Petitbon, responsable France de l'ONG 350.org, lors d'un point presse.

"Le Brésil fait aussi preuve d'une certaine ambivalence sur le sujet des énergies fossiles" qu'il a abordé assez tard dans la préparation de l'événement, a également souligné Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au sein du RAC, qui fédère 27 associations engagées dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la justice sociale. "C'est extrêmement problématique en termes de leadership au niveau de cette COP", juge Mme Petitbon.

Il "faut un réveil collectif" sur la question du multilatéralisme face aux retours en arrière internationaux sur les questions écologiques dans la lignée du retrait des États-Unis, qui font peser "un nuage noir" sur la diplomatie climatique, estime le RAC.

Cette COP30 devra faire face aux "manques d'ambition, de mise en œuvre et de financement" de beaucoup de pays industrialisés, 10 ans après l'accord de Paris, qui ambitionnait de limiter le réchauffement planétaire sous les 2°C et si possible sous les 1,5°C.

"L'accord de Paris fonctionne" car il a permis "d'infléchir la trajectoire" vers un réchauffement d'environ 3°C à la fin du siècle au lieu de 4°C, "mais ce n'est toujours pas assez", a souligné Mme Febvre. "Ce n'est pas une baguette magique, (...) il faut le mettre véritablement en œuvre".

« COP des peuples »

Pour rappel, la conférence de Belém se tiendra du 10 au 21 novembre 2025, avec un Sommet des dirigeants en amont et un agenda officiellement axé sur la présentation des nouveaux plans climat (NDC) et sur le suivi des engagements financiers conclus à Bakou (COP29)

En parallèle, la “Cúpula dos Povos/People’s Summit” (12–16 novembre, Université fédérale du Pará) doit rassembler plusieurs milliers d’organisations pour “relancer la mobilisation” et donner de l’espace aux voix de la société civile et des peuples autochtones, un enjeu souligné par les ONG françaises après trois COP tenues dans des pays où l’espace civil était jugé restreint. 

La COP30 doit en effet également montrer qu'elle reste "une COP des peuples" après trois COP organisées dans des pays autoritaires (Egypte, Emirats arabes unis et Azerbaïdjan) où la société civile n'a pas pu s'exprimer, réclame le RAC.

Entre électricité bas carbone et pétrole

Le débat sur “l’ambivalence” brésilienne s’inscrit dans un paysage énergétique contrasté. Côté transition, l’électricité du pays est majoritairement décarbonée : en 2024, les renouvelables ont fourni autour de 88% de la production électrique, avec une montée en puissance rapide de l’éolien et du solaire (près d’un quart du mix électrique en 2024 et, en août 2025, plus d’un tiers de l’électricité mensuelle). Cette dynamique a permis de contenir les émissions du secteur électrique, malgré la variabilité de l’hydraulique en année sèche.

Mais les énergies fossiles ne reculent pas, loin s'en faut. Le « pré‑sal » (gisements situés sous des couches de sel) compte en particulier pour environ 80% de la production nationale de pétrole et Petrobras a adopté un plan d’investissements 2025‑2029 d’environ 111 milliards de dollars, dont 77 milliards pour l’exploration‑production et 16,3 milliards pour des projets de transition (décarbonation d’opérations, bas‑carbone, biocarburants). 

Un leadership scruté 

Parallèlement, le Brésil a formalisé début 2025 son adhésion à la “Charte de coopération” d’OPEP+, tout en indiquant ne pas s’engager dans des quotas de réduction de production — un choix perçu par des ONG comme difficilement conciliable avec la présidence d’une COP.

Le président de la COP30, l’ambassadeur André Corrêa do Lago, insiste depuis le début de l’année sur la défense du multilatéralisme et l’ancrage scientifique des COP. Les ONG françaises jugent toutefois que la crédibilité de cette présidence se jouera dans la capacité du Brésil à aligner ses choix énergétiques, ses politiques forestières et ses annonces financières avec l’esprit de l’“UAE Consensus” et de l’Accord de Paris.

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