GNL

Situé en Alaska, le site de Kenai a longtemps été l'unique usine américaine de liquéfaction de gaz naturel. (©ConocoPhillips).

À RETENIR
  • La liquéfaction du gaz naturel permet de réduire son volume d’un facteur de près de 600 pour un même pouvoir calorifique.
  • Dans une unité de liquéfaction, le gaz naturel subit plusieurs traitements successifs : épuration, déshydratation, prérefoidissement et liquéfaction à une température d'environ -160°C.
  • En 2016, le GNL a compté pour près de 32% des flux totaux de gaz naturel dans le monde.
  • La France dispose de 4 terminaux de regazéification (Fos Cavaou et Tonkin, Montoir-de-Bretagne et Dunkerque).

Définition

Le GNL (gaz naturel liquéfié) désigne le gaz naturel transformé sous forme liquide. Cet état est atteint lorsque le gaz est refroidi à une température d’environ -160°C à pression atmosphérique. Le gaz naturel liquéfié est un liquide dit « cryogénique » (liquide dont la température est inférieure à -150°C).

Après traitement, la liquéfaction permet de condenser le gaz naturel en GNL en réduisant son volume d’un facteur de près de 600 pour un même pouvoir calorifique, ce qui facilite son transport par voie maritime. Le GNL est essentiellement constitué de méthane (à plus de 90%)(1). C’est un liquide inodore, sans couleur, non corrosif et non toxique.

Le transport du gaz naturel devenu GNL permet de diversifier les sources d’approvisionnement en gaz sans dépendre des gazoducs terrestres. Il se développe fortement à l’échelle mondiale et a compté pour près de 32% des flux totaux de gaz naturel dans le monde en 2016.

Fonctionnement technique

Une « chaîne GNL » est mise en place lorsque la construction d’un gazoduc n’est pas envisageable, le plus souvent en raison de coûts de construction trop élevés, de la distance de transport, d’une étape maritime imposée ou de contraintes géopolitiques. Plusieurs grandes étapes constituent cette chaîne GNL, de la liquéfaction du gaz naturel jusqu’à la regazéification pour fournir le gaz au consommateur final.

Liquéfaction du gaz naturel

Le gaz naturel est d’abord acheminé par gazoduc, du gisement où il a été extrait jusqu’à une usine de liquéfaction disposant d’une façade maritime et d’installations portuaires.

Dans l’unité de liquéfaction, le gaz naturel subit plusieurs traitements successifs :

1) épuration : elle consiste à extraire le dioxyde de carbone (CO2) du gaz naturel car il peut endommager les unités de liquéfaction en s’y solidifiant, ainsi que le sulfure d’hydrogène (H2S) et d’autres composés soufrés ;

2) déshydratation : on élimine l’eau (H2O) du gaz pour éviter la formation d’hydrates de méthane qui peuvent bloquer les échangeurs cryogéniques. Une fois « sec », le gaz naturel est quasiment du méthane pur. On le débarrasse également de toute trace de mercure (Hg), élément toxique qui peut corroder les alliages utilisés dans la suite du processus ;

3) prérefroidissement : le gaz naturel est refroidi à une température proche de -30°C. Une série de distillations (dans les colonnes d’épuration) permet d’isoler les hydrocarbures plus lourds ainsi que les GPL (gaz de pétrole liquéfié : propane et butane). Ceux-ci peuvent être vendus comme matière première dans la pétrochimie ou comme carburant ;

4) liquéfaction : le gaz est comprimé, refroidi à pression constante puis détendu. Cette opération est renouvelée à deux ou trois reprises dans des colonnes frigorifiques (pompes à chaleur) dont le gaz sort à près de -160°C, entièrement liquide à pression atmosphérique ;

Le processus de liquéfaction consomme une importante quantité d’énergie : l’usine de liquéfaction utilise en moyenne près de 10% du gaz qui lui est livré pour son propre fonctionnement(2), en particulier pour alimenter ses pompes à chaleur.

Stockage du GNL

Avant chargement, le GNL est stocké à pression atmosphérique dans de grands réservoirs cylindriques verticaux à proximité de l’usine de liquéfaction. Ceux-ci fonctionnent comme des bouteilles thermos. Métalliques ou en béton, ils possèdent une double paroi et une isolation thermique sophistiquée afin de maintenir le gaz à l’état liquide (à -160°C) avec un minimum d'évaporation.

Pour rappel, près de 600 m3 de gaz naturel occupent seulement 1 m3 à l’état liquide (à pression atmosphérique). Les réservoirs de GNL, qui disposent d’une capacité de stockage comprise entre 65 000 et 150 000 m3 de GNL permettent donc de stocker de très grandes quantités d’énergie.

Transport du GNL jusqu’au terminal méthanier

Le GNL est chargé à bord de méthaniers, des navires géants spécialement conçus pour cet usage. Les méthaniers doivent également être isolés thermiquement pour maintenir le gaz à l’état liquide en minimisant les déperditions énergétiques : leurs réservoirs sont dits « adiabatiques », c'est-à-dire sans pertes thermiques.

