CEE : comment fonctionne le dispositif des certificats d'économies d'énergie ?

Rénovation d'un bâtiment

Introduit en France en 2005, le dispositif des CEE impose des économies d’énergie aux fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et carburants) comme EDF, Engie ou TotalEnergies ou la grande distribution au titre des ventes de carburants. Ceux-ci doivent financer des actions d’économies d'énergie (rénovation thermique des bâtiments, changement de chaudières, énergies renouvelables, etc.) afin de se voir attribuer lesdits CEE. Faute de quoi, ils doivent payer des pénalités.

Ce dispositif dit « extra-budgétaire » n'est toutefois pas indolore : les fournisseurs d'énergie répercutent son coût sur l'ensemble des consommateurs.

Une obligation pour les vendeurs d'énergie

Créé par la loi POPE de juillet 2005(1), le dispositif des certificats d’économies d’énergie impose aux vendeurs d’énergie (électricité, carburants, gaz, etc.), appelés « obligés » d'obtenir des CEE via différents moyens :

-une réduction de leurs propres consommations (travaux sur leurs bâtiments, transports plus économes, etc.) ;

-la réalisation pour leurs clients (ménages, collectivités territoriales ou professionnels) d'actions d’économies d’énergies, par exemple, le renforcement de l’isolation de bâtiments, l’achat de véhicules électriques, etc. ;

-l'achat de certificats à d’autres acteurs « éligibles »(obligés mais aussi d’autres personnes morales non obligées) réalisant des opérations d’économies d’énergie.

Les fournisseurs « obligés » ont tous des objectifs différents qui sont calculés au prorata de leurs ventes d’énergie aux consommateurs finaux. Concrètement, ces CEE se traduisent ainsi par un volume d'énergie épargnée à atteindre (comptabilisé en « MWh Cumac » pour « cumulé et actualisé ») pour chaque vendeur d'énergie « obligé ». Des entreprises intermédiaires aident les acteurs obligés à respecter leurs obligations et ceux éligibles à valoriser leurs actions d’économies. 

Montant par action et montant des pénalités

Des fiches d’opérations standardisées(2) précisent les conditions d’attribution des CEE et le montant forfaitaire attribué par action. Chaque fiche indique l’économie d’énergie moyenne attendue pour une opération donnée par rapport à une situation de référence. Par exemple, l’isolation de combles ou de toiture dans des bâtiments résidentiels existants est comptabilisée comme une « économie » de 920 à 1 720 kWh « cumac » par m2 d’isolant installé en fonctioon de la zone climatique(3).

Précisons que le prix moyen des transactions de CEE cédés était, selon le registre national, avoisinait 8 €/MWh cumac en 2024(4).

Faute d’avoir obtenu le nombre de certificats imposés, les obligés sont sanctionnés par des pénalités financières, à hauteur de 1,5 centime d'euro à deux centimes d’euro par kilowattheure cumac manquant. En octobre 2020, le ministère de la Transition écologique avait par exemple prononcé à l'encontre de la société Bolloré Energy une pénalité de 1 048 296 euros.

Pour les bénéficiaires

Pour obtenir des CEE en tant que particulier, il faut réaliser des travaux d'économie d'énergie éligibles dans son logement, notamment d'isolation ou en remplaçant ses équipements de chauffage. Ces travaux doivent être réalisés par un professionnel « RGE » (Reconnu Garant de l'Environnement).

Voici une liste d'actions, travaux et biens éligibles aux primes CEE :

-installation d'une chaudière biomasse (à base de bûches de bois, de copeaux de bois, de bois comprimé sous forme de granulés, de bois comprimé sous forme de briquettes ou de sciure de bois) ;

-installation d'un chauffe-eau solaire individuel ou collectif ;

-mise en place de robinets thermostatiques sur des radiateurs existants ;

-mise en place d’une fenêtre ou porte-fenêtre complète avec vitrage isolant ;

-isolation des combles, de toitures ou des murs ;

-installation d'une pompe à chaleur de type air/eau ou eau/eau ;

-rénovation d'ampleur d'une maison individuelle, d'un appartement ou d'un bâtiment résidentiel collectif ;

-raccordement d'un bâtiment résidentiel à un réseau de chaleur ou de froid ;

-installation d'un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) simple ou double flux.

Il est possible de demander des CEE en contactant un obligé qui propose alors une prime en échange des certificats générés par vos travaux. Tout le monde est éligible (à condition que le logement ait plus de deux ans), mais les montants des aides varient d'un fournisseur à l'autre(5). Il convient ainsi de se renseigner directement auprès de plusieurs fournisseurs.

Les particuliers peuvent cumuler ces aides avec d'autres dispositifs comme MaPrimeRénov'. Un système déclaratif a été mis en place pour l'obtention de CEE durant la 3e période d’obligation du dispositif  : les demandeurs doivent conserver des pièces justificatives durant 6 ans en cas de contrôle de la DGEC(6).

