Qu'est-ce que le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire ?

Calcul du coefficient de conversion de l'électricité

La méthode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements va changer en 2026, avec un impact majeur sur la rénovation énergétique des bâtiments. En cause : la révision du coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire.

Rappel préalable sur l'énergie primaire et l'énergie finale

L’énergie primaire désigne les différentes sources d’énergie disponibles dans la nature avant transformation, que celles-ci soient fossiles (pétrole, gaz, charbon) ou renouvelables (biomasse, énergie du vent, du soleil, de l’eau stockée dans un barrage, etc.). Précisons que l’uranium n’est pas considéré comme une énergie primaire (par convention, c’est la chaleur produite par les centrales nucléaires qui est comptabilisée comme énergie primaire).

L’énergie finale désigne quant à elle l’énergie livrée au consommateur final pour satisfaire ses besoins après transformations par l’homme (électricité, carburants à la pompe, etc.). Entre l'énergie primaire et l'énergie finale, des transformations entraînent des pertes.

Dès lors, « faut-il exprimer les consommations du bâtiment en énergie primaire ou en énergie finale ? », s'interrogeait déjà l'association négaWatt dans une note de 2019(1). « Une question simple, a priori sans grand intérêt [...] Mais ce choix, en apparence anodin, est à l’origine d’une polémique, notamment parce qu’il conditionne en grande partie la nature des solutions électriques acceptables pour les usages thermiques (qui sont des usages concurrentiels), comme dans le bâtiment. Il s’agit donc d’un véritable choix stratégique ».

En effet, l'électricité « n'existe pas à l'état naturel » (sauf sous la forme de la foudre) et il est nécessaire d'appliquer un coefficient de conversion pour exprimer des kWh en énergie primaire, afin d'indiquer la quantité d'énergie qui a été nécessaire « en amont » pour produire ces kWh.

L'énergie primaire retenue dans le calcul du DPE

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) - outil central de la politique de rénovation énergétique des bâtiments en France - comporte entre autres une étiquette « énergie » intégrant à la fois la consommation énergétique, précisément en kWh d'énergie primaire, et les émissions de gaz à effet de serre (en kg d'équivalent CO2). 

Pour atteindre une « classe » de performance (de A à G), un logement doit en conséquence atteindre un seuil de performance minimale sur chacun des deux critères. Les logements « F » et « G » sont qualifiés de « passoires énergétiques ».

nouveaux seuils de performance énergétique

Comment a été fixé le coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire ?

À l'origine, le coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire « résulte d’une convention statistique adoptée en 1972 pour permettre de dresser des bilans énergétiques au niveau national, en agrégeant l’électricité d’origine hydraulique avec l’électricité produite par les moyens thermiques de l’époque (charbon et fioul) », rappelle sur notre site Jean-Pierre Hauet, président du Comité scientifique d'Équilibre des Énergies. « Le rendement moyen de ces centrales thermiques était alors de 38,7% ». Avec cette méthode, le coefficient de conversion de l’ensemble de la production d'électricité en énergie primaire a alors été fixé à 1/0,387 = 2,58.

Jusqu'à l’entrée en vigueur de la réglementation environnementale « RE2020 » en 2022, ce coefficient est ainsi resté de 2,58 alors même que cette convention était critiquée par de nombreux observateurs, dénonçant le fait que le chauffage électrique était de fait défavorisé par rapport au chauffage au gaz (dont le coefficient de conversion restait à 1). De fait, ce coefficient n'avait plus de sens par rapport aux conditions de son calcul initial : « l’électricité n’est pratiquement plus fabriquée en France à partir d’énergies fossiles : elle l’est à partir du nucléaire, de l’hydroélectricité et des autres énergies renouvelables, qui n’ont ainsi rien à voir avec le coefficient de 2,58 », souligne Jean-Pierre Hauet.

