2025 : ce que les experts prévoyaient et ce que l’énergie nous a réellement réservé

Clément Le Roy

Responsable de la Practice Énergie et Environnement chez Wavestone

Alors que 2025 touche à sa fin, l’heure est venue de se retourner sur les nombreuses prédictions qui avaient accompagné le secteur de l’énergie à l’aube de l’année. Fin 2024, analystes et experts multipliaient les projections, dessinant les contours d’une année présentée comme charnière pour la transition énergétique. 

L’exercice proposé ici n’a pas pour vocation de distribuer des bons ou des mauvais points - la prospective reste par nature incertaine, exposée aux aléas technologiques, climatiques et géopolitiques. Il s’agit plutôt de mettre en regard ce qui avait été anticipé pour 2025 et ce qui s’est réellement produit, afin de mieux comprendre les écarts, les confirmations et les angles morts. Car confronter les scénarios aux faits permet non seulement de décrypter les dynamiques à l’œuvre, mais aussi d’affiner notre capacité collective à anticiper les mois et années à venir, dans un système énergétique de plus en plus complexe et interconnecté.

2025, l’année que les experts annonçaient comme un point de bascule

Fin 2024, de nombreux analystes considéraient 2025 comme une année charnière pour l’énergie mondiale, un point de bascule où la transition vers les technologies bas carbone devait se confirmer. Les investissements record dans le solaire, l’éolien, le stockage et la mobilité électrique laissaient présager un tournant décisif. Pourtant, l’année écoulée a rappelé que la trajectoire énergétique est indissociable des choix politiques, économiques et géopolitiques, et que même les projections les mieux construites restent exposées aux aléas externes.

Aux États-Unis, la politique énergétique de l’administration Trump a continué d’influencer le marché mondial, avec un accent sur la production nationale de gaz et de pétrole, des mesures de soutien à l’industrie fossile et une approche moins contraignante des réglementations environnementales. Ces orientations ont eu plusieurs effets : elles ont renforcé la position des États-Unis comme exportateur de GNL, modifiant les flux mondiaux et exerçant une influence directe sur les prix européens et asiatiques. Elles ont également ralenti certaines initiatives de transition intérieure, tout en créant des opportunités pour les entreprises américaines de technologies énergétiques exportables, notamment dans les infrastructures de stockage, le nucléaire et le gaz naturel.

Dans ce contexte, 2025 n’a pas été seulement une année de mesures climatiques et technologiques, mais aussi un moment où les choix politiques américains ont pesé sur les décisions d’investissement et les arbitrages internationaux. La notion de bascule reste valide, mais elle s’est matérialisée de manière plus complexe : un mélange d’avancées technologiques, de contraintes opérationnelles et de tensions géopolitiques, dont l’administration américaine et ses orientations énergétiques ont été un facteur structurant.

Réseaux électriques : de sujet technique à enjeu central

Fin 2024, les réseaux électriques étaient déjà identifiés comme un point critique dans la transition énergétique, mais souvent perçus comme un défi technique secondaire par rapport aux nouvelles capacités renouvelables. En 2025, cette perception a radicalement changé. La combinaison d’une croissance record des énergies intermittentes — solaire et éolien — et de contraintes climatiques inédites a révélé que les réseaux constituent désormais un goulot d’étranglement stratégique.

Aux États-Unis, S&P Global rapportait que certains projets de raccordement pouvaient attendre jusqu’à sept ans avant d’être connectés, en raison de limitations techniques et de contraintes réglementaires. En Europe, Ember et l’ENTSO-E ont mis en évidence des congestions locales récurrentes dans les zones à forte densité renouvelable, tandis que dans les pays émergents, l’absence d’infrastructures adaptées limite l’industrialisation des énergies propres. Dans ce contexte, le réseau n’est plus seulement un support de transport ; il devient un acteur à part entière de la sécurité énergétique et de la transition.

Le rôle du stockage stationnaire est devenu central en 2025. Les batteries à grande échelle, les systèmes de pompage-turbinage et les solutions hybrides ont permis d’atténuer les fluctuations instantanées de production et de consommation. Selon BloombergNEF, la capacité mondiale de stockage stationnaire a progressé de près de 40% en un an mais reste insuffisante pour absorber la totalité de l’intermittence, notamment dans les régions à forte pénétration solaire et éolienne. Le stockage a ainsi émergé comme un levier stratégique, permettant de lisser les pointes, d’optimiser l’utilisation des infrastructures existantes et de réduire la dépendance aux centrales thermiques de secours.

