Ukraine : des milliers d'évacués après la destruction partielle d'un barrage

  • AFP
  • parue le

La destruction partielle du barrage de Kakhovka dans le sud de l'Ukraine, dont s'accusent mutuellement Moscou et Kiev, a entraîné l'inondation mardi de nombreuses localités dont des milliers d'habitants sont évacués, suscitant un tollé international.

"Plus de 40.000 personnes risquent d'être en zones inondées. Les autorités ukrainiennes évacuent plus de 17.000 personnes. Malheureusement, plus de 25.000 civils se trouvent sur le territoire sous contrôle russe", a annoncé le procureur général ukrainien Andriï Kostine.

Selon le chef de l'administration militaire de la région de Kherson, Oleksandr Prokoudin, 1.335 maisons étaient mardi soir inondées sur la rive droite du fleuve.

"A ce stade, 24 localités en Ukraine ont été inondées", a précisé le ministre ukrainien de l'Intérieur, Igor Klymenko.

Les autorités installées par les Russes dans les régions qu'ils occupent ont quant à elles dit avoir commencé l'évacuation de la population de trois localités, mobilisant une cinquantaine de cars.

Vladimir Leontiev, le maire mis en place par Moscou à Nova Kakhovka, où se trouve le barrage, a indiqué que sa ville était désormais sous les eaux et que 900 de ses habitants avaient été évacués.

A Genève, l'OCHA, agence humanitaire de l'ONU, a prévenu que la destruction du barrage pouvait provoquer un désastre environnemental et "avoir un impact sévère sur des centaines de milliers de personnes des deux côtés de la ligne de front".

A Washington, un porte-parole de la Maison Blanche a estimé que cette destruction avait "certainement (fait) de nombreux morts, tout en précisant n'avoir "pas de conclusion définitive sur ce qui s'est passé".

- Accusations mutuelles -

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d'avoir "fait exploser une bombe" sur le barrage, qu'elle avait miné.

"Il est physiquement impossible de (le) faire sauter d'une manière ou d'une autre de l'extérieur, avec des bombardements", la version donnée par Moscou, a-t-il ajouté.

"Le monde doit réagir. La Russie est en guerre contre la vie, contre la nature, contre la civilisation", a martelé M. Zelensky, qui a toutefois assuré que cela "n'affecterait pas la capacité de l'Ukraine à libérer ses propres territoires".

Pour Kiev, les Russes ont agi ainsi en vue de "freiner" l'offensive de son armée.

Si les lignes défensives russes le long du Dniepr vont être submergées, c'est en effet surtout une potentielle opération militaire ukrainienne dans cette région qui va être entravée.

L'Ukraine avait affirmé la veille avoir gagné du terrain près de Bakhmout, dans l'est, tout en relativisant l'ampleur des "actions offensives" menées ailleurs sur le front.

La Russie dit pour sa part repousser ces attaques d'envergure, tout en reconnaissant mardi la mort ces derniers jours de 71 de ses soldats cependant que 210 autres ont été blessés. Et ce alors que l'armée russe fait rarement état de ses pertes.

Les Ukrainiens affirment préparer depuis des mois une vaste contre-offensive destinée à obliger les troupes russes à se retirer des territoires dont elles se sont emparées.

Concernant le barrage, le Kremlin a dénoncé un acte de "sabotage délibéré" de Kiev et a "fermement" rejeté les accusations ukrainiennes.

Le ministère russe des Affaires étrangères a ainsi appelé la communauté internationale à "condamner" Kiev pour la destruction du barrage.

Cela a suscité de nouvelles inquiétudes pour la centrale nucléaire de Zaporijjia, située à 150 km en amont, celui-ci assurant son refroidissement.

Il n'y a "pas de danger nucléaire immédiat", a toutefois souligné l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).

Comme le barrage, la centrale est située dans une zone occupée par les Russes après l'invasion qu'ils ont déclenchée le 24 février 2022.

- "Un écocide brutal" -

"L'inondation est juste devant nos yeux. Personne ne sait ce qui peut se passer désormais", a commenté auprès de l'AFP Viktor, un habitant de Kherson, la plus grande cité des environs du barrage, reprise en novembre 2022 par les Ukrainiens.

"Ces porcs doivent fuir plus vite, ils doivent être chassés ! Ce n'est pas une vie ça ! Ici, ils tirent et, là, ils inondent!", s'est emportée Lioudmila en évoquant les occupants russes.

La destruction partielle du barrage est "la plus grande catastrophe environnementale causée par l'homme en Europe depuis des décennies", "la Russie est coupable d'un écocide brutal", a quant à lui accusé M. Zelensky.

"L'Ukraine réclame une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies", a fait savoir son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.

"La Russie ne peut pas nous vaincre sur le champ de bataille, alors elle cible les infrastructures civiles", a lâché à La Haye Anton Korynevych, le représentant ukrainien devant la Cour internationale de Justice.

Moscou devra rendre des comptes pour ce "crime de guerre", a lancé le chef du Conseil européen Charles Michel, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg dénonçant "un acte scandaleux".

Après s'être entretenu avec son homologue européen Josep Borrell, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a pour sa part assuré avoir reçu des assurances que l'UE apporterait "l'aide nécessaire" après ces inondations massives.

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.