L'Iran démet de son poste le négociateur en chef sur le nucléaire, un avertissement selon les observateurs

  • AFP
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L'Iran a adressé un message de fermeté aux Occidentaux en démettant son actuel négociateur en chef sur le dossier du nucléaire de ses fonctions de vice-ministre des Affaires étrangères, pour le remplacer par un ultraconservateur hostile à toute concession sur la question.

Appartenant au camp des modérés, Abbas Araghchi, qui dirigeait les négociations sur le nucléaire depuis 2013, a été rétrogradé de vice-ministre des Affaires étrangères à simple conseiller, a annoncé mardi soir la diplomatie iranienne. Nommé à ce poste par l'ancien président Hassan Rohani, M. Araghchi avait joué un rôle clé dans l'accord international sur le nucléaire iranien signé en 2015 à Vienne et torpillé trois ans plus tard par la décision des États-Unis de s'en retirer.

Il est remplacé comme vice-ministre par Ali Baghéri, un proche du nouveau président ultraconservateur Ebrahim Raïssi. Le ministère n'a pas précisé si M. Baghéri, connu pour son refus de toute concession aux Occidentaux, devenait également négociateur en chef pour les pourparlers sur le nucléaire. Des discussions, au point mort depuis juin, ont commencé en avril à Vienne entre l'Iran et les cinq puissances encore parties à l'accord de 2015 (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie) pour ressusciter ce pacte en y réintégrant Washington.

« Avertissement à l'Occident »

L'accord offrait à Téhéran un allègement des sanctions occidentales et onusiennes en échange de son engagement à ne jamais se doter de l'arme atomique et d'une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous strict contrôle de l'ONU. L'Iran a toutefois progressivement abandonné la plupart de ses engagements après le retrait unilatéral des Américains.

"La nomination de M. Baghéri doit être considérée comme un avertissement sérieux à l'Occident car il est probable que la nouvelle équipe remettra en question la base du pacte sur le nucléaire et abandonnera tous les engagements de l'Iran si les Américains retardent leur retour à l'accord", a estimé auprès de l'AFP l'analyste Mehdi Zakerian. "Dans le gouvernement de M. Raïssi, les personnages clé à la table des négociations sont désormais Mohammad Eslami, chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, et Ali Baghéri", selon lui.

Considéré comme proche du guide suprême iranien Ali Khamenei, M. Baghéri, 53 ans, avait été désigné en 2019 adjoint aux affaires internationales de l'Autorité judiciaire par Ebrahim Raïssi, devenu en août président. M. Baghéri avait reproché à plusieurs reprises à l'ancien président iranien, le modéré Hassan Rohani, d'avoir accepté des restrictions sur le programme nucléaire du pays et d'avoir permis aux "étrangers" d'accéder aux sites iraniens en signant l'accord international qui avait mis fin à douze années de crise autour de la question nucléaire iranienne.

"Je remercie Dieu de m'avoir permis d'occuper le poste de vice-ministre des Affaires étrangères pendant ces années critiques et très tendues", a écrit M. Araghchi sur Instagram, souhaitant le "succès" au chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian ainsi qu'à M. Baghéri.

Le poing contre la main 

L'annonce de sa nomination intervient trois jours après la visite à Téhéran du chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, et l'annonce d'un nouveau compromis avec l'Iran concernant la surveillance des installations nucléaires iraniennes, question primordiale pour espérer une reprise rapide des pourparlers.

Si M. Grossi a estimé que le nouvel accord permettait de "donner du temps à la diplomatie", il a toutefois assuré qu'il ferait preuve de "fermeté" vis-à-vis de l'Iran. Symbole des tensions qui entourent les négociations, les médias ultraconservateurs avaient choisi de publier en Une une photo de M. Eslami saluant dimanche, avec un poing fermé, son hôte Rafael Grossi qui lui tendait la main.

De leur côté, face aux négociations qui patinent, les États-Unis ont exprimé la semaine dernière leur impatience et se sont dits "proches" d'abandonner leurs efforts pour sauver l'accord. "Je ne vais pas donner de date, mais nous nous rapprochons du moment où un retour strict au respect du JCPOA (l'accord sur le nucléaire iranien) ne reproduira pas les avantages de cet accord", avait déclaré le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. "Parce que plus le temps passe et plus l'Iran continue à faire des progrès dans son programme nucléaire", avait-t-il déploré.

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