Hydrogène : malgré la crise, Inocel avance sur ses piles à combustible

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Ses puissantes piles à combustible ignorent la crise de croissance du secteur de l'hydrogène : à Belfort, la jeune pousse française Inocel a commencé à produire en juin des générateurs, destinés en priorité à l'exportation.

30 000 piles à combustible par an à l'horizon 2030

"Les premiers générateurs sont en cours de livraison", se réjouit le directeur général Jules Billiet, dans son usine de 15 000 m2, où une première ligne de production a commencé à fonctionner.

Deux autres doivent la rejoindre à terme : en 2030, l'entreprise envisage de produire 30 000 piles à combustible par an à Belfort, territoire qui se voit en capitale française de l'hydrogène.

Ces gros cubes transforment l'hydrogène en électricité. Ils affichent une puissance de 300 kW, l'équivalent du moteur d'un poids lourd de 44 tonnes.

L'entreprise, dont le siège est à Saint-Égrève (Isère), emploie plus de 80 salariés, dont un cinquième travaillent dans l'usine de Belfort. Elle table sur 700 salariés à l'horizon 2030.

Ses équipements sont destinés à de gros consommateurs d'électricité stationnaires, comme les centres de données, mais aussi les chantiers ou les grands événements, "sans émettre de CO2", précise le chargé d'affaires Maxime Pelissier. À terme, Inocel vise aussi le secteur du transport maritime, puis celui de la mobilité lourde (camions, engins de chantier, ferroviaire...).

Turpitudes

La filière hydrogène française traverse des turpitudes, à l'image de McPhy, autre entreprise implantée dans le Territoire de Belfort, qui tente d'échapper à la liquidation.

Même si sa production s'engage plus tardivement que prévu, Inocel a des raisons d'être optimiste. "Il n'y a pas un scénario [de net-zéro carbone] qui fonctionne sans hydrogène dans le mix énergétique mondial", observe Bertrand Chauvet, président de Seiya consulting, un cabinet de conseil spécialisé dans l'hydrogène.

Mais la flambée des coûts de l'électricité, nécessaire pour produire de l'hydrogène, a porté un coup au secteur.

En France, "nous n'avons pas les conditions d'un marché intérieur", regrette M. Chauvet. Conséquence: les acteurs français sont en grande difficulté. "Les Chinois, les Coréens et les Japonais ont d'abord créé un marché national, en créant la demande".

Les acteurs français n'ont comme débouché que l'exportation, où ils affrontent une concurrence forte. "Ce qui a précipité tout cela, c'est l'absence totale de décision politique du gouvernement pendant trois ans", critique le spécialiste.

Début juin, la Cour des comptes a jugé "irréalistes" les objectifs de l'Etat en matière de production d'hydrogène décarboné, estimant qu'une manne trop importante a été distribuée au transport routier alors que les aides devraient aller en priorité à l'industrie lourde et aux infrastructures.

« Niche »

Dans ce contexte, les entreprises qui résistent sont positionnées "sur une niche de marché. Comme Inocel, qui s'est focalisée sur le marché de la forte puissance".

L'entreprise a levé, au printemps 2024, 64 millions d'euros, entre capitaux propres, emprunts et subventions.

L'activité "se met en place dans le monde", note Jules Billiet, évoquant l'Asie et l'Europe du Nord, notamment la Norvège ou le Royaume-Uni. "Notre but, c'est d'être autonome et indépendant d'une filière qui est en cours de structuration", souligne-t-il, invitant la France à ne pas rater le virage.

"Nous pouvons démarrer la filière et passer devant différents acteurs internationaux qui n'ont pas forcément notre niveau et notre maturité technologique", espère-t-il.

L'entreprise, lancée avec la bénédiction de l'aventurier Mike Horn, s'est associée à d'autres acteurs de l'énergie pour proposer des solutions clé en main, notamment Equans, filiale du groupe Bouygues, comprenant la génération d'énergie, la maintenance et l'approvisionnement en hydrogène.

"Cela permet de faire tomber toutes les barrières, le coût de l'hydrogène ou encore la logistique", argumente Frédéric Deyme, chargé d'affaires chez Inocel.

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