Périodes précédentes et objectifs

Le dispositif des CEE est découpé en différentes périodes. C'est à la fin de chaque période que « les vendeurs d’énergie obligés doivent justifier de l’accomplissement de leurs obligations par la détention d’un montant de certificats équivalent à ces obligations », souligne le ministère de la Transition écologique.

Voici ci-après les différentes périodes du dispositif à date(7) :

-Période 1 de 2006 à 2010 : objectif d’économies pour les obligés de à 54 TWh cumac ;

-Période 2 de 2011 à 2014 : objectif d’économies pour les obligés de à 345 TWh (un seuil qui sera dépassé) ;

-Période 3 de 2015 à 2017 : objectif d’économies pour les obligés de 700 TWh cumac, dont 150 TWh cumac au bénéfice de ménages en situation de précarité énergétique ;

-Période 4 de 2018 à 2021 : cette période était initialement prévue de 2018 à fin 2020 avec un objectif d’économies pour les obligés de 1200 TWh cumac et de 400 TWh cumac supplémentaires au bénéfice de ménages en situation de précarité énergétique (soit 1 600 TWh cumac au total). Elle a été prolongée en 2021 (avec un objectif total de 2 133 TWh cumac dont 733 TWh en CEE précarité) ;

-Période 5 de 2022-2025 : objectif total de 2 500 TWh cumac d’économies d’énergie, dont 730 TWh cumac en CEE précarité.

Selon le ministère en charge de l’énergie, « 100 TWh cumac sont équivalents à la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans ». Les travaux réalisés grâce aux CEE permettraient une réduction de 10 milliards d'euros par an de la facture énergétique des ménages, entreprises et organismes publics.

Depuis sa création, le dispositif aurait permis d'installer plus d'un million de chaudières individuelles performantes ou encore l'isolation des combles, toitures ou murs de 600 000 logements, selon le ministère.

Un dispositif critiqué

Dans un rapport de juillet 2024(8), la Cour des comptes jugeait « très difficile de mesurer avec précision les effets des CEE [...], à la fois parce que l'on sait mal distinguer leur impact propre par rapport à celui des autres outils » d'économies d'énergies existants, « et parce qu'il est impossible de mesurer l'effet d'aubaine faute de savoir ce qui se serait passé » sans les CEE. Le rapport de la Cour était sous-titré : « un dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains ».

Des associations de consommateurs pointent parfois la méconnaissance du dispositif et une procédure « kafkaïenne » : la demande devant être faite avant la signature du devis et l'aide pouvant être finalement refusée après les travaux si certains documents sont incomplets. Le montant de la prime, qui varie du simple au double selon les vendeurs d'énergie, peut en outre se révéler « relativement faible au regard du montant des travaux ». 

Comme souvent pour les aides à la rénovation, les locataires sont oubliés du dispositif : ils voient leur facture d'électricité augmenter, mais n'ont pas d'intérêt à entreprendre des travaux dans un logement dont ils ne sont pas propriétaires.

Les CEE en 2026 : impact et polémique

La « 6e période » des CEE débute 1er janvier 2026 et s'étendra jusqu'au 31 décembre 2030(9). Dans un contexte de contrainte budgétaire, l'État se tourne vers ce dispositif dit extra-budgétaire, pour financer plus d'aides dans la mobilité électrique (notamment le leasing social) et dans la rénovation énergétique des logements. L'enveloppe des CEE en 2026 devrait ainsi dépasser 8 milliards d'euros (contre près de 6 milliards d'euros en 2025), a indiqué le 24 octobre la ministre de la Transition écologique Monique Barbut.

Durant cette 6e période, l'obligation d'économies d'énergie que doivent réaliser les fournisseurs d'énergie va augmenter de 27% pour passer de 825 à 1 050 TWh cumac par an (dont 280 TWh cumac, soit environ un quart, fléché vers les ménages modestes).

Impact des CEE sur les prix des carburants

Le président de l'Ufip Énergies & Mobilités, Olivier Gantois, a estimé que les prix des carburants augmenteraient en 2026 « de l'ordre de 4 à 6 centimes par litre » en raison de l'impact des CEE. Le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné évoque pour sa part une fourchette de « 4 à 5 centimes (...) dans un an ou deux », qualifiant le dispositif de « truc diabolique ». Selon Olivier Gantois, les CEE pèsent déjà environ 11 centimes d'euro par litre de carburant : leur surcoût sur les prix à la pompe pourrait ainsi atteindre « 15 à 17 centimes » d'euros par litre en 2026.

Ces estimations ont été relayées à des fins politiques, notamment par le Rassemblement National évoquant une « agression fiscale ».

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