L'empoisonnement d'Alexeï Navalny, coup fatal pour le gazoduc russe Nord Stream 2 ?

  • AFP
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Le coup de grâce pour Nord Stream 2? Déjà fragilisé par des problèmes écologiques et les sanctions américaines, ce projet de gazoduc entre la Russie et l'Europe se retrouve face à un avenir incertain après l'empoisonnement d'Alexeï Navalny.

Son principal promoteur, l'Allemagne, n'exclut en effet plus de lui retirer son soutien en raison du refus de Moscou de s'expliquer sur l'empoisonnement de l'opposant russe par un agent neurotoxique de type Novitchok.

Qu'est-ce que Nord Stream 2 ?

Nord Stream 2, dont la mise en service était initialement prévue début 2020, est un gazoduc censé doubler les capacités de livraison de gaz russe de son aîné Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012, et garantir la sécurité des approvisionnements de l'Europe occidentale via la mer Baltique.

Ceux passant par l'Ukraine ont en effet été perturbés à plusieurs reprises en raison des tensions entre Moscou et Kiev. Le projet associe principalement le géant russe Gazprom à cinq groupes européens: le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell, pour un budget total évalué à 9,5 milliards d'euros.

Pourquoi a-t-il été décrié dès le départ ?

L'annonce du projet à l'été 2015 s'est fait dans un contexte géopolitique "très sensible", après l'annexion de la Crimée par Moscou un an plus tôt et parce que le gazoduc doit contribuer "à contourner ou du moins à réduire le transit par l'Ukraine", souligne dans une analyse publiée en mai Kirsten Westphal qui dirige le projet "Géopolitique de la transformation du système énergétique" au sein de la fondation Stiftung Wissenschaft und Politik à Berlin.

Pologne, Pays baltes et Ukraine le voient d'un très mauvais oeil. Ils craignent la dépendance des Européens au gaz russe, que Moscou pourrait utiliser pour exercer des pressions politiques. Ils y voient une manière de sacrifier les intérêts de l'Ukraine, qui tire des revenus importants du transit du gaz russe.

Pour le quotidien allemand FAZ lundi, "le projet de gazoduc nuit économiquement et géopolitiquement à l'Ukraine, celle-là même que l'UE proclame soutenir dans son conflit avec la Russie". Le soutien allemand au gazoduc a constitué "une erreur dès le départ", juge-t-il.

Outre cet aspect géopolitique, le projet a dû faire face à l'opposition des écologistes qui ne veulent plus de nouvelles infrastructures liées au gaz, ainsi qu'aux nouvelles règles de l'UE sur le transport du gaz, qui demandent notamment le "découplage" des activités de production et de distribution. Et il n'a obtenu que fin octobre 2019 le feu vert du Danemark pour traverser ses eaux.

Pourquoi les États-Unis n'en veulent pas ?

Au sommet de l'Otan de juillet 2018, le président américain Donald Trump accuse l'Allemagne d'être "prisonnière" de la Russie à cause du projet Nord Stream 2 et exige son abandon.

Bien que ses 1 230 kilomètres soient quasiment terminés, le projet est à l'arrêt depuis plusieurs mois en raison des menaces de sanctions américaines contre les entreprises y participant.

La position américaine est loin d'être économiquement désintéressée. Les Etats-Unis, grand producteur de gaz naturel, se sont en effet récemment lancés dans une offensive commerciale à la recherche de nouveaux débouchés, lorgnant du côté de l'Europe.

Quels sont les intérêts de l'Allemagne ?

Berlin, qui a abandonné le nucléaire en 2011 et a amorcé sa sortie du charbon, très polluant, a besoin de gaz pour réussir sa transition énergétique. En 2019, sa consommation de gaz a représenté 25% de sa consommation totale d'énergie. Or le gaz russe est bon marché.

En outre, les Allemands craignent le lourd coût économique d'un abandon du projet. Un gel ou arrêt du projet entraînerait des demandes d'indemnisation des entreprises européennes impliquées, plus d'une centaine, dont la moitié allemandes. "C'est très probable", a déclaré le président de la commission économique du Bundestag (chambre basse du parlement allemande) Klaus Ernst lundi au quotidien Süddeutsche Zeitung.

Commentaires

Renzo BEE

A force de vouloir jouer solo tout le temps, que va faire l'Allemagne ?
il serait avisé à la France de ne pas intervenir, comme quand l'Allemagne aime à regarder la France s'enfoncer dans certains problèmes...
encore une fois, il n'y a pas de couple Frnaco Allemand

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