Pollution de l’air : le diesel à nouveau sur le banc des accusés

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Diesel et pollution de l'air

Emmanuel Macron s’est engagé à aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence durant son quinquennat. (©Pixabay)

Un article publié le 15 mai dans la revue scientifique « Nature »(1) alerte sur les très nombreux véhicules à motorisation diesel dépassant les seuils réglementaires d’émissions d’oxydes d’azote (NOx) et sur les conséquences de ces dépassements en matière de santé publique.

38 000 décès prématurés imputés aux dépassements des normes d’émissions en 2015

Presqu’un tiers des poids lourds (camions, bus) et plus de la moitié des véhicules légers roulant au diesel dépasseraient les normes d’émissions d’oxydes d’azote en vigueur selon l’article de « Nature ». C’est l’une des conclusions d’une étude pilotée par l’ONG ICCT (Conseil international pour un transport propre)(2) au sein des 11 principaux marchés automobiles mondiaux(3), qui comptent pour 80% des ventes mondiales de véhicules diesel.

Concrètement, les émissions de NOx de l’ensemble des véhicules routiers à moteur diesel dans ces pays seraient près de 53% supérieures à celles estimées sur la base des mesures effectuées en laboratoires(4). Ces émissions supplémentaires, qui contribuent dans certaines conditions à la formation de particules fines (PM 2,5) et d’ozone dans l’atmosphère(5), ont des conséquences très néfastes sur la santé publique selon l’article de « Nature » : environ 38 000 décès prématurés dans le monde en 2015 seraient imputables à ces émissions excédentaires (dont près de 80% au sein de l’Union européenne, en Chine et en Inde).

Les chercheurs ayant rédigé cet article appellent à mettre en œuvre de nouveaux plafonds d'émissions plus contraignants : ces nouvelles normes pourraient, sous réserve d'être plus strictes que la norme antipollution Euro 6, quasiment éliminer les émissions d’oxydes d’azote liées au diesel et éviter près de 174 000 décès prématurés dus auxdites émissions en 2040 (par rapport au scénario de référence). Pour rappel, la pollution de l’air extérieur serait au total responsable de près de 3 millions de décès par an selon l’Organisation mondiale de la santé (bilan auquel s’ajoutent les décès liés à la pollution de l’air intérieur)(6).

En France, un nouveau décret et une fiscalité en cause

L’article de « Nature », relayé dans la presse française, pourrait encore nuire à l’image des véhicules diesel, déjà écornée par l’affaire Volkswagen et par les logiciels truqueurs mis en place par plusieurs constructeurs automobiles. Pour rappel, l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) avait révélé en septembre 2015 que Volkswagen avait inséré un logiciel permettant de contourner les standards d’émissions en vigueur (de Nox mais aussi de CO2) sur près de 11 millions de véhicules diesel dans le monde.

En France, le pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris a ouvert des informations judiciaires relatives à ces tromperies supposées contre Volkswagen mais aussi Fiat Chrysler, Renault et PSA fin avril. Le 10 mai dernier, un décret publié au Journal officiel a précisé les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques(7) : il fixe entre autres une cible de réduction de 69% des émissions d’oxydes d’azote d’ici à 2030 (par rapport aux émissions de 2005).

Cet objectif pourrait intensifier la pression exercée sur les véhicules diesel. Pour rappel, les moteurs diesel ont un rendement supérieur à celui des moteurs à essence(8), ils émettent donc moins de CO2 à puissance égale. Ils rejettent en revanche davantage de particules fines dans l’atmosphère (qui ne peuvent être intégralement collectées par des filtres, efficaces mais coûteux, associés aux pots catalytiques récents).

Le gazole bénéficie historiquement en France d’un avantage fiscal par rapport à l’essence (TICPE plus faible(9)) mais un rééquilibrage est en cours (que le nouveau président Emmanuel Macron s’est engagé à finaliser durant son quinquennat). En 2016, la part des véhicules diesel dans les immatriculations totales de voitures particulières neuves en France atteignait encore 52,1% (contre 43,8% pour les véhicules essence).

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