Un think tank danois souligne le pari gagnant de l'électrification en Europe

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Ligne électrique

« Un marché de l'électricité intégré et un développement adéquat des réseaux électriques pourraient permettre d'économiser près de 50 milliards d'euros par an » d'ici à 2040 selon le think tank danois Concito.

L'électrification européenne est « une décision sans regret, car le coût de l'action est inférieur à celui de l'inaction », souligne le think tank danois Concito dans un rapport publié ce 2 septembre (accessible en bas de cet article) qui souligne les « vertus de l'électrification européenne ».

317 milliards d'euros par an

Depuis 2008, l'Union européenne (UE) a dépensé en moyenne 317 milliards d'euros par an pour importer des combustibles fossiles (dont environ 100 milliards d'euros par an pour ses livraisons provenant de Russie), rappelle Concito. Cette situation de dépendance - les États membres importent encore plus de 90% du pétrole et du gaz qu'ils consomment - expose les citoyens à des prix de l'énergie élevés et volatils.

Et la stratégie de diversification des approvisionnements (consécutive à l'invasion de l'Ukraine et de la volonté de réduire les importations d'énergie provenant de Russie) « compromet structurellement la sécurité, la compétitivité, la politique de l'UE en matière de coût de la vie et de climat, en prolongeant la dépendance insoutenable, coûteuse et risquée de l'UE aux importations d'énergies fossiles », alerte le think tank danois. Pour rappel, les États membres et la Commission européenne ont entre autres signé des accords avec l'Algérie, l'Azerbaïdjan, l'Inde, la Libye, le Qatar et bien sûr avec les États-Unis avec qui un accord très critiqué a été signé cet été.

La Russie pas affectée par les sanctions européennes ?

Concito souligne que les revenus de la Russie liés à ses exportations d'énergie fossile n'ont d'ailleurs pas été affectées par son intervention en Ukraine et par les sanctions européennes associées : après une hausse desdits revenus l'année suivant l'invasion (en raison de la flambée des cours de l'énergie), ses exportations sont revenues à un niveau de l'ordre de 250 milliards d'euros par an. Et l'UE continue d'importer de façon indirecte des hydrocarbures russes via l'Inde ou la Turquie. Les États membres sont ainsi loin de « sortir du gaz russe » comme ils y aspirent officiellement.

Un constat nuancé par Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat. Pour le pétrole et ses produits dérivés, « le marché est global donc que l'on importe d'Inde ou de Turquie ou directement de Russie, cela ne change pas grand-chose pour la Russie tant qu'elle parvient à vendre sa production ». In fine, si la Russie doit baisser le prix du pétrole qu'elle exporte, l'Inde ou la Turquie peuvent en profiter « pour empocher la différence quand ils réexportent ».

En ce qui concerne le gaz, Christian de Perthuis rappelle que « l'on compense ce qui venait de Russie par gazoduc par du GNL américain ou qatari ». Un calcul souvent critique : « cela nous coûte un peu plus cher et cela émet un peu plus de CO2». À cet égard, la Russie « n'a pas de capacité physique de remplacer tous ces tuyaux pour exporter massivement vers l'Asie et la Chine en particulier et elle est donc pénalisée » par les sanctions européennes.

Réduire de moitié les importations d'énergie fossile d'ici 2040

Dans ce contexte, Concito appelle la Commission à « promouvoir des politiques qui accélèrent l'électrification des secteurs les plus importants, tout en décarbonant l'approvisionnement en électricité de l'UE ». 

Concrètement, la Commission européenne estime que l'UE pourrait diviser par deux ses importations de combustibles fossiles d'ici à 2040 (avec une baisse de la facture énergétique de près de 160 milliards d'euros sur la base des prix récents) en consacrant environ 100 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an dans la transition énergétique d'ici à 2040.

Concrètement, les investissements européens dans les réseaux pourraient entre autres passer de 63 milliards d'euros à 100 milliards d'euros par an, ceux en faveur des énergies renouvelables s'élever de 100 à 130 milliards d'euros par an. À ceux-ci s'ajouteraient 16 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an dans les batteries.

« Le coût de production des panneaux photovoltaïques, des batteries et, à un moindre degré, de l'éolien, a chuté sur la période récente, mais pas celui des travaux publics et de l'investissement dans les réseaux pour lesquels les devis ne cessent d'augmenter », rappelle Christian de Perthuis.

 Un « Electrification Action Plan » à venir

La Commission européenne a ouvert ce 28 août une consultation publique (jusqu'au 20 novembre, avec un « appel à témoignages » en ligne jusqu'au 9 octobre) sur son futur « Electrification Action Plan » qui devrait être adopté au 1er trimestre 2026.

À l'heure actuelle, l'électricité compte encore pour moins d'un quart de la consommation d'énergie finale de l'Union européenne. Une part qui devrait être portée à 32% en 2030 et 51% en 2040 pour être à la hauteur des ambitions européennes, souligne le rapport. Ce qui impliquerait pour l'UE de faire plus de progrès en matière d'électrification « au cours des 5 prochaines années que lors des 25 années précédentes », note Concito.

Cette électrification doit naturellement reposer sur une électricité bas carbone. Et l'atteinte de la neutralité carbone exige notamment qu'elle intervienne « dans les transports terrestres (y compris transports lourds), l'industrie lourde et la gestion des bâtiments », note Christian de Perthuis. Avec, concernant les deux premiers secteurs, « une grande inconnue sur la part de cette électrification qui se fera par batteries et via l'hydrogène vert ».

Concito émet une série de recommandations pour mener l'électrification accélérée qu'elle appelle de ses vœux. Maintenir le cadre des marchés carbone ETS et ETS 2 constitue notamment l'une des priorités soulignées par le think tank danois.