Dans le cadre de la RE2020(2), le coefficient de conversion en énergie primaire (Cep) est passé de 2,58 à 2,3 pour l'électricité (tandis qu'il est resté à 1 pour le bois mais aussi les réseaux urbains de chauffage ou de froid et les autres énergies non renouvelables : gaz, fioul, etc.).

Un nouveau Cep pour l'électricité en 2026 : 1,9

Le 9 juillet 2025, le gouvernement a annoncé un abaissement à partir du 1er janvier 2026 du coefficient de conversion de l’électricité dans le calcul du DPE de 2,3 à 1,9. De fait, le coefficient français « rejoint la valeur par défaut fournie par l'Union européenne (les États membres pouvant en proposer une autre mais celle-ci devant être justifiée) », rappelle Maxence Cordiez, expert associé à l'Institut Montaigne. Voir l'acte délégué en question : 

Quel impact ?

En France, ce changement de Cep pour l'électricité a un impact majeur puisqu'il devrait faire sortir de la catégorie des « passoires énergétiques » près de 850 000 habitations, sur les 5,8 millions de logements classés F ou G au DPE, selon le gouvernement qui base son évaluation sur la plateforme de données de l'Agence de l'environnement (Ademe).

Dans le contexte d'électrification des usages, cette décision permettra « de cibler plus efficacement les aides à la rénovation énergétique », assure Matignon. « C'est une victoire pour notre mix électrique décarboné à 95%, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, et un signal fort en faveur de l'électrification des logements », a renchéri la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.

Compte tenu de la disponibilité de cette électricité bas carbone, produite domestiquement, « il est tout à fait favorable sur le plan climatique et de la balance commerciale française d'électrifier le chauffage pour réduire notre consommation de gaz fossile importé, sachant que nous faisons face à des surplus conséquents de production depuis deux ans », note Maxence Cordiez. Mais « cela ne doit cependant pas se faire n'importe comment. Il faut privilégier les pompes à chaleur (qui fournissent 3-4 kWh de chauffage pour 1 kWh électrique dépensé) plutôt que les radiateurs type grille-pain ».

« Plus des passoires » mais des situations toujours précaires

Dans le même temps, 14% des logements à étiquette F ou G « ne seront plus des passoires, sans même faire des travaux, c'est magnifique », a ironisé auprès de l'AFP David Rodrigues, responsable juridique de l'association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie). Et les ménages précaires occupant lesdites passoires énergétiques continueront d'être confrontés à des factures d'énergie excessives et de souffrir d'inconfort thermique.

« En tout état de cause, une passoire thermique est une passoire thermique et consomme beaucoup de kWh de chauffage, qu'elle soit chauffée à l'électricité, au gaz ou au fioul. Ce qui va peser sur la facture est le prix du kWh de chauffage selon la source d'énergie mais c'est un sujet qui ne recoupe que partiellement la façon dont l'électricité est produite », souligne Maxence Cordiez. « Par exemple, le fait que l'électricité soit deux fois plus taxée que le gaz fossile pénalise artificiellement les foyers chauffés à l'électricité. L'État doit s'assurer de minimiser le prix de l'électricité en revoyant la hiérarchie des taxes entre électricité et biogaz d'une part (lesquels doivent être peu taxés) et gaz fossile d'autre part (lequel devrait être plus fortement taxé) et en promouvant des contrats de long terme permettant de rapprocher le prix de l'électricité du coût moyen de production ». 

Selon Maxence Cordiez, la question du vecteur énergétique reste « en bonne partie indépendante des travaux d'isolation à fournir.  Il importe donc de susciter, stimuler, encourager, accompagner et aider les travaux permettant de réduire (et flexibiliser dans le cas de l'électricité) la consommation d'énergie finale des bâtiments, quel que soit le moyen de chauffage ».

Évolution du calcul du DPE au 1er janvier 2026 : un nouveau signal pour le logement et la transition énergétique, communiqué du Premier ministre (9 juillet 2025).

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