
Responsable du Pôle Énergie, Carbone 4
Depuis une semaine, la France remet en cause l’objectif européen de - 90% d’émissions de CO2 d'ici à 2040, par rapport à 1990. La raison ? Préserver notre compétitivité dans un contexte de décrochage économique face aux géants américains et chinois.
D’autres arguments ont été évoqués. Par exemple, développer une stratégie industrielle ambitieuse à l’échelle européenne. La Commission y contribue déjà avec dernièrement un nouveau régime d’aides d’État pour les technologies vertes. Ou encore, traiter sur un pied d’égalité nucléaire et renouvelable.
Il est vrai que passer d’un objectif exclusif d’énergies renouvelables à un objectif d’énergies bas carbone (incluant le nucléaire) aurait plus de sens. Le vent est d’ailleurs en train de tourner avec l’assouplissement de la position de l’Allemagne. Mais tout cela ne justifie pas d’attaquer l’objectif global de baisse des émissions.
Prenons un peu de hauteur. Nous ne sommes pas les États-Unis, 1er producteur d’énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) au monde. En France, 60% de l’énergie consommée est fossile, et nous l’importons massivement pour une facture de 70 milliards d’euros en 2023. Autant d’argent qui sort du territoire et ne finance pas d’emplois chez nous.
Nous ne sommes pas la Chine qui a des décennies d’avance sur la planification de certaines technologies vertes. À l’échelle mondiale, elle traite la majorité des métaux de la transition (plus de 70% du cobalt, du cuivre, des terres rares, etc.) et elle produit plus de 80% des panneaux solaires et des batteries, 70% des véhicules électriques.
Tergiverser, c’est prendre le pire des deux mondes. Prenons l’automobile. Nos grosses voitures à l’américaine (le poids moyen d’une voiture est passé de 800 à 1 200 kg en 40 ans) surconsomment énergies et matériaux que nous devons importer. Maintenir des motorisations thermiques tout en hésitant à développer l’électrique (50% des véhicules vendus en Chine sont électriques alors que leur part stagne à 20% en Europe) laisse toute la place à la Chine pour devenir hégémonique.
Mais nous avons encore des atouts : le ferroviaire avec des champions internationaux (Alstom, Siemens), le nucléaire (EDF, Orano), l’éolien (Vestas, Orsted). Ces filières représentent des millions d’emplois et des milliards d'euros d’excédents commerciaux.
Alors accélérons et créons les champions de demain pour stimuler notre économie : pompes à chaleur, géothermie, rénovation des bâtiments, panneaux solaires low tech et facilement recyclables, véhicules électriques légers modulaires, IA bas carbone et responsable, l’industrie de la réparation, des modèles d’affaires disruptifs qui facilitent la mutualisation de nos équipements.
Le pacte vert européen est la clé de voute pour nous affranchir des énergies fossiles, prendre notre destin technologique en main, et inventer notre économie de demain. À la clé, souveraineté, emploi et excédents commerciaux. Revoir à la baisse nos ambitions climatiques comme simplifier les exigences environnementales, c’est rester vulnérable face aux aléas géopolitiques.
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