Les plus gros méthaniers en activité peuvent transporter près de 267 000 m3 de GNL. Ces navires, dits « Q-MAX » et exploités par la Qatar Gas Transport Company, mesurent près de 345 m de long et 54 m de largeur. Pendant la traversée, le méthane qui s’évapore des cuves « adiabatiques » est récupéré pour participer à la propulsion du navire.

Une fois à destination, les méthaniers déchargent leur cargaison sur un terminal doté d’une installation de réception et de stockage cryogénique du GNL dans des réservoirs similaires à ceux utilisés sur les sites de liquéfaction.

Regazéification

Lorsque la consommation le nécessite, le GNL est regazéifié : sa température est portée d'environ -160°C à plus de 0°C sous haute pression (entre 60 et 100 bars). Le GNL peut être réchauffé par des échangeurs à ruissellement d’eau de mer ou par combustion d’une partie du gaz.

Avant l’acheminement du gaz par gazoduc depuis le terminal jusqu’aux réseaux de distribution, son pouvoir calorifique peut être ajusté par modification de la teneur en azote ou par mélange avec d’autres gaz.

Différentes étapes de la « chaîne GNL »
Différentes étapes de la « chaîne GNL » (©Connaissance des Énergies)

Enjeux par rapport à l'énergie

Enjeu technique : transport et stockage du gaz

Le GNL peut provenir de n’importe quel pays de production doté d’une façade maritime et possédant des ports équipés pour les méthaniers et un site de liquéfaction.

Lorsque le transport par gazoduc est impossible (ex : traverser l’océan Atlantique), le GNL permet d’acheminer le gaz par navire méthanier vers les zones de consommation. La compacité du stockage au niveau des terminaux méthaniers constitue également un argument fort en faveur du développement de la filière GNL.

Enjeu géopolitique : diversification des fournisseurs et sécurité énergétique

Le transport de gaz par gazoduc est soumis à des aléas techniques et politiques. Un gazoduc n’a pas la possibilité d’être dévié pour sécuriser l’approvisionnement en cas de crise. Par exemple, la Russie avait privé l’Ukraine de gaz en 2006 suite à un désaccord sur les prix. L’Ukraine avait alors prélevé du gaz sur des gazoducs traversant son territoire et à destination de l’ouest de l’Europe. Des problèmes de sécurité d’approvisionnement se posent donc lorsque des zones à risques sont empruntées par les gazoducs. Cette contrainte s'est confirmée en Ukraine en février 2014 avec une nouvelle crise impliquant Gazprom.

Notons aussi que la sécurité maritime n’est pas toujours assurée en mer et dans les ports (piraterie, terrorisme). La sécurité de l’approvisionnement constitue donc également un enjeu important pour le transport du GNL. Celui-ci présente toutefois l’avantage d’offrir une plus grande flexibilité que le transport par gazoduc. Grâce au GNL, les pays peuvent diversifier leurs sources d’approvisionnement en faisant appel à des producteurs plus éloignés. La diversification met alors en concurrence les producteurs de gaz, évitant ainsi les situations de monopole.

Enjeu économique : coût de la chaîne GNL

La mise en place d’une chaîne GNL engendre des coûts importants de deux ordres : la construction des installations et le transport. Pour limiter le risque économique lié à la construction d’installations onéreuses, la plupart des échanges de GNL ont été historiquement négociés sur la base de contrats de long terme(3) qui engagent quelques pays dans des quantités importantes. Avant de construire un terminal, un pays signe ainsi ces contrats de long terme afin de s’assurer des arrivées de gaz par voie maritime.

Les coûts associés au transport du GNL se répartissent comme suit(4) :

  • opérations de liquéfaction : 60% des coûts ;
  • transport par navire méthanier : 20% ;
  • regazéification dans le terminal méthanier : 20%.

Les coûts de liquéfaction sont donc déterminants et de nouveaux procédés sont en cours de développement pour les abaisser. Notons que si le site de liquéfaction consomme près de 12% du gaz qu’il traite, ce problème se pose également pour le transport par gazoduc : l’autoconsommation des stations de recompression situées le long des gazoducs peut atteindre 20% pour un transport de 5 000 km. Précisons par ailleurs que le transport du gaz sous forme de GNL permet d'accéder à des zones où les prix du gaz sont moins élevés (sous réserve que des infrastructures soient disponibles pour liquéfier le gaz sur place).

Unités de mesure et chiffres clés

Unités de mesure

Le ratio d'expansion entre le volume liquide (GNL) et le volume gazeux de gaz naturel dépend des caractéristiques de chaque GNL produit. Le coefficient de conversion entre m3 de GNL et m3 de gaz naturel en découlant variait par exemple entre 558 (GNL du Libye) et 586 (GNL d'Alaska) en 2016 selon les statistiques du GIIGNL (International Group of Liquefied Natural Gas Importers)(5).