En 2025, les réseaux ont également été confrontés à une pression climatique directe. Les vagues de chaleur et les incendies ont entraîné des surtensions et des coupures localisées, obligeant les opérateurs à déployer des stratégies de flexibilité combinant stockage, délestage et gestion dynamique de la demande. Les think tanks et agences, tels que l’IRENA et le Rocky Mountain Institute, soulignaient déjà fin 2024 que l’intégration du stockage et des solutions flexibles deviendrait un critère clé pour évaluer la résilience des systèmes électriques.

Enfin, le stockage stationnaire et la digitalisation des réseaux ouvrent de nouvelles perspectives, mais posent aussi des défis réglementaires et financiers. La coordination entre acteurs, la tarification des services de flexibilité et l’intégration des batteries industrielles et domestiques restent des points sensibles, qui conditionneront la capacité du réseau à soutenir la transition dans les prochaines années. En 2025, les réseaux électriques se sont donc imposés comme l’épine dorsale de la transition énergétique, un enjeu opérationnel, économique et stratégique à l’échelle mondiale.

Climat et énergie : la contrainte devenue opérationnelle

Si le changement climatique était déjà pris en compte dans la plupart des scénarios prospectifs fin 2024, il restait souvent traité comme une variable aggravante pour la fin de décennie ou au mieux comme un facteur de stress marginal sur le système énergétique. En 2025, cette vision a radicalement changé. Les impacts climatiques se sont matérialisés de manière concrète et mesurable, transformant le climat en une contrainte opérationnelle immédiate pour les réseaux et la production.

Les vagues de chaleur ont provoqué des pics de consommation électrique inédits, dépassant parfois de 15 à 25% les normales saisonnières dans des métropoles comme Los Angeles, Paris, Madrid ou Tokyo. Ces pointes ont révélé les limites des systèmes de gestion de la demande et des infrastructures locales, obligeant certains opérateurs à recourir à des délestages ciblés ou à la remise en service de centrales thermiques prévues pour être progressivement décommissionnées. En Australie, des feux de forêt ont gravement endommagé des lignes de transport dans des zones clés, perturbant la continuité de l’approvisionnement pour plusieurs milliers de foyers et entreprises.

2025 a également été marquée par la prise de conscience que le climat influence directement la sécurité énergétique et les choix géopolitiques.

L’impact climatique ne s’est pas limité aux épisodes extrêmes de température. Les sécheresses ont fortement réduit la production hydroélectrique dans plusieurs bassins stratégiques, notamment au Brésil, au Chili et en Inde, là où l’hydro représente jusqu’à 50% du mix électrique. Ces déficits ont été compensés par un recours accru aux centrales thermiques à gaz ou charbon, augmentant temporairement les émissions de CO2 et mettant en évidence la fragilité du système face à l’intermittence combinée des renouvelables et des contraintes climatiques.

Mais 2025 a également été marquée par la prise de conscience que le climat influence directement la sécurité énergétique et les choix géopolitiques. En Europe, la nécessité de sécuriser les approvisionnements en électricité et en gaz a renforcé la coopération entre États membres mais a aussi révélé des tensions : certains pays ont réactivé temporairement des moyens fossiles pour éviter les coupures, malgré des objectifs de neutralité carbone ambitieux. Aux États-Unis, des rapports de l’EIA et de l’Energy Innovation Group ont montré que les infrastructures énergétiques du Sud-Ouest et du Midwest étaient particulièrement vulnérables aux canicules et aux feux, entraînant des arbitrages complexes entre capacité disponible, consommation résidentielle et industrialisation croissante.

L’année 2025 confirme ainsi que le changement climatique n’est plus seulement un sujet de prospective ou un objectif de régulation environnementale mais une variable opérationnelle majeure qui affecte tous les maillons du système énergétique : production, transport, distribution, stockage et même consommation. Les opérateurs doivent désormais intégrer simultanément la prévision météorologique, l’adaptation des infrastructures, la flexibilité du réseau et la résilience des chaînes d’approvisionnement. L’interdépendance entre climat et énergie s’est imposée comme un facteur structurant, rappelant que toute stratégie énergétique mondiale doit désormais considérer la contrainte climatique comme un paramètre central et immédiat plutôt que comme un horizon lointain.

