ArcelorMittal presse Bruxelles de passer aux actes pour défendre l'acier européen

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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ArcelorMittal France a pressé Bruxelles mercredi de passer aux actes pour "protéger" le marché européen de l'acier, via notamment une limitation des importations sur le Vieux Continent et un soutien à la production européenne, "pas compétitive" en raison du coût du CO2.

"Nous sommes excessivement inquiets, car ça prend du temps, ça ne vient pas", a déclaré le président d'ArcelorMittal France, Alain Le Grix de la Salle, lors d'une audition devant les députés français durant laquelle il a rappelé que son groupe attendait la concrétisation rapide du plan acier annoncé en mars par Bruxelles, avant de pouvoir confirmer un investissement de décarbonation à Dunkerque (nord de la France) annoncé en mai.

"Il faut que l'Europe se protège, et rapidement (...) c'est le sujet général de l'industrie en Europe et en France", a-t-il souligné.

Des deux principales mesures attendues, il a dit comprendre pourquoi le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), destiné à soutenir à l'avenir la production d'acier européen décarboné face à ses concurrents mondiaux carbonés et subventionnés, était long à mettre en place.

- "La décarbonation, il faut la faire" -

Mais "la décarbonation, il faut la faire", car "l'impact du coût du CO2 dans nos coûts (de production en Europe, NDLR) est astronomique", a-t-il signalé.

ArcelorMittal souhaite un MACF "simple, concret et qui englobe également ce qu'on appelle le downstream", c'est-à-dire les voitures, les poteaux de construction et autres objets construits en acier.

En revanche, le dirigeant s'est demandé devant les députés pourquoi l'Europe mettait si longtemps à réviser ses quotas d'importation pour protéger le marché européen.

"Ça fait un an qu'on alerte tout le monde, tout le monde comprend le problème, (...) mais les décisions, euh... non", a-t-il lancé.

Alors que le deuxième sidérurgiste mondial a annoncé récemment qu'il renonçait à investir dans sa décarbonation en Allemagne, M. Le Grix de la Salle a réitéré l'objectif de son groupe de se doter d'un premier four électrique à Dunkerque, à condition que la Commission européenne "confirme" les mesures liées à son plan Acier.

Ce four devrait être mis en place "d'ici fin 2028 ou début 2029" et pourrait, "dans la foulée", être suivi d'un deuxième, a-t-il ajouté.

Le premier four à arc électrique (EAF) devrait couter "1,2 milliard d'euros", et le deuxième aux alentours de "700 à 800 millions d'euros".

L'aide d'Etat de 850 millions d'euros via l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), envisagée pour soutenir le projet à Dunkerque suspendu en novembre, ne pourra pas être reconduite sous cette forme.

- Fermer Dunkerque? "Aberrant" -

Or ce "modèle" de production décarboné et innovant de l'acier, connu sous l'acronyme DRP ("direct reduction plant") "ne tient pas en Europe" dans les conditions actuelles, a affirmé M. Le Grix de la Salle.

En cause, le prix du gaz trop élevé, qui rendrait l'acier produit de cette manière beaucoup trop cher pour être compétitif.

Même si le groupe a annoncé la suppression de plus de 600 emplois en France, le dirigeant a jugé "aberrant" l'idée même qu'il pourrait envisager de "fermer" le site de Dunkerque.

Il est resté plus évasif sur l'avenir du site de Fos-sur-mer (sud). "D'ici la fin de l'année, ArcelorMittal clarifiera la situation et sa position", a-t-il dit, "une fois que la Commission européenne" aura clarifié son plan.

Au sujet des suggestions de nationalisation du groupe, portées par plusieurs partis et syndicats, M. Le Grix de la Salle a rappelé durant son audition que le sidérurgiste avait été nationalisé de 1982 à 1995 lorsqu'il s'appelait Usinor Sacilor. "En 1982, vous aviez 92.000 personnes. A la fin de la socialisation en 1995, il n'en restait plus que 38.000", a-t-il pointé.

"C'est le marché qui pousse à s'adapter, c'est la demande. La nationalisation ne résoudra pas les problèmes de fond", a-t-il estimé en conclusion.

Sans décision de Bruxelles d'ici fin 2025, le projet d'investissement à Dunkerque sera "abandonné", a jugé le président de la Commission des Finances Eric Coquerel (LFI) qui menait les débats, dans un bref communiqué à l'AFP à l'issue de l'audition. Selon lui, "le contrat de décarbonation avec l'Etat paraît bien caduc".

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