Chiffres

  • En 2016, les flux de GNL ont permis de transporter 347 milliards de m3 de gaz naturel (volume à l'état gazeux). Cela représente près de 32% des flux totaux de gaz naturel dans le monde en 2016 selon BP ;
  • En 2016, le transport de GNL a augmenté de 7,5% par rapport à 2015 selon les données du GIIGNL ;
  • Depuis 1981, près d’un quart des importations françaises de gaz naturel est transporté sous forme de GNL (23,1% en 2016).

Zone de présence

Dans le monde

En 2016, 39 pays ont importé du GNL auprès de 19 pays exportateurs(6). La région Asie-Pacifique a compté pour près de 70% des importations mondiales de GNL en 2016 selon BP.

Le Qatar, l'Australie, la Malaisie, le Nigéria et l'Indonésie sont les principaux exportateurs de GNL. A eux cinq, ils fournissent plus des deux tiers du GNL acheminé dans le monde.

Les 3 principaux importateurs de GNL sont :

  • le Japon : 31,3% des importations totales de GNL dans le monde en 2016(7). Le gaz naturel liquéfié en provenance du Moyen-Orient, d'Afrique et du Sud-Est asiatique est la seule possibilité d’approvisionnement de gaz pour le pays ;
  • la Corée du Sud : 12,7% des importations mondiales de GNL en 2016 ;
  • la Chine : 9,9% des importations mondiales de GNL en 2016.

Fin 2016, plus de 130 terminaux de regazéification sont en activité dans le monde, dont une trentaine au Japon. En Europe, les principaux terminaux se trouvent en Espagne (7 terminaux et 27 réservoirs de stockage), au Royaume-Uni, en France et en Italie.

Flux de gaz naturel en 2016
Les principaux flux de gaz naturel dans le monde en 2016 (©Connaissance des Énergies, d'après données du BP Statistical Review)

En France

Le GNL arrive actuellement en France par 4 terminaux méthaniers :

  • 2 terminaux à Fos-sur-Mer (Provence Alpes Côtes d’Azur) :
  • Fos Tonkin (capacité d’accueil de 80 000 mde GNL), terminal mis en service en 1972 qui reçoit majoritairement du GNL d’Algérie et d’Egypte. Il est exploité par Elengy, filiale d'Engie ;
  • Fos Cavaou (capacité d’accueil de 330 000 m3 de GNL), terminal mis en service en 2010. Ce terminal est exploité par la Société du Terminal Méthanier de Fos-Cavaou, filiale d’Elengy à plus de 70% aux côtés de Total ;
  • Montoir-de-Bretagne (Pays de la Loire), terminal mis en service en 1980 et également exploité par Elengy (capacité d’accueil de 360 000 m3 de GNL), qui reçoit majoritairement du GNL en provenance d’Algérie et du Nigéria.
  • Dunkerque (capacité d’accueil de 570 000 mde GNL), terminal mis en service en 2016 et exploité par Gaz-Opale (dont EDF détient près de 65% des parts).

Passé

En 1940, la première station expérimentale de GNL est mise en place à Cornwell aux États-Unis. Une installation industrielle est ensuite construite dans l’Ohio pour supporter les pointes de consommation de gaz naturel. Elle dispose d’une capacité de liquéfaction de 200 m3 par jour et d’une capacité de regazéification de 115 m3 par heure pour réinjecter le gaz sur le réseau.

La France est l’un des premiers pays à avoir importé du GNL. Dès la fin des années 1950, Gaz de France travaille sur la mise en place de chaînes de transport par voie maritime. Trois unités de liquéfaction sont mises en service près d’Oran en 1963(8). Elles permettent d’acheminer du gaz en Angleterre et en France (terminal de Fos-sur-Mer).

L’Algérie était le seul fournisseur régulier de GNL de la France jusqu’en 2004. Les approvisionnements se sont depuis diversifiés. Ils proviennent notamment d’Egypte et du Nigéria (depuis 2006), du Qatar (2007) ou encore de Trinité-et-Tobago et d’Australie (2009).

Présent et futur

Ces dernières années, l’amélioration des techniques de liquéfaction et l’innovation dans le domaine de la construction navale ont favorisé l’essor du gaz naturel liquéfié. Le transport du gaz sur de longues distances est désormais possible et économiquement viable. L’AIE prévoit une augmentation de la part du GNL dans les échanges de gaz naturel dans le monde : cette part pourrait atteindre plus de 40% en 2035 selon ses projections (contre près de 30,5% en 2010). 

Le GNL connaît actuellement une nouvelle phase d’expansion, sous l’impulsion de l’Australie et des États-Unis. Grâce à la croissance de leur production de gaz de schiste, les États-Unis ont commencé en 2016 à exporter du GNL depuis le terminal de Sabine Pass (à la frontière entre le Texas et la Louisiane), dans un premier temps à destination de l’Amérique latine. D'ici à 2022, plus de la moitié de la hausse de production gazière américaine pourrait être exportée sous forme liquéfiée selon l'AIE, faisant alors des États-Unis un des principaux exportateurs mondiaux de GNL avec l’Australie et le Qatar.

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