Toshiba : les grandes étapes d'un groupe en crise permanente depuis 2015

  • AFP
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Ancien fleuron industriel et technologique japonais dont les racines remontent à la fin du 19e siècle, Toshiba est revenu en 2021 dans une zone de fortes turbulences et son président est tombé vendredi après un vote sanction des actionnaires.

Voici les grandes étapes de la saga mouvementée de Toshiba depuis 2015.

2015 : scandale des comptes truqués

En avril 2015, Toshiba évoque des soupçons d'erreurs dans ses comptes, avec des pertes sous-évaluées dans des projets d'infrastructures. Le scandale grossit les mois suivants : les comptes ont été enjolivés de plus d'un milliard d'euros au total dans plusieurs divisions du groupe entre 2008 et 2014, et ses dirigeants étaient impliqués dans cette fraude intentionnelle.

L'action Toshiba s'effondre. Son PDG démissionne et une profonde restructuration est lancée fin 2015, avec plus de 10 000 suppressions de postes dans le monde pour le groupe, qui compte près de 200 000 salariés à l'époque (125 000 en 2020).

2016 : cessions et nouveaux soucis

Obligé de se renflouer rapidement, Toshiba multiplie les cessions d'actifs. Il vend notamment à son compatriote Canon son activité d'équipements médicaux et le gros de son activité dans l'électroménager au chinois Midea. Le groupe subit malgré tout une perte nette équivalente à 3,8 milliards d'euros sur son exercice 2015/2016.

Fin décembre, Toshiba annonce de possibles dépréciations se chiffrant en milliards de dollars liées à sa filiale américaine d'équipements nucléaires Westinghouse.

2017 : la débâcle Westinghouse

Westinghouse est mise en faillite fin mars. Les énormes dépréciations liées à son naufrage infligent à Toshiba une perte nette record de 7,5 milliards d'euros en 2016/17. Le groupe risque d'être radié de la Bourse de Tokyo s'il ne redevient pas solvable rapidement.

Toshiba se résout à vendre son joyau, sa filiale de puces-mémoires Toshiba Memory, mais la méfiance de son partenaire américain Western Digital/SanDisk freine le projet. Le groupe japonais boucle en fin d'année une augmentation de capital équivalente à quelque 4,5 milliards d'euros. De nombreux fonds activistes étrangers s'engouffrent dans la brèche.

2018 : méga-cession de Toshiba Memory

La vente de Toshiba Memory à un consortium mené par le fonds américain Bain Capital est bouclée le 1er juin pour environ 18 milliards d'euros. Toshiba rachète toutefois 40% de son ancienne filiale, rebaptisée Kioxia.

Toshiba a auparavant échappé à sa radiation de la Bourse de Tokyo en vendant Westinghouse et des droits de créances sur cette société.

D'autres cessions d'actifs et des restructurations supplémentaires ont lieu. NuGen, la filiale britannique de Toshiba dans le nucléaire, est liquidée, et le groupe ne reste dans l'atome qu'au Japon, où il est notamment engagé dans le démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi, ravagée par le tsunami de 2011 dans le nord-est du pays.

2019-2020 : les activistes haussent le ton

Toshiba continue à assainir ses finances et à réformer sa gouvernance, avec désormais une majorité d'administrateurs externes. Mais d'autres scandales de maquillage de comptes éclatent dans des filiales, et les relations avec ses actionnaires activistes se détériorent.

La crise devient ouverte après l'assemblée générale ordinaire du 31 juillet 2020. Soupçonnant des irrégularités durant cette AG, des actionnaires activistes réclament une enquête indépendante, mais Toshiba refuse.

2021 : offre de rachat et démissions

Toshiba revient fin janvier sur le premier tableau de la Bourse de Tokyo, dont il avait été banni en 2017. Lors d'une AG extraordinaire le 18 mars, les actionnaires obtiennent gain de cause pour déclencher une enquête indépendante sur l'AG de 2020.

Le 7 avril, Toshiba annonce avoir reçu une proposition de rachat de la part de la société de capital-investissement CVC Capital Partners qui valoriserait le groupe japonais à près de 21 milliards de dollars, selon la presse.

Le 14 avril, le directeur général de Toshiba Nobuaki Kurumatani est poussé à la démission. Très affaibli depuis sa défaite le mois précédent face aux actionnaires activistes, des soupçons de conflit d'intérêts pesaient en outre sur lui, en tant qu'ancien président de CVC au Japon. Peu après, CVC annonce se mettre "en retrait", éloignant la perspective d'un prochain rachat de Toshiba.

Le 10 juin, le rapport indépendant sur l'AG de 2020 est rendu public et ses conclusions sont accablantes : Toshiba avait "conçu un plan" pour empêcher certains actionnaires d'exercer leurs droits, et a agi "de concert" avec le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (Meti).

Lors de l'AG ordinaire du groupe le 25 juin, scandalisés par les révélations du rapport et jugeant insuffisante la réaction de Toshiba, ses actionnaires rejettent la réélection du président du conseil d'administration Osamu Nagayama : une victoire pour les actionnaires activistes mais qui accroît les incertitudes dans l'immédiat.

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