Bus à hydrogène : la course aux subventions

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"Maintenant, ça marche !" Après quelques mois de rodage, la principale ligne de bus de Pau fonctionne avec un hydrogène propre, mais le système n'est pas jugé rentable à grande échelle par ses promoteurs sans une bonne dose de subventions. Ces bus articulés fabriqués en Belgique ont fière allure, avec leurs intérieurs garnis de bois et leurs fauteuils en cuir.

Depuis décembre 2019, ils font la navette sur une courte ligne de "bus à haut niveau de service" (BHNS), entre la gare, le centre-ville et l'hôpital que le maire François Bayrou (président du MoDem) a baptisée "Fébus" - en référence à Gaston Fébus, gloire locale du XIVe siècle.

L'hydrogène est stocké dans cinq réservoirs logés sur le toit du bus. Avec l'oxygène de l'air, une pile à combustible permet de produire de l'électricité, et de l'eau. Une batterie permet en outre d'améliorer la performance du véhicule. Pour faire circuler ces fameux bus qui n'émettent au final que de la vapeur d'eau, la compagnie locale Idelis a construit au bout de son dépôt une station de fabrication, de stockage et de distribution de l'hydrogène, dont la gestion a été confiée à Engie.

"On est alimenté par des quotas d'électricité des barrages pyrénéens", souligne le chef de projet Pierre Ganchou. "C'est plus cher", note-t-il, mais l'hydrogène produit est ainsi "vert", propre. Il faut à l'électrolyseur 60 kWh et 20 litres d'eau pour fournir 1 kg d'hydrogène, expose-t-il. La petite usine du bout du parking peut produire 11 kg d'hydrogène par heure, soit 260 kg par jour. Un peu plus du double de la consommation actuelle.

L'installation permet de stocker 800 kg d'hydrogène, de quoi tenir le temps, en cas de problème, de se faire livrer en camion de l'hydrogène "gris", issu de combustibles fossiles et dont la production est polluante. "Depuis l'été dernier, on a 100% d'hydrogène vert", la mécanique étant désormais au point, se réjouit M. Ganchou. "Le bus a une excellente fiabilité", ajoute Jean-Bernard Feltmann, directeur d'Idelis. Et, bonne surprise, il consomme moins que prévu: moins de 9 kg aux 100 km. "On s'attendait à 12", dit-il.

Course aux subventions

Les huit bus articulés de Fébus ont donc une autonomie de 350 à 400 km, de quoi faire sans problème des aller-retours sur les 6 km de la ligne. Le BHNS palois a coûté 72 millions d'euros, dont 52 millions pour les travaux de la voie. L'agglomération Pau-Pyrénées a récupéré 9 millions de subventions diverses. "Schématiquement, parce qu'on a été les premiers en France (...), on arrive à faire de l'hydrogène au prix du gasoil, grosso modo", calcule son directeur des mobilités Arnaud Binder.

Pau a commandé quatre autres bus standard, qui doivent arriver cet été. Son électrolyseur maison pourra encore en alimenter quatre autres. Mais il faudra voir plus grand pour remplacer la centaine d'autobus d'Idelis qui fonctionnent au diesel. Et il y a moins de subventions disponibles.

L'agglomération a maintenant répondu à un appel à projets écosystèmes hydrogène de l'Ademe, qui permettrait de récupérer des subsides pour une nouvelle station. Mais elle fait ses comptes, espérant notamment pouvoir produire sa propre électricité grâce à des barrages sur le Gave de Pau. "Ce qui nous fait bizarre, c'est d'être encore quasiment les seuls en France sur l'hydrogène", regrette M. Binder. "Si on n'a pas économies d'échelle dans la filière, elle ne pourra pas se développer."

Un bus à hydrogène coûte 50% de plus qu'un modèle électrique, lui-même deux fois plus cher qu'un diesel.

La métropole de Montpellier a donné un coup de pied dans la fourmilière en renonçant, en décembre, à acheter 51 bus à hydrogène. "Pour nous, la technologie hydrogène pour les bus n'est pas complètement mature, et elle ne permettrait pas de garantir une fiabilité comme l'électrique", qui a été finalement choisi, explique sa vice-présidente chargée des transports, Julie Frêche. "Les subventions qu'on a eues portent sur l'investissement, pas sur le fonctionnement", ajoute-t-elle, estimant que l'hydrogène serait six fois plus cher à l'usage, et rappelant que son équipe avait promis la gratuité des transports. Entre gratuité et hydrogène, il fallait choisir, dit-elle.

Ailleurs en France, on en est encore aux expérimentations isolées et aux projets, Dijon et Rouen nourrissant pour le moment les plus grosses ambitions.

Commentaires

Serge Rochain

Mauvaise opération. Produire de l'électricité, pour la trensformer en hydrogène, que l'on reconverti en électricité pour faire avancer le bus ! Tres tres mauvaise opération anti-économique et anti-écologique !
Des chiffres tirés de l'article et de la naiveté du responsable il ressort qu'il faut 9fois 64Kwh soit 576 KWh pour faire 100 Km avec ces bus ! Alors qu'un bus électrique à batterie de traction consomme entre 40 KWh et 50 KWh selon la configuration et poids du bus , soit plus de 10 à 15 fois moins ! Vraiment, mauvais calcul de M. Bayrou qui ne fait que de la communication.

Ferrer

Bonjour, un bus électrique c’est plutôt 140kWh par 100km, donc le bus H2 consomme potentiellement max 4 fois plus et il faut aussi comparer le coût environnemental des très grosses batteries comparé à de l’hydrogène renouvelable produit localement.

FLUCHERE

Pour une fois je suis entièrement d'accord avec Rochain

Pierre 29

Encore une usine à gaz qui fonctionne - mal - aux subventions. Nos dirigeants politiques et administratifs ont de gros progrès à faire en culture scientifique et technique de base ! Et il faudrait une ADEME plus efficace et vraiment indépendante pour les guider dans le maquis des fausses bonnes idées. ;

Marc Diedisheim

Tout ceci est bien connu depuis bien longtemps. On s'interroge: pourquoi a-t-on persévéré malgré tout à Pau (et ailleurs) ? Bien cordialement.

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