- Connaissance des Énergies avec AFP
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Une combustion optimisée et des émissions de CO2 réduites de 90% : un groupement d'industriels et d'énergéticiens français a mis au point une chaudière industrielle combinant plusieurs technologies pour séquestrer le carbone issu de la combustion et en améliorer les performances énergétiques.
Une commercialisation envisagée en 2026
"Le CO2 est récupéré directement en sortie de chaudière au lieu d'être émis dans l'atmosphère permettant ainsi une baisse drastique de l'impact carbone lié à la production de vapeur et d'eau chaude", expliquent les 16 membres de ce consortium.
Cette chaudière, baptisée "Choc", est "une nouvelle solution industrialisée qui va apporter une brique supplémentaire à la décarbonation de la chaleur", a souligné Pierre Cheyron, le directeur développement industrie Europe d'Engie Solutions, l'un des partenaires du consortium, lors d'une présentation à la presse fin juin.
Selon le consortium, les chaudières industrielles, toutes énergies confondues, représentent 23% des émissions globales de l'industrie française. Destinée à des industries comme la chimie ou l'agroalimentaire, la nouvelle chaudière pourrait être commercialisée en 2026.
Outre Engie Solutions, TotalEnergies, les gestionnaires de réseaux de gaz NaTran et GRDF, les industriels Fives, Verdemobil Biogaz, l'entreprise d'ingéniérie française Naldeo et Babcock Wanson font partie du consortium. S'y ajoutent comme observateurs la coopérative agricole Agrial, le pôle agroalimentaire du groupement Mousquetaires, Bonduelle, Coca-Cola, le groupe spécialisé dans la fabrication de produits en aluminium Constellium, Eiffage énergie systèmes, la start-up Carboneo et l'Université de Paris.
Le projet est soutenu par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) à hauteur de 1,1 million d'euros.
Boissons gazeuses et carburants de synthèse
La chaudière, d'une puissance de 3 mégawatts (MW), fonctionne par oxycombustion : l'air est remplacé par de l'oxygène. Cela permet de concentrer le CO2 produit et d'améliorer sa performance.
Les chaudières classiques puisent l'oxygène dans l'air ambiant, majoritairement constitué d'azote, ce qui nuit à leur rendement thermique. L'oxycombustion permet d'éliminer l'azote et d'obtenir des émissions presque exclusivement composées d'eau et de CO2, facilitant le captage du carbone ce qui évite de l'émettre dans l'atmosphère.
De plus, une partie du CO2 issu de la combustion est redirigé vers le foyer pour maîtriser la température de la flamme et atteindre un rendement énergétique supérieur aux chaudières classiques. "Pour une même quantité de gaz consommée, la chaudière permet de mieux valoriser la chaleur produite", ce qui est une attente forte des industriels, indique le consortium.
Le CO2 produit peut ensuite être valorisé grâce à une technologie d'épuration et de liquéfaction, puis réutilisé dans certaines industries, y compris alimentaires pour les boissons gazeuses par exemple.
Il peut aussi servir à la production de carburants de synthèse pour l'aviation ou de polycarbonates (des polymères thermoplastiques très solides et résistants à la chaleur utilisés dans le bâtiment, l'automobile, l'optique ou pour du matériel médical ou pharmaceutique).
Pour l'heure, un démonstrateur, à taille réelle, doit valider les résultats des études techniques menées en amont du projet. Ses concepteurs affirment que la chaudière devrait afficher un coût d'exploitation en euro par kWh de vapeur produite jusqu'à 40% inférieur à ceux d'une chaudière électrique et au minimum équivalents à ceux d'une chaudière biomasse.
Le potentiel du marché français est estimé à 2 000 unités, d'une puissance de 1 à 20 MW, selon le consortium qui vise également l'international. Il estime que le remplacement de 1 000 chaudières industrielles "pourrait permettre d'éviter l'émission de 4 millions de tonnes de CO2 par an".