
Responsable du Pôle Énergie, Carbone 4
Stellantis (Peugeot, Fiat, Opel), BMW, Mercedes et Volkswagen veulent repousser l’interdiction de vente des voitures thermiques en 2035. Cela fait penser à la résistance du Minitel face à la vague PC et internet des années 90.
Les ventes de voitures électriques explosent dans toutes les régions du monde
Entre 2023 et 2024, la croissance a principalement ralenti en Europe. Cela s’explique notamment par l’instabilité politique des aides à l’achat alors que la demande est bien réelle, comme en témoigne le succès du leasing social français de voitures électriques.

Source : Ember, The Electrotech Revolution (septembre 2025)
Les 8 premiers mois de 2025 marquent néanmoins un rebond sur le vieux continent sauf pour la France dont les ventes stagnent(1).
À l’opposé, la Chine fait la course en tête et continue d’accélérer sans hésitation. Autre fait notable, de nombreux autres pays voient leurs ventes bondir depuis 2 ans comme le Vietnam, le Royaume-Uni, le Mexique, le Brésil, l’Australie, la Colombie et l’Inde(2). Ou encore l’Éthiopie, qui pour des raisons de dépendances aux énergies fossiles, a décidé d’interdire les importations de véhicules thermiques.
Prenons acte. Les voitures thermiques, c’est le passé
Économique
À l’achat, sans subvention, les voitures électriques coûtent déjà moins chères que les voitures thermiques en Chine. En Europe, le surcoût hors aides reste de l’ordre de 20 à 30% mais les subventions l’atténuent.
De plus, ces coûts de construction diminuent progressivement. Entre 2023 et 2024, le prix des batteries a encore chuté de plus de 5%(3).
Et surtout, sur la durée totale d’utilisation de la voiture, en intégrant les coûts du carburant et des réparations, la voiture électrique est déjà moins chère que la voiture thermique, partout en Europe.
Sanitaire
Brûler du pétrole génère des particules fines à l’origine de plus de 40 000 décès prématurés(4) par an en France(5).
Cela renforce également le dérèglement climatique (émissions de CO2) qui a tué plus de 1 000 personnes cet été lors des vagues de chaleur(6).
Souveraineté
L’immense majorité du pétrole est importé en Europe. Ce faisant, notre argent va à l’Arabie saoudite et à la Russie plutôt que d’acheter de l’électricité locale (nucléaire, hydraulique, solaire et éolien). Comme l’a montré la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, cette dépendance expose notre économie à des aléas géopolitiques, avec des conséquences terribles : fermeture d’usines, incapacité à se chauffer lors des froids hivernaux...
Qui plus est, cette dépendance pèse fortement sur le solde commercial (plus de 50 milliards d’euros de déficit par an pour la France ; plus de 350 milliards d'euros pour l’Union européenne)(7). Autant d’argent qui ne génère pas de recettes fiscales ni d’emplois chez nous.

Source : Eurostat, Solar Power Europe, Bruegel, Word Bank
Ralentir, c’est mettre en péril les emplois dans nos usines et nos centres de R&D
Depuis 2008, la stratégie des constructeurs français est déjà délétère pour les emplois avec de nombreuses délocalisations vers la Slovénie, la Slovaquie, la Roumanie, la Turquie ou encore le Maroc(8).
Nous importons désormais plus de voitures que nous en exportons, et l’écart s’aggrave d’année en année… En 2005, la France avait un solde positif de 15 milliards d'euros. En 2023, c’est l’inverse, avec un solde négatif de -15 milliards €.

Source : Insee.
Bref, nous ne fabriquons donc plus assez de voitures en France pour les Français, et cela n’a rien à voir avec l’électrique.
Pour l’électrique, notre manque d’ambition permet à la Chine de se tailler la part du lion. Depuis 2023, la Chine est devenue le premier exportateur de voitures dans le monde, devant les Allemands et les Japonais.

Source : Ember.
Et ce n’est pas près de s’arrêter. L'industrie automobile allemande a perdu plus de 100 000 emplois depuis 2019(9). Alors si les constructeurs européens restent à la traine et ne font que défendre les emplois fossiles d’hier, nos emplois bas carbone de demain n’existeront pas.
Sortir de la stratégie de l’autruche
On a l’impression d’être à bord d’un avion en feu : à part Trump et l’Europe, tout le monde a sauté, la Chine en premier. Et nous, nous nous accrochons au volant en espérant un miracle. Comment une telle stratégie peut-elle nous sauver ?
D’un côté, les États-Unis sont le géant énergétique fossile mondial (premier producteur mondial de pétrole et de gaz). De l’autre, la Chine a des décennies d’avance dans le développement de certaines technologies bas carbone (batteries, photovoltaïque).
Tergiverser, c’est prendre le pire des deux mondes. Prenons l’automobile. Nos grosses voitures à l’américaine (le poids moyen d’une voiture est passé de 800 à 1 200 kg en 40 ans(10)) surconsomment énergie et matériaux que nous devons importer. Maintenir des motorisations thermiques tout en hésitant à développer l’électrique (50% des véhicules vendus en Chine sont électriques alors que leur part stagne à 20% en Europe(11)) laisse toute la place à la Chine pour devenir hégémonique.
Il n’est pas simple de transformer une industrie si ancienne. Elle reste pourtant un atou, mais pour combien de temps ? Après avoir roulé en électrique, 70% des Français ne reviendraient pas à l’essence ou au diesel. 84% d’entre eux resteraient fidèles au même constructeur MAIS 59% sont tentés par une marque chinoise pour leur prochain achat.
Alors, définissons un cap clair, innovons à nouveau ! Que les pouvoirs publics stimulent la demande intérieure en petites voitures électriques made in Europe, oui. Mais que les constructeurs également jouent leur rôle. Et surtout, ce n’est pas qu’une question de technologies mais aussi de sobriété avec des véhicules plus légers, plus low-tech, plus partagés. Ne pourrait-on pas même rêver que les constructeurs automobiles deviennent des acteurs intégrés de nos mobilités terrestres (par exemple, en facilitant le covoiturage ou l’autopartage, en se diversifiant sur les vélos, ou encore en construisant des partenariats pour faciliter la multimodalité avec les transports en commun) ?
Sources / Notes
- New car registrations: -0.1% in August 2025 year-to-date; battery-electric 15.8% market share, ACEA, 25 septembre 2025.
- EV progress report: Which EU carmakers are on track for 2025-27 targets?, T&E, 8 septembre 2025.
- Global EV Outlook 2025, AIE.
- Définition de décès « prématurés » : ils correspondent aux décès qui surviennent plus tôt que prévu, sur la base de l'espérance de vie moyenne (généralement, une espérance de 75 ans est retenue), et qui résultent de causes évitables ou modifiables comme des maladies ou des facteurs environnementaux.
- L’ensemble des particules fines.
- Summer heat deaths in 854 European cities more than tripled due to climate change, Grantham Institute and London School of Hygiene and Tropical Medicine, 17 septembre 2025.
- Dépendance énergétique et risques géopolitiques, Alexandre Joly, The Other Economy, octobre 2025.
- Comment l'industrie automobile a déguerpi de France en 15 ans, Challenges.
- 50 000 emplois supprimés : l’automobile allemande dans la tourmente, L'Automobile Magazine.
- Prospective - Transitions 2050, rapport de l'Ademe.
- Trends in electric car markets, AIE.
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