- Connaissance des Énergies avec AFP
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Une partie du destin du Venezuela est entre les mains de Donald Trump qui doit prendre une décision sur les licences pétrolières accordées aux multinationales, cruciales pour l'économie du pays sud-américain, pas encore remise d'une grave crise.
Les licences, qui permettent aux groupes pétroliers internationaux d'opérer au Venezuela malgré l'embargo et les sanctions américaines, sont au centre des négociations, et des spéculations, entre Caracas et l'administration Trump, qui semble divisée sur le sujet. Cela concerne principalement l'américain Chevron mais aussi le français Maurel & Prom, l'espagnol Repsol ou l'italien ENI.
Lors de son précédent mandat, le président américain avait en 2019 durci les sanctions contre le Venezuela dans le but d'asphyxier économiquement le pays et d'évincer Nicolas Maduro du pouvoir.
L'administration Biden avait quant à elle accordé des licences aux pétroliers pour qu'ils ne perdent pas les énormes investissements consentis et puissent récupérer des créances. Mais ces licences permettent à Caracas d'encaisser des sommes substantielles, si ce n'est vitales.
De retour au pouvoir en 2025, Donald Trump, qui a fait du rapatriement des immigrés clandestins une priorité de son programme, semble se servir des licences comme d'une monnaie d'échange.
- "Ping-pong" -
"Ces derniers jours, le ping-pong a recommencé, donc cela doit être vraiment difficile pour Chevron et les sous-traitants sur le terrain de savoir ce qui va réellement se passer", a souligné l'expert Francisco Monaldi du Baker Institute, lors d'un forum de l'Université internationale de Floride.
Donald Trump avait annoncé le 26 février la révocation de la licence de Chevron, donnant au groupe américain jusqu'au 3 avril pour cesser ses activités, avant de revenir sur sa décision et de prolonger la licence jusqu'au 27 mai. Ces derniers jours, l'administration a envoyé des messages contradictoires.
Le président américain devait autoriser "une prolongation (...) si nous étions en mesure d'obtenir des progrès (...) Nous avons pu le faire. Cette prolongation sera donc accordée", a affirmé l'envoyé spécial de Trump Richard Grenell après avoir obtenu la libération mardi d'un militaire américain détenu au Venezuela.
Mais le secrétaire d'État américain Marco Rubio, conseiller de Trump en matière de sécurité nationale, s'est empressé d'écrire sur X mercredi soir: "La licence pétrolière pro-Maduro Biden au Venezuela expirera comme prévu mardi prochain 27 mai".
- Dépendance au pétrole -
Le Venezuela a connu huit années de récession entre 2014 et 2021, ainsi qu'une hyperinflation, dans une crise qui a contraint des millions de personnes à migrer.
Sa principale source de revenus est le géant pétrolier public PDVSA.
Mauvaise gestion, corruption mais aussi sanctions américaines et chute du prix du baril ont fait que la production d'or noir dans le pays, de plus de 3 millions de barils par jour (bpj) au début des années 2000, est tombée en dessous de 400.000 bpj. Elle est actuellement d'environ un million.
La plupart des experts s'accordent à dire que la fin des licences entraînera une récession.
Les multinationales, qui généraient environ 30% de la production, ont contribué à la reprise économique du pays caribéen avec une croissance estimée (selon des chiffres non officiels) d'entre 4 et 5% au cours des trois dernières années, explique Graciela Urdaneta, économiste chez Ecoanalitica, qui souligne que cela se traduisait aussi par "une injection de devises" et "une certaine stabilité sur le marché des changes".
"Si la projection pour la fin de l'année était de 16 milliards dollars de recettes", avec la fin des licences, cela pourrait descendre à "8 milliards", ajoute l'économiste de l'Université centrale du Venezuela Manuel Sutherland.
Cependant, la production et les exportations continueront, le pays ayant appris à contourner les sanctions. "Comme pour la drogue, il y aura toujours un acheteur", estime l'expert Elias Ferrer, d'Orinoco Research.
PDVSA devra toutefois proposer des rabais, trouver des systèmes avec des tiers ou procéder à des échanges de marchandises.
Le président Nicolas Maduro a lui assuré que "les travailleurs (vénézuéliens) ont les capacités pour que ces champs pétroliers continuent de produire".
Chevron tente lui de défendre sa permanence au Venezuela auprès de l'administration américaine. "Si nous partions (...) les entreprises américaines seraient remplacées par des entreprises d'autres pays et historiquement, ce sont des entreprises chinoises, russes et autres qui, vous le savez, ne sont pas nécessairement dans l'intérêt des États-Unis", a déclaré son PDG, Mike Wirth, à Fox News.
Repsol a indiqué en mars vouloir chercher des "mécanismes" pour continuer à opérer au Venezuela, où 84% de ses projets sont liés au gaz.
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