- Connaissance des Énergies avec AFP
- parue le
L'Union européenne, réunie en sommet à Bruxelles, a durci jeudi soir ses sanctions contre la Russie, après son invasion de l'Ukraine, sans toutefois aller jusqu'à exclure le pays du système d'échanges bancaires internationaux Swift.
"Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent", a promis la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. C'est le train de sanctions le "plus sévère jamais mis en œuvre" par l'UE, a affirmé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les Vingt-Sept ont décidé de déclencher "des sanctions massives et douloureuses à l'égard du régime russe", a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel à l'issue de la réunion.
L'UE va notamment limiter drastiquement l'accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, entravant et renchérissant le financement de sa dette. Elle va également réduire l'accès de la Russie à des "technologies cruciales", en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à "pénaliser gravement" son économie, a expliqué Mme von der Leyen.
Elle a dévoilé différentes mesures lors d'une conférence de presse : interdiction d'exporter vers la Russie des avions, pièces et équipements de l'industrie aéronautique et spatiale, ainsi que des technologies de raffinage pour l'industrie pétrolière. Les restrictions d'exportations toucheront aussi les biens à double usage (civil et militaire).
Les banques de l'UE auront interdiction d'accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100 000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l'accès aux financements européens.
Toucher les élites russes
De nouvelles sanctions frapperont des individus dans les cercles du pouvoir (gel des avoirs, interdiction du territoire européen...). Elles s'ajouteront à celles déjà entrées en vigueur mercredi soir, notamment contre des personnalités proches de Poutine. "L'impact sera maximum sur les élites russes", assure Mme von der Leyen.
Le Bélarus, accusé d'être impliqué dans les opérations russes, sera par ailleurs frappé de sanctions supplémentaires. Ces décisions se veulent à la hauteur de l'onde de choc ressentie dans toute l'Europe après l'assaut des troupes russes contre l'Ukraine. Josep Borrell a estimé que le continent vivait "ses heures les plus sombres depuis la Deuxième Guerre mondiale".
Les sanctions européennes "feront monter l'inflation, accéléreront les sorties de capitaux et éroderont progressivement la base industrielle" du pays, a affirmé Ursula von der Leyen.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait réclamé de bloquer l'accès de la Russie au système de messagerie bancaire Swift pour l'isoler financièrement du reste du monde, à l'instar de l'Iran fin 2019. Quelque 300 banques et institutions russes utilisent Swift pour leurs transferts de fonds interbancaires. Mais il n'a pas été suivi. Plusieurs États membres freinent, dont l'Allemagne, très dépendante du gaz russe pour son approvisionnement, qui préfère l'envisager pour plus tard.
« Assez de naïveté »
Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a expliqué sur la chaîne de télévision ARD qu'une telle mesure entraînerait "un risque élevé que l'Allemagne ne reçoive plus de livraisons de gaz et autres matières premières" de Russie. L'Italie, également très dépendante du gaz russe, mais aussi la Hongrie, Chypre, ou la Lettonie, partagent les réticences de Berlin.
"Nous ne devons rien exclure. Nous ne devons pas avoir de sujets tabous. Nous savons que militairement nous ne pouvons rien faire pour l'instant", a toutefois estimé le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel. "Le moment le plus émouvant aujourd'hui a été l'intervention du président Zelensky" lors du sommet, a-t-il expliqué. "Il nous a dit qu'il ne savait pas s'il pourrait nous parler une autre fois".
"Assez de belles paroles. Assez de naïveté", a lancé son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, regrettant que l'UE achète beaucoup de gaz et de pétrole russes. "Le président Poutine prend notre argent et l'utilise pour agresser, envahir et déstabiliser toute l'Europe (...), nous ne pouvons pas le laisser franchir un nouveau Rubicon", a-t-il poursuivi, appelant au-delà des sanctions à construire "une autonomie stratégique" pour l'UE.
