En librairie : « Voitures - Fake or not ? », d'Aurélien Bigo

  • Source : La rédaction

Les carburants pétroliers (y compris agrocarburants incorporés) comptent pour la quasi-totalité de l'énergie consommée dans les transports en France (97,4 % en 2021(1)). Et la voiture occupe une place centrale dans ce secteur : près de 70% des trajets de 2 à 5 km sont réalisés en voiture et 72% des Français vont travailler en voiture, rappelle entre autres Aurélien Bigo dans un nouvel ouvrage -  « Voitures - Fake or not ? » - paru ce 25 mai aux éditions Tana.

Le chercheur spécialiste de la transition énergétique dans les transports y effectue un état des lieux pédagogique et ludique sur la place de la voiture dans nos quotidiens, en faisant « le diagnostic complet des nuisances et des défis auxquels est confronté le système automobile ». Retrouvez en bas de cet article un aperçu de cet ouvrage atypique.

3 questions sur l'ouvrage à…
Aurélien Bigo
Aurélien Bigo

1) À qui s’adresse votre ouvrage et quelle est son ambition ?

Comme l’ensemble des livres de la collection « Fake or not ? », il s’adresse à toutes les personnes intéressées par le sujet, à savoir ici celui de la voiture et de la transition des mobilités. Il n’y a donc aucun prérequis de connaissances sur le sujet, et le livre est à la fois illustré, dans un langage accessible, vulgarisé dans ses explications et parfois un peu décalé dans son format.

Le défi de la transition nécessitant une large compréhension des enjeux et l’implication de tous, il était important pour moi de trouver un format plus grand public que ma thèse. C’est en cela que j’ai été heureux de répondre positivement à la proposition d’être l'auteur de ce livre.

2) Pouvez-vous citer des « fake news » couramment relayées au sujet des voitures ?

Actuellement, les principales fake news sur la voiture concernent très sûrement la voiture électrique. Certains croient ainsi qu’elle est plus impactante pour le climat que la voiture thermique, alors qu’elle permet en France une division par 2 à 5 des émissions de gaz à effet de serre sur son cycle de vie, selon les études. De nombreuses critiques mettent en avant qu’elle consomme trop de ressources, est trop polluante, nous rend dépendants de l’étranger ou coûte cher, des critiques qui sont en réalité valables aussi avec la voiture thermique et le pétrole.

La transition des mobilités est aujourd’hui vue essentiellement sous l’angle technologique. Est ainsi oubliée l’importance de la sobriété pour atteindre nos objectifs climatiques ou plus globalement pour tendre vers des mobilités plus durables. La fake news qu’on pourrait résumer en « la technologie va nous sauver » a la vie dure, y compris dans la vision politique dominante sur la transition actuellement en France : la « voiture propre » ou « l’avion vert » s’inscrivent dans ce récit, loin des réalités physiques sur leurs impacts bien réels, tout comme le greenwashing nous annonçant des voitures « 0 émission ».

Enfin, cette question des usages de la voiture fait l’objet de nombreuses caricatures. D’un côté, il y a un discours consistant à dire qu’« on ne peut pas faire autrement », notamment dans les zones rurales, et que ce sera à jamais le cas, une sorte de prophétie auto-réalisatrice qui fait que l’on n'organise rien pour qu’il en soit autrement à l’avenir. De l’autre côté, dire qu’il faudrait viser l’interdiction ou la fin de la voiture n’aide pas non plus le débat, et à imaginer les réelles marges de manœuvre pour sortir de la dépendance à la voiture. Il faudra être plus subtil pour à la fois requestionner les besoins de mobilité, et la manière d'y répondre avec les modes et les usages les plus sobres possibles.

3) Quelles sont les politiques prioritaires concernant les voitures à mettre en œuvre en France ?

Il est difficile de résumer les politiques à mettre en œuvre à quelques mesures. C’est un ensemble de leviers qui sont à solliciter pour à la fois réduire l’usage de la voiture, la rendre plus partagée, plus sobre et davantage électrique. Pour réduire l’usage de la voiture, il s’agit d’abord de limiter les distances parcourues, en favorisant un aménagement du territoire et des modes de vie vers plus de proximité, ou encore des loisirs et vacances plus locaux. Il s’agit aussi bien sûr de développer l’ensemble des mobilités alternatives à la voiture, que ce soit la marche, le vélo, le ferroviaire (depuis le tramway jusqu’au TGV), ou encore les bus et cars, mais aussi d’assumer de viser une baisse de la voiture.

Ainsi il faut éviter d’alimenter la dépendance à l’automobile par de nouveaux projets routiers coûteux (autoroutes, contournements, étalement urbain, etc.), et avoir des politiques limitant l’espace dédié à la voiture (voirie, stationnement…), réduisant sa vitesse (30 km/h en ville, zones de rencontres, 110 km/h sur autoroute...) ou moins favorables à son usage en termes de tarification (fiscalité des déplacements professionnels, stationnement, bonus-malus à l’achat…).

Il faut ensuite favoriser les usages partagés de la voiture, dont la première composante est le covoiturage, en particulier pour les trajets du quotidien dans les zones peu denses où il y a peu d’alternatives à la voiture. L’autre composante est l’autopartage, pour favoriser la démotorisation des ménages en permettant d’avoir accès ponctuellement à une voiture partagée pour les trajets qui la nécessitent.

À l’avenir, il faudra aussi développer des véhicules plus sobres en énergie et en ressources, en se tournant vers des véhicules moins gros, moins lourds, moins rapides, plus aérodynamiques… Cela peut correspondre notamment à des véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture (depuis le vélo à assistance électrique à la mini-voiture, en passant par les speed-pedelecs(2), les vélos-voitures, les vélos cargo, pliants, etc.). Enfin, l’électrification des véhicules est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, mais elle doit se faire autant que possible en réduisant l’usage de la voiture, et avec des véhicules et des usages plus sobres qu’actuellement.

Quelques courts extraits pour un aperçu de l'ouvrage... :
En librairie : « Voitures - Fake or not ? » (extraits)

Sources / Notes

  1. Consommation d'énergie des transports, Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.
  2. Un speed pedelec est un vélo électrique d’une puissance supérieure à 250 watts.

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