Japon : une stratégie énergétique et une annonce qui peinent à convaincre

  • AFP
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Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a annoncé vendredi dernier à la COP28 que son pays ne construirait plus de nouvelles centrales à charbon sur son territoire sans captage ou stockage de CO2.

Mais cela ne change nullement la stratégie hautement controversée du Japon consistant à étendre la durée d'exploitation de ses centrales à charbon existantes en utilisant de l'ammoniac comme co-combustible. Voici un rappel du contexte.

Pourquoi l'annonce de M. Kishida sonne-t-elle creux ?

"Il n'y a rien de neuf en réalité" dans cette annonce de M. Kishida "car il n'y a plus aucun projet de construction de nouvelles centrales à charbon" au Japon, a déclaré lundi à l'AFP Kimiko Hirata, directrice exécutive de Climate Integrate, un think tank environnemental japonais indépendant.

Et ce serait de toute façon "impossible, car aucune institution financière privée ne veut financer de nouveaux projets de charbon au Japon", a ajouté Mme Hirata.

Enfin l'annonce de M. Kishida ne concerne pas de nouvelles centrales à charbon déjà en chantier ou étant sur le point d'entrer en exploitation. Donc "ça sonne comme quelque chose de nouveau mais c'est du greenwashing", selon Mme Hirata.

Quelle transition énergétique vise le Japon ?

Sur la dernière année budgétaire japonaise (du 1er avril 2022 au 31 mars 2023), 30,8% de l'électricité du pays a été générée avec ses centrales à charbon, selon des chiffres officiels. L'archipel est encore plus dépendant de ses centrales à gaz (33,7% de son mix énergétique en 2022/23), alors que la relance de son secteur nucléaire, moribond depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, reste poussive (5,6%).

Grâce surtout au solaire, le développement des énergies renouvelables progresse dans le pays: celles-ci représentaient 21,7% de sa génération d'électricité en 2022/23. D'ici 2030/31 le Japon veut réduire les parts du charbon et du gaz naturel à 19% et 20% dans son mix énergétique respectivement, tout en portant le nucléaire à 20-22% et les énergies renouvelables à 36-38%.

Le Japon est ainsi farouchement opposé à renoncer au charbon d'ici 2030, alors que la France et le Royaume-Uni notamment souhaiteraient voir les pays du G7 prendre cette voie. Les États-Unis ont promis samedi de fermer leurs centrales à charbon sans captage de CO2.

Quel rôle doit jouer l'ammoniac ?

Pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 sans pour autant renoncer à ses centrales à charbon et au gaz, le Japon mise notamment sur une stratégie particulière : utiliser de l'ammoniac, d'abord comme co-combustible, puis à terme comme combustible unique.

Le principal fournisseur d'électricité japonais Jera prévoit de démarrer d'ici fin mars prochain un premier test avec 20% d'ammoniac dans une centrale à charbon près de Nagoya (centre). Ce gaz dérivé de l'hydrogène a pour avantage de ne pas dégager de CO2 en brûlant. Et l'ammoniac est déjà produit et vendu à grande échelle dans le monde, principalement pour le secteur des engrais.

Pourquoi est-ce controversé ?

Des experts du climat soulignent de nombreux inconvénients qui rendent le plan japonais peu viable selon eux, tant au niveau environnemental qu'économique. Utiliser de l'ammoniac comme co-combustible devrait fortement augmenter les coûts d'exploitation des centrales à charbon, pour des économies de CO2 limitées, selon ces experts. L'ammoniac émet aussi d'autres polluants comme des oxydes d'azote (NOx), qu'il faudra capter.

En outre, plus de 99% de la production actuelle d'ammoniac provient d'énergies fossiles, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Pour s'inscrire réellement dans une logique "zéro émission", il faudrait produire en énormes quantités de l'ammoniac "vert" avec des énergies renouvelables, ou du moins "bleu", en captant et stockant le CO2 lié à sa fabrication. Sans oublier de compenser les émissions supplémentaires générées par l'acheminement de ce gaz vers le Japon.

Pour Leo Roberts, analyste du groupe de réflexion sur le climat E3G, la stratégie ammoniac du Japon est "une porte dérobée" pour augmenter la durée de vie de ses infrastructures existantes dans les énergies fossiles. "C'est vraiment une fausse solution".

Les experts environnementaux s'inquiètent d'autant plus que le Japon fait activement la promotion de sa stratégie ammoniac à l'étranger, comme en Asie du Sud-Est où il injecte des milliards de dollars dans une nouvelle initiative baptisée "Asia Zero Emission Community" (Azec). Cette initiative "pourrait ralentir considérablement" les efforts de réduction des émissions et de transition vers les énergies renouvelables dans la région, selon l'ONG environnementale japonaise Kiko Network.

Commentaires

Rochain Serge

Toujours aussi tordu cet état japonais. C'est un état Kamikaze qui n'hésite pas à se suicider pour la plus grande gloire de l'empereur

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