Gaz et GNL : pilier énergétique sous tension, au cœur des recompositions géopolitiques

À la fin de 2024, de nombreux experts annonçaient une stabilisation, voire un déclin progressif du gaz naturel dans le mix énergétique mondial à partir de 2025. Cette lecture reposait sur l’accélération attendue des renouvelables et sur la volonté affichée de plusieurs régions de réduire leur dépendance aux énergies fossiles. La réalité observée en 2025 a été plus contrastée. Le gaz, et en particulier le gaz naturel liquéfié (GNL), s’est imposé comme un élément central de l’équilibre énergétique mondial, non seulement pour des raisons techniques, mais aussi pour des motifs profondément politiques et géopolitiques.

Selon l’Oxford Institute for Energy Studies, le GNL représente désormais près de 45% des échanges mondiaux de gaz, contre environ 30% une décennie plus tôt. En 2025, cette dynamique s’est poursuivie, portée par une demande soutenue en Asie et par le rôle du GNL comme assurance contre les aléas climatiques et les tensions sur les réseaux électriques. Mais au-delà des chiffres, le GNL est devenu un instrument stratégique, au croisement des enjeux de sécurité énergétique, de diplomatie et d’influence économique.

Les États-Unis ont consolidé leur position de premier exportateur mondial de GNL, transformant durablement leur rôle sur la scène énergétique internationale. Dans un contexte politique marqué par le retour de Donald Trump sur le devant de la scène américaine, la question énergétique a retrouvé une dimension ouvertement transactionnelle. Le GNL américain est redevenu un outil de politique étrangère assumé, présenté comme un levier de souveraineté nationale, de création d’emplois et d’influence géopolitique, notamment vis-à-vis de l’Europe et de ses alliés. En 2025, plusieurs observateurs ont souligné que la sécurité énergétique européenne restait, en partie, indexée sur les choix politiques de Washington.

Face à cette recomposition, la Russie a poursuivi sa stratégie de redéploiement de ses flux gaziers vers l’Asie, tout en maintenant une présence indirecte sur les marchés mondiaux du GNL. Si les exportations russes vers l’Europe ont durablement reculé, Moscou n’a pas disparu du paysage gazier mondial. En 2025, la Russie a continué de jouer un rôle dans la structuration de l’offre, rappelant que le gaz reste un marché mondialisé, sensible aux arbitrages politiques autant qu’aux fondamentaux économiques.

La trajectoire du GNL dépend désormais autant des choix asiatiques que des politiques européennes ou américaines...

En Europe, le GNL s’est imposé comme une solution de court et moyen terme, parfois en contradiction avec les trajectoires climatiques affichées. Les gouvernements ont dû composer avec une équation complexe : sécuriser l’approvisionnement, contenir les prix pour les consommateurs et maintenir une crédibilité climatique. En 2025, cette tension est restée palpable. Le gaz est apparu comme une énergie « inconfortable », indispensable à la stabilité du système mais politiquement difficile à assumer sur le long terme.

En Asie, enfin, le GNL a confirmé son rôle structurant. La Chine, l’Inde et plusieurs pays d’Asie du Sud-Est ont continué d’augmenter leurs importations, utilisant le gaz comme un levier de transition pour réduire le recours au charbon, tout en renforçant leur sécurité énergétique. Cette demande soutenue a contribué à maintenir une pression sur les marchés mondiaux, rappelant que la trajectoire du GNL dépend désormais autant des choix asiatiques que des politiques européennes ou américaines.

L’année 2025 montre ainsi que le gaz et le GNL ne peuvent plus être analysés uniquement comme des énergies de transition. Ils sont devenus des objets géopolitiques à part entière, au cœur des rapports de force internationaux. Les scénarios qui prévoyaient une marginalisation rapide du gaz se sont heurtés à la réalité d’un monde fragmenté, où la sécurité énergétique reste, pour de nombreux États, une priorité supérieure à la vitesse de décarbonation.

Hydrogène : de l’eldorado annoncé à l’épreuve de la réalité industrielle

À la fin de 2024, l’hydrogène occupait une place singulière dans les scénarios énergétiques mondiaux. Rarement une technologie aura suscité autant d’annonces, de stratégies nationales et de projections financières en si peu de temps. Selon l’Agence internationale de l’énergie, plus de 1 000 projets hydrogène étaient alors recensés dans le monde, représentant un volume d’investissements théoriques supérieur à 500 milliards de dollars à horizon 2030. De nombreux experts présentaient 2025 comme une année charnière, celle où les promesses de la décennie précédente devaient enfin se traduire par des décisions industrielles massives.

