Énergie-climat : l'avis du CESE sur les feuilles de route de la France

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SNBC

Le projet de SNBC vise la « neutralité carbone » à l'horizon 2050, une ambition saluée par le CESE. (©Pixabay)

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté le 9 avril son avis(1) sur les projets de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de la France. Il y appelle notamment le gouvernement à fixer à nouveau une trajectoire de hausse de la « taxe carbone ». Présentation des principales recommandations.

22 recommandations sur les projets de SNBC et de PPE

Pour rappel, le gouvernement a respectivement rendu publics en décembre 2018 et janvier 2019 ses projets de SNBC (qui porte sur les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033) et de PPE (qui porte sur les périodes 2019-2023 et 2024-2028). Il est rappelé par le CESE que « ces deux programmations, prévues par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, visent à fournir à tous les acteurs une politique publique, lisible et stable, pour les inciter à investir massivement dans la transition énergétique et les accompagner ».

Le CESE a adopté en session plénière (139 voix pour, 3 voix contre et 31 abstentions) son nouvel avis sur ces feuilles de route, les rapporteurs (Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques et Madeleine Charru, vice-présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique) faisant état d’un processus difficile, lié aux retards de transmission des textes (SNBC et PPE) et à l’« extrême sensibilité » de ces sujets.

Globalement, l’assemblée consultative juge dans son avis que les projets de SNBC et PPE « restent très imprécis ou insuffisants quant aux moyens mis en œuvre sur les 5 et 10 prochaines années pour atteindre des objectifs ambitieux », notamment dans le domaine de la rénovation des logements. Malgré quelques ambitions saluées par le CESE (objectif de « neutralité carbone » remplaçant le « facteur 4 », volonté de diversification du mix électrique, etc.), les « dérapages » de la France en matière d’émissions de gaz à effet de serre sur la période 2015-2018 sont soulignés (par rapport aux objectifs fixés sur cette période).

L’avis du CESE comporte au total 22 recommandations qui nourrissent trois ambitions : préciser les moyens de la transition énergétique, définir un cadre clair et stable, réformer la gouvernance sur ce sujet. Ces recommandations viennent compléter un précédent avis du CESE adopté en février 2019 (sur l’article 1er du projet de loi sur l’énergie).

Budgets carbone
La France a dépassé son « budget carbone » fixé par la SNBC sur la période 2015-2018. La 2e SNBC a revu à la baisse les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années. (©Connaissance des Énergies, d'après CESE)

Une nouvelle trajectoire pour la « taxe carbone »

Selon le CESE, les ambitions de la SNBC et de la PPE sont rendues « peu crédibles » par la suspension fin 2018 de la hausse de la trajectoire de la contribution climat énergie (CCE), dite « taxe carbone ». Cette taxation est en effet jugée « très structurante » pour l’ensemble de la politique climat-énergie de la France et le CESE appelle dans son avis à l’adoption d’une nouvelle trajectoire « cohérente avec la baisse importante de la consommation des énergies fossiles prévue en 2030 » (en évaluant « les effets macroéconomiques et redistributifs » de la programmation proposée).

Pour une hausse de taxation plus « juste », le CESE appelle à « affecter une part plus importante des recettes tirées de la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) […] aux mesures destinées à amortir les effets de sa hausse pour les plus vulnérables, notamment avec une revalorisation du chèque énergie ».

Lors de la présentation de l’avis, les rapporteurs du CESE ont toutefois déploré les premiers signaux défavorables lors de la « restitution » du Grand débat. La secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire Emmanuelle Wargon a confirmé au CESE qu’il « ne sera pas possible ni souhaitable de réintroduire une augmentation de la taxe carbone dans des conditions dans lesquelles les concitoyens ne seraient pas convaincus de son caractère juste et équitable ».

Notons que l’avis du CESE recommande également d’« accentuer la pression pour mettre fin à l’exonération du transport aérien et maritime international de la fiscalité carbone au niveau mondial et a minima européen ». À l’échelle de la France, il est demandé d'« étudier » la mise en œuvre d'une taxation ou contribution sur les vols intérieurs(2).

Rénovation énergétique, biogaz et éolien offshore

Parmi ses différentes recommandations, le CESE appelle à inscrire dans la PPE la mise en place d’un plan national de rénovation des « passoires énergétiques » (au nombre de 7 à 8 millions en France), avec « des moyens adaptés et équitablement répartis sur tous les territoires, permettant leur éradication à l’horizon en 2030 ». Les objectifs actuels du plan de rénovation énergétique du bâtiment (publié en avril 2018) – à savoir 150 000 rénovations de passoires thermiques par an – sont ainsi jugés très insuffisants par le CESE.

Le CESE recommande également de davantage soutenir (par rapport aux objectifs fixés dans le projet de PPE) les filières « émergentes », faisant référence d’une part au biogaz et au biométhane (avec des objectifs « au moins égaux aux 10% de la consommation de gaz prévus en 2030 » par la loi de transition de 2015) et d’autre part à l’éolien offshore (avec un rythme d’appel d’offres de 1 GW par an).

Le CESE souligne la nécessité de soumettre au débat public les projets de PPE et de SNBC (ainsi que leurs déclinaisons régionales, les SRADDET) et d’inscrire à l’avenir ces feuilles de route dans des lois de programmation (comme celles des finances publiques). L'assemblée consultative plaide par ailleurs pour la réalisation dès 2020 d’un « plan de programmation de l’emploi et des compétences », une mesure déjà prévue par la loi de transition de 2015.

Vous pouvez retrouver ci-dessous la présentation du projet d'avis du CESE le 9 avril.

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