A l'aube de sa renationalisation, la situation financière d'EDF se dégrade encore

  • AFP
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De Charybde en Scylla: à quelques semaines de sa renationalisation complète et à l'orée d'un hiver compliqué, le géant électricien français EDF a annoncé jeudi une nouvelle aggravation de l'impact financier dû à la baisse de production nucléaire cette année.

Le groupe estime que le recul record de sa production électrique va désormais peser à hauteur de 32 milliards d'euros sur son excédent brut d'exploitation (Ebitda), un indicateur comptable de la rentabilité, au lieu des 29 milliards d'euros annoncés en septembre et 24 milliards en juillet.

Ces prévisions financières tiennent compte de l'estimation de production nucléaire française pour 2022 "dans le bas de la fourchette 280-300 TWh (térawattheures) et des prix à terme 2022 au 7 octobre", selon un communiqué d'EDF.

EDF fait face à une baisse de sa production électrique, à un niveau historiquement bas en raison de l'indisponibilité de près de la moitié des 56 réacteurs du parc nucléaire, à l'arrêt pour des maintenances prévues ou des problèmes de corrosion soupçonnés ou avérés. Jeudi, avec seulement 29 réacteurs opérationnels, le parc nucléaire produisait à hauteur de 48,41% de sa capacité, selon des chiffres d'EDF analysés par l'AFP.

Sur 9 mois, la production nucléaire en France s'élevait à 209,2 TWh, soit 59 TWh de moins qu'à la même période en 2021, a précisé EDF.

Au cours de la même période, EDF ne pouvait guère compter sur les barrages pour corriger le tir: la production hydraulique s'est établie à 24,9 TWh, une baisse de 8,6 TWh par rapport à 2021 en raison d'une capacité là aussi "historiquement faible", conséquence de la baisse du niveau des retenues d'eau liée à la sécheresse.

Pour ne rien arranger, la grève de ces dernières semaines dans les centrales a entraîné des baisses de production nucléaire ou des reports de travaux pour certains réacteurs. Un accord salarial qui a mis fin au mouvement social a été signé jeudi "à l'unanimité" par les syndicats, a annoncé la direction - mais l'"impact" potentiel sur les comptes de ces perturbations "est à l'étude" selon EDF.

Le groupe, détenu à 84% par l'État et bientôt renationalisé à 100%, a annoncé par ailleurs un chiffre d'affaires en hausse de 78% sur 9 mois à 101,5 milliards d'euros contre 57 milliards par rapport à la même période en 2021, mais ce n'est que le reflet mécanique de la hausse des prix du gaz et de l'électricité sur les marchés.

- Nouveau PDG mi-novembre -

Avec cette flambée des prix, les opérateurs d'énergie alternatifs sont en difficulté et les clients reviennent par milliers chez l'opérateur historique: plus de 939.000 nouveaux contrats (gaz et électricité) en douze mois, selon EDF.

Une bonne nouvelle dans cette année noire? Pas vraiment. "Ce retour de clients" aura un "impact négatif" sur la rentabilité car pour ces clients, EDF doit racheter sur les marchés à prix d'or une électricité qu'elle n'a pas et ce, alors que l'entreprise a dû vendre en 2022 plus d'électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents, à travers le mécanisme de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique).

Jeudi, le gouvernement a toutefois fait un geste en faveur de l'électricien lourdement endetté en abaissant pour 2023 le volume annuel au minimum légal de 100 TWh (l'équivalent du tiers de sa production prévue) au lieu des 120 TWh cette année.

Dans ce contexte morose, l'arrivée du nouveau PDG de l'entreprise Luc Rémont est très attendue.

M. Rémont, dont la candidature proposée par l'Élysée a été validée mercredi par le Parlement, prendra les rênes de l'entreprise à compter de "mi-novembre", selon le souhait exprimé par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire jeudi.

"Nous allons faire en sorte qu'il puisse prendre ses fonctions le plus rapidement possible", a-t-il dit sur BFM Business.

Le gouvernement veut aller vite tant les chantiers sont dantesques pour l'électricien.

Outre le fait que la priorité n°1 est de redémarrer le plus de réacteurs possible pendant l'hiver pour éviter des coupures quand les Français allumeront leurs radiateurs, ce nouveau capitaine en pleine tempête aura aussi la lourde tâche de relancer le nucléaire, le gouvernement voulant construire au moins 6 nouveaux réacteurs EPR2.

L'actuel responsable des opérations internationales de Schneider Electric, 53 ans, doit succéder à Jean-Bernard Lévy qui était aux manettes d'EDF depuis 2014.

Une étape clé supplémentaire a d'ailleurs été franchie jeudi dans la renationalisation, avec l'avis sans surprise "favorable" du Conseil d'administration du groupe à un rachat complet à 12 euros l'action, un prix "jugé équitable" par un expert indépendant cité par EDF dans un communiqué.

La direction considère donc l'offre publique d'achat de l'État, qui veut conclure l'opération avant la fin de l'année, "conforme aux intérêts" d'EDF, de ses actionnaires et de ses salariés.

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