La géothermie profonde, prélude à l’extraction de lithium en Alsace ?

Site géothermique de Vendenheim

Le site de Vendenheim fait l’objet d’un investissement de plus de 80 millions d’euros. (©MD)

Au Nord de Strasbourg, des analyses ont confirmé la présence de lithium « en quantité et en qualité très prometteuses » dans les eaux extraites d’un puits de forage géothermique.

Géothermie profonde à Vendenheim : électricité, chaleur… et lithium

À Vendenheim, la société Fonroche Géothermie construit actuellement une centrale géothermique qui produira en cogénération de l’électricité et de la chaleur… et d’où pourrait être extrait du lithium. Situé à l’emplacement d’une ancienne raffinerie d’hydrocarbures, le site – dont la mise en service est prévue au printemps 2020 – pourrait produire « près de 80 GWh d’électricité par an » (puissance électrique de 10 MW) et alimenter en chaleur « 26 000 logements, ou jusqu’à 70 hectares de serres agricoles et de piscicultures » (puissance thermique de 40 MW) selon l’exploitant.

À près de 4 000 m de profondeur(1), de l’eau chaude à plus de 150°C circule dans les failles préexistantes du sous-sol et elle y capte des minéraux présents dans la roche. Les énergéticiens indiquent qu’ils « savaient depuis longtemps que les eaux géothermales en Alsace du Nord » étaient riches en chlorure de lithium mais ils ont constaté récemment des concentrations similaires (de l’ordre de « 170 à 200 ppm(2) ») au sein des projets autour de Strasbourg comme Vendenheim.

Les acteurs de la géothermie profonde en Alsace, Fonroche Géothermie et Électricité de Strasbourg (ES), mettent en avant le caractère « propre » du lithium qui pourrait être récupéré après raffinage(3), celui-ci pouvant être « extrait du sol, raffiné et transporté avec un très faible impact environnemental » en comparaison avec la production actuelle (qui provient principalement d’Australie et du Chili, avant transformation en Chine). Une visibilité sur le prix de ce lithium constitue un autre avantage majeur mis en avant par les parties prenantes auprès des pouvoirs publics.

Garantir l’indépendance de la France en lithium

Sur le site de Vendenheim, Fonroche Géothermie estime la production potentielle à l’équivalent de 1 500 tonnes de carbonate de lithium (LCE) par an. Avec ses 3 projets en Alsace, la société estime qu’elle pourrait fournir « 30 à 40% de l’ensemble de la demande industrielle française en lithium à partir de 2023 ». En cumulant leurs efforts, Fonroche Géothermie et ES (qui dispose notamment de 2 centrales géothermiques en exploitation depuis plus de 3 ans(4)) estiment qu’ils pourraient, avec 10 projets, « garantir l’indépendance nationale en approvisionnement de lithium à prix très compétitif pour son industrie ».

Les procédés d’extraction du lithium des eaux géothermales seraient déjà efficaces en laboratoire et doivent être testés sur site : il existe actuellement 3 projets de R&D en Alsace (EuGeLi, TERMALI et GEOLITH) et « au moins autant » en Allemagne où plusieurs permis miniers de coproduction géothermie/lithium sont en cours de dépôt(5).

Un « Airbus européen des batteries » bénéficierait fortement de cette production locale de lithium, soulignent les professionnels de la géothermie profonde. Ces derniers estiment l’investissement supplémentaire pour extraire du lithium sur leurs sites à environ « 10 millions d’euros par centrale ».

Un préalable pour la filière : le maintien d’un soutien public pour la production électrique

Les acteurs de la géothermie profonde conditionnent le développement prometteur de l’extraction de lithium à un soutien public pour leur production électrique. Pour rappel, un complément de rémunération avantageux avait été mis en place en décembre 2016 pour les sites géothermiques (au tarif de 246 €/MWh)(6) mais ce soutien public a été supprimé dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

L’AFPG (Association française des professionnels de la géothermie) précise que des discussions sont encore en cours sur « les besoins minimaux de la filière pour assurer son développement »(7), les acteurs de la filière évoquant la possibilité de descendre « à moins de 200 €/MWh ». Ils mentionnent que le tarif de rachat du solaire photovoltaïque avoisinait « 600 €/MWh il y a quelques années »(8).

C’est en obtenant ce soutien public que les énergéticiens envisagent une extraction de lithium qui pourrait de facto abaisser ultérieurement les coûts des projets de géothermie profonde : « ce n’est pas le lithium qui va sauver la géothermie, mais la géothermie qui va permettre le développement de la production de lithium en France » selon Jean-Jacques Graff, directeur du développement chez ES. Les acteurs de la filière évoquent également un potentiel d’extraction de lithium dans d’autres zones prometteuses pour la géothermie profonde (Massif central, couloir Rhodanien, Pyrénées) et imaginent dans le futur l’installation d’« une unité de raffinage de lithium » par région concernée.

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