
Président, Octopus Energy France
Avant la reprise des débats parlementaires autour de la PPL Gremillet et alors que le décret de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n’a toujours pas été publié, la lutte contre la désinformation sur les sujets énergétiques est plus que jamais nécessaire, en particulier sur les énergies renouvelables.
Certains observateurs appellent à ralentir le développement des énergies renouvelables (ENR) sous des motifs fallacieux, invoquant notamment l'insuffisance de demande ou leur coût.
Arrêter le développement des ENR, une triple absurdité
Arrêter le développement des ENR au motif d'une demande insuffisante relève d'une triple absurdité, et ce, sans même parler de leur nécessité dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Absurdité stratégique, car on ne pilote pas une politique à vingt-cinq ou cinquante ans en regardant dans le rétroviseur les deux ou trois dernières années.
Absurdité logique, car si la demande a baissé, c'est du fait de la hausse vertigineuse des prix de l'électricité due précisément à… une offre insuffisante.
Absurdité économique, parce qu'en limitant pour l'avenir le développement de l'offre, on maintiendra des prix trop élevés et on ralentira la transition énergétique, réalisant ainsi une prophétie autoréalisatrice délétère. C’est ce que soulignait d'ailleurs la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à propos de la future PPE : « un retard dans le développement de la production renouvelable se traduirait […] par une hausse des prix de l'électricité »(1).
Naturellement, ce développement des ENR ne peut se faire sans un renforcement des outils de flexibilité et de pilotage de la consommation. Le stockage via la démocratisation des batteries, les solutions d'effacement diffus et l'optimisation de la demande doivent être pleinement intégrés aux réflexions sur l'évolution du mix énergétique, et les freins techniques et réglementaires à leur développement doivent être levés.
Le gain pour les consommateurs supérieur au coût pour l’État
Sur le plan économique, on oublie bien souvent l'effet essentiel du développement des énergies renouvelables : elles font globalement baisser les prix ! Au point que le surcoût pour l'État du soutien aux ENR a été compensé par les gains des consommateurs français. C'est assez basique, mais le développement des ENR ajoute de l'offre sur le marché, ce qui fait baisser les prix, comme dit précédemment : c'est la loi de l'offre et de la demande.
Dans un rapport de juillet 2022(2), la Cour des Comptes avait demandé à EPEX d'étudier l'impact des ENR sur les prix spot. L'exercice porte sur les années 2016 à 2020, et montre un effet relatif de baisse de prix compris entre 11% et 15% selon les années (la part des ENR dans le mix électrique national était comprise entre 5 et 11% sur cette même période). Une estimation économétrique montre ainsi que les prix baissent d'environ 1,6% pour 1,0% de part d'ENR en plus dans le mix.
Par prudence, je retiendrai 1,4% qui correspond à la fourchette basse de l'estimation (c'est le ratio constaté en 2020, année fortement atypique, donc un chiffre qui minimise l'impact prix des ENR).
Cela permet d'estimer depuis 2005 l'impact des ENR sur les prix de gros, impact qui a fortement augmenté depuis 2021 du fait du déploiement des ENR mais aussi de la crise des prix de l'énergie.
Une protection particulière lors de la crise énergétique de 2022
Ainsi, on peut estimer qu'en 2022, les ENR ont permis de réduire d'environ 50 €/MWh les prix de gros en France (qui ont été de 275 €/MWh et auraient atteint 325 €/MWh sans les ENR).
Mais il y a encore un effet sensible en 2024 (pour un montant de 10 €/MWh). Cette baisse de prix bénéficie bien sûr aux clients, en tout cas sur la partie non ARENH (la partie ARENH permettait au client de bénéficier d'un prix non exposé au marché).
On peut donc calculer le gain pour les clients sur la partie exposée au marché.
C'est ce que j'ai fait de la même manière depuis 2005. Et on peut mettre en regard les gains pour les clients avec le surcoût pour l'État tel que calculé par la CRE, comme illustré sur le graphique.

En cumulé, sur la période, les gains consommateurs ont ainsi été supérieurs au coût pour l'État. Et cela s'accélère depuis 2021 (avec évidemment un pic conjoncturel en 2022).
À l'avenir, il me semble plus que probable que le gain pour les consommateurs va structurellement compenser le surcoût pour l'État, pour la bonne et simple raison qu'avec la disparition de l'ARENH à partir de début 2026, les clients seront intégralement exposés aux prix de marché.
Il conviendrait naturellement de dépasser cette première évaluation et que la CRE se saisisse officiellement d'une telle étude. Cette dernière pourrait d'ailleurs faire la même étude sur l'impact de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (qui a également contribué à faire monter les prix au détriment des clients français).