La réalité observée en 2025 s’est révélée plus nuancée, voire plus sévère. Selon plusieurs analyses convergentes, notamment de l’IEA et de Rystad Energy, moins de 15 % des projets annoncés ont atteint une décision finale d’investissement, et souvent à des échelles plus modestes que prévu initialement. Le principal facteur explicatif reste économique. Malgré la baisse progressive du coût des électrolyseurs, l’hydrogène vert demeure largement plus cher que les alternatives fossiles ou bas carbone dans la plupart des usages, avec des coûts de production oscillant encore entre 4 et 6 €/kg dans de nombreuses régions. Les projections optimistes de parité rapide avec l’hydrogène gris se sont heurtées à la réalité des prix de l’électricité, des infrastructures et du financement.

En 2025, le discours des experts a clairement évolué. Là où l’hydrogène était présenté comme une solution universelle (pour la mobilité, le chauffage, l’industrie et le stockage saisonnier), il est désormais abordé de manière beaucoup plus ciblée. Les usages industriels difficiles à électrifier, comme la sidérurgie, la chimie ou certains procédés de raffinage, concentrent l’essentiel des projets réellement engagés. À l’inverse, les ambitions autour de l’hydrogène pour la mobilité légère ou le chauffage résidentiel ont largement reculé, faute de modèle économique crédible à court terme.

L’année 2025 marque une forme de sortie de l’euphorie hydrogène, sans pour autant signer son échec.

Les stratégies nationales ont elles aussi été réajustées. En Europe, plusieurs États ont revu leurs calendriers et priorisé des hubs industriels plutôt qu’un déploiement diffus. Aux États-Unis, les « hydrogen hubs » soutenus par des financements fédéraux ont avancé, mais souvent à des rythmes plus lents que prévu, confrontés à des enjeux de raccordement électrique, d’acceptabilité locale et de structuration de la demande. En Asie et au Moyen-Orient, certains projets d’exportation ont progressé, mais la question de la compétitivité à long terme sur les marchés internationaux reste entière.

L’année 2025 marque ainsi une forme de sortie de l’euphorie hydrogène, sans pour autant signer son échec. Comme le soulignaient déjà certains économistes de l’énergie fin 2024, l’hydrogène n’est ni une baguette magique ni une impasse, mais une brique spécifique d’un système énergétique plus large. En ce sens, 2025 apparaît comme une année de maturité forcée : moins d’annonces spectaculaires, plus de sélectivité, et une prise de conscience collective que le véritable défi n’est pas tant technologique qu’économique et systémique.

Mobilité électrique : une révolution mondiale qui avance à des rythmes radicalement différents

À la fin de 2024, la plupart des experts s’accordaient pour faire de 2025 une nouvelle année de forte accélération pour la mobilité électrique, portée par la baisse des coûts des batteries, le durcissement des normes environnementales et la montée en puissance des acteurs chinois. BloombergNEF projetait alors un franchissement du seuil des 20 millions de véhicules électriques vendus dans le monde, avec une croissance annuelle supérieure à 25%. Cette projection s’est globalement vérifiée, mais la réalité de 2025 a surtout mis en lumière une fracture géographique et structurelle de plus en plus marquée.

La Chine a confirmé son rôle de locomotive mondiale, représentant à elle seule plus de la moitié des ventes, grâce à une intégration industrielle poussée, des coûts maîtrisés et une offre extrêmement diversifiée. À l’inverse, en Europe et en Amérique du Nord, la dynamique s’est révélée plus heurtée. Plusieurs marchés ont connu un ralentissement relatif, lié à la fin progressive des subventions, à la hausse des taux d’intérêt et à des interrogations persistantes sur la recharge et la valeur résiduelle des véhicules. Des analystes de l’International Council on Clean Transportation soulignaient déjà que la transition entrait dans une phase moins idéologique et plus pragmatique, où l’acceptabilité économique devenait centrale.

