L'industrie sidérurgique européenne en transition forcée

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Production en déclin, hausse des prix de l'énergie, concurrence : les défis ne manquent pas pour l'industrie sidérurgique européenne, qui doit à la fois réduire son empreinte carbone et répondre aux besoins d'acier créés par la transition énergétique, par exemple pour les éoliennes.

L'industrie sidérurgique représente quelque 308 000 emplois directs dans l'Europe des 27, où la production d'acier a chuté de 10,5% en 2022 pour s'établir à 136 millions de tonnes, sur un total de 1,88 milliard de tonnes au niveau mondial (-4,2% en un an), selon l'association mondiale de la sidérurgie Worldsteel.

La France se classe 16e avec 12,1 millions de tonnes produites, loin derrière la Chine et son milliard de tonnes.

Largement utilisé pour le bâtiment, les infrastructures, l'automobile ou encore l'électroménager, l'acier est également indispensable pour la construction d'éoliennes, de parcs solaires ou encore des futurs réseaux d'hydrogène et de transport du CO2. "Il y a dix ans, l'Europe exportait un peu plus qu'elle importait", rappelle Marcel Genet, expert en sidérurgie et fondateur de la société Laplace Conseil.

Mais au fil des années le Vieux Continent s'est avéré "de moins en moins compétitif par rapport à de nouveaux pays, à commencer par la Chine, raison qui a conduit à poursuivre un certain nombre de fermetures d'usines en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre" ou encore en France, résume-t-il à l'AFP.

Ce fut, de façon emblématique, l'arrêt définitif des hauts fourneaux d'ArcelorMittal à Florange, dont le 10e anniversaire sera marqué le 24 avril.

Aujourd'hui, la situation n'est pas plus rose: après les perturbations générées par le Covid, l'industrie sidérurgique européenne a dû essuyer en 2022 "des crises économiques" et une explosion "des coûts de l'énergie et même l'arrêt de certaines usines, tandis que 2023 ne laisse présager aucune amélioration", écrit la consultante en énergie Sylvie Cornot-Gandolphe dans un rapport pour l'Institut français des relations internationales (Ifri) publié en janvier.

« On ne peut se passer d'acier »

Autant d'éléments - sans oublier que la production d'acier est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre - qui poussent "l'UE et les sidérurgistes à accélérer la transition énergétique", indique-t-elle, martelant que cette industrie "est le secteur clé pour la décarbonation de l'économie européenne" dans son ensemble.

Principal défi climatique: ne plus recourir aux énergies fossiles pour fondre le minerai de fer. ArcelorMittal, deuxième fabricant mondial d'acier, vise ainsi la production de 4 millions de tonnes d'acier sans émission d'ici à 2026, grâce à des installations utilisant l'hydrogène au lieu du charbon, et des fours électriques.

"L'hydrogène c'est très bien, mais si on n'a pas suffisamment d'électricité décarbonée et propre" provenant des éoliennes, du solaire ou du nucléaire, "on ne pourra pas faire de l'hydrogène bon marché", estime Marcel Genet.

Le rapport de l'Ifri va dans le même sens: le remplacement des hauts-fourneaux "nécessite des quantités élevées d'électricité et d'hydrogène propres, et ce dès cette décennie, alors que les mix électriques (l'éventail des sources d'énergie électrique, NDLR) des pays européens ne sont pas complètement décarbonés et que l'hydrogène propre est un marché tout juste naissant".

A lui seul, la sidérurgie européenne "aura besoin d'au moins 2 millions de tonnes d'hydrogène dans les prochaines années pour la transition", soulignait en mars Axel Eggert, directeur général d'Eurofer, la fédération européenne de l'acier. Alors que l'UE a pour objectif d'ici 2030 de produire 10 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable par an sur son sol et d'en importer autant.

M. Eggert affirme également que "plus de 74 millions de tonnes de production d'acier supplémentaire seront nécessaires rien que pour atteindre les objectifs de l'UE en matière d'énergies renouvelables".

"Solaire, éolien, nucléaire... tous les projets d'énergies renouvelables que l'on envisage et qu'on commence à mettre en oeuvre consomment de plus en plus d'acier. Les éoliennes par exemple sont des gouffres à la consommation d'acier. Il n'y a absolument aucun signe qui dirait qu'on pourrait se passer d'acier, et il n'y a absolument aucun produit de substitution", tient à souligner Marcel Genet.

Commentaires

Reg

Les pays européens ont bradé leurs entreprises metallurgiques et surtout leur savoir faire et leur technologie à des pays comme la Chine ou l'inde.
Arcelor (ex. Usinor, Aceralia et Arbed) avait été bradé à Mittal Steel. Mittal steel ne faisait que de l'acier de base et grâce à Arcelor, Mittal à pu acquérir du savoir faire et se diversifier vers des aciers à plus haute valeur ajoutée.

Daphné

Beaucoup d'entreprises étrangères à l'Inde acquises par Mittal ont été des fours. ... certains disent pour tuer la concurrence et se réserver un maximum d'ouverture de marchés.
Les besoins en acier pour l'installation des appareils d'énergie renouvelables ... mettent un doute sur le bilan carbone des EnR .L' utilisation de l'H2 grâce au mix des EnR, nucléaire compris, et les projets en la matière sont une très bonne nouvelle.

jmfischer

Il n'y a absolument aucun signe qui dirait qu'on pourrait se passer d'acier, et il n'y a absolument aucun produit de substitution
Ce genre d’affirmations péremptoires m’irritent toujours et il y en a beaucoup au sujet des énergies renouvelables. Si les mats des éoliennes sont majoritairement fabriqué en acier ce n’est pas parce qu’il n'y a absolument aucun produit de substitution.
cf. :https://www.sirris.be/fr/inspiration/mats-deolienne-en-bois
ou :https://www.leboisinternational.com/foret/gestion-forestiere/mats-et-pa…
Il faudra de l’acier mais en moindre quantités.
Le chois des matériaux est souvent substituable. Ci tel matériaux est choisi plutôt qu’un autre c’est pour ces caractéristiques techniques mais aussi et surtout pour son coût global (mise en œuvre compris).

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