Pour la mobilité lourde, souvent présentée fin 2024 comme le prochain grand relais de croissance, 2025 a confirmé une réalité plus modeste. Les poids lourds électriques ont surtout progressé sous forme de démonstrateurs et de flottes captives. Les contraintes sur les réseaux, la recharge rapide et les coûts totaux de possession ont limité le passage à l’échelle. La mobilité électrique apparaît ainsi, à l’issue de 2025, comme un projet systémique, dépendant autant des infrastructures énergétiques que des politiques industrielles, des usages et de l’urbanisme.

Nucléaire : un retour stratégique mondial, mais encore largement théorique

En 2024, de nombreux experts annonçaient le retour du nucléaire comme une conséquence directe de l’électrification massive des usages, de la montée en puissance des data centers et de la recherche de souveraineté énergétique. En 2025, cette tendance s’est confirmée dans les discours politiques et stratégiques. Selon l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE, plus de 30 pays évoquent désormais un rôle accru du nucléaire dans leurs stratégies à long terme, contre une vingtaine seulement quelques années plus tôt.

Cependant, la réalité observée en 2025 rappelle le décalage structurel entre ambition et mise en œuvre. Les annonces autour des SMR et AMR se sont multipliées - aux États-Unis, au Canada, en Europe de l’Est et en Asie - mais peu de projets ont franchi le stade de la décision finale d’investissement. Les experts de S&P Global soulignaient dès fin 2024 que les modèles économiques des petits réacteurs restaient à démontrer, notamment face à la concurrence des renouvelables couplées au stockage.

Dans les faits, c’est surtout le parc nucléaire existant qui a joué un rôle clé en 2025. Les prolongations de durée de vie, les optimisations de maintenance et les redémarrages de capacités ont contribué à la stabilité des réseaux dans plusieurs régions. Le nucléaire s’est imposé non comme une solution rapide aux tensions énergétiques, mais comme une assurance de long terme, offrant une production pilotable bas carbone dans un système de plus en plus dépendant de l’électricité. L’année 2025 a ainsi renforcé l’idée que le nucléaire relève moins de la réponse immédiate que du choix stratégique intergénérationnel.

Intelligence artificielle : le choc énergétique venu du numérique

Parmi toutes les prédictions formulées fin 2024, peu anticipaient l’impact aussi rapide et structurant de l’intelligence artificielle sur les systèmes énergétiques. Si certains cabinets, comme Gartner ou McKinsey, évoquaient une hausse progressive de la consommation des data centers, 2025 a marqué une accélération bien plus visible. Selon plusieurs estimations croisées, la demande électrique liée aux infrastructures numériques pourrait désormais atteindre 6 à 8% de la consommation mondiale d’électricité d’ici 2030, contre environ 3% aujourd’hui.

En 2025, cette pression s’est traduite concrètement dans plusieurs régions, notamment aux États-Unis, en Irlande, aux Pays-Bas ou en Asie du Sud-Est, où les projets de data centers ont ravivé les tensions sur les réseaux locaux. Des opérateurs ont dû arbitrer entre raccordement industriel, usages résidentiels et objectifs climatiques. Pour la première fois, l’IA est devenue un facteur explicite dans les débats sur le nucléaire, le gaz et la flexibilité du système.

Face à cette réalité, les grands acteurs du numérique ont modifié leur stratégie énergétique. Google, Microsoft, Amazon ou Alibaba ont renforcé leurs investissements directs dans les énergies bas carbone, les contrats d’achat long terme et parfois même des capacités nucléaires ou gazières dédiées. L’IA, initialement perçue comme un outil d’optimisation énergétique, s’est révélée être aussi un puissant moteur de consommation. L’année 2025 a ainsi rappelé que les grandes ruptures énergétiques peuvent venir de secteurs extérieurs à l’énergie elle-même, obligeant à repenser les scénarios de demande avec une approche beaucoup plus transversale.

2025, une année de clarification plus que de rupture

Au terme de l’année 2025, il est clair que les prédictions de 2024 avaient correctement identifié les grandes tendances : croissance des renouvelables, rôle du GNL, difficultés de développement de l’hydrogène décarboné, retour stratégique du nucléaire et adoption progressive de la mobilité électrique. 

Mais la réalité a montré les limites structurelles, les contraintes d’infrastructure et la lenteur des délais. 2025 n’a pas été un basculement soudain, mais une année de clarification, révélant que la transition énergétique dépend autant de la robustesse des réseaux, de la planification et des arbitrages économiques que des innovations technologiques.

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