Une start-up israélienne veut « électrifier » les routes pour recharger des véhicules

e-Bus rechargé par induction sur une route à Tel Aviv

Le système d’electReon vise entre autres à s’affranchir des contraintes de recharge (temps mobilisé, angoisse de la panne) des véhicules électriques et de limiter la taille des batteries embarquées. (©electReon)

La start-up israélienne ElectReon a annoncé en septembre 2020 le déploiement d’une portion de route « électrique » à Tel Aviv : un bus électrique pourra y être rechargé par induction sans s’arrêter. Explications.

La recharge par induction, un principe séduisant

Autonomie, temps de recharge, poids des batteries embarquées : voilà quelques contraintes souvent associées à la mobilité électrique dont electReon entend s’affranchir avec ses routes « électriques sans fil ». Le système de la start-up basée à Tel Aviv consiste à implanter sous l’asphalte des routes des bobines de cuivre (recouvertes de caoutchouc) au sein desquelles circule un courant électrique. Des véhicules électriques eux-aussi équipés de bobines peuvent alors être rechargés par induction(1) sur ces voies de circulation (lorsque les bobines sont alignées, un transfert d’électricité s'opère grâce au champ électromagnétique créé).

La recharge par induction « porte en elle la promesse de combiner les atouts du thermique et de l’électrique : une autonomie très importante tout en décarbonant le transport automobile » (sous réserve de disposer d’une production électrique décarbonée en amont), indique Roman Potocki, spécialiste des questions de mobilité électrique au sein du cabinet Wavestone. Cette recharge « est en général réalisée en statique (le véhicule se gare sur une place dont le sol est équipé d’une bobine de recharge)(2), ElectReon cherche à aller plus loin et à rendre possible cette recharge en roulant », souligne-t-il. 

Sur le principe, le système de la start-up israélienne lève donc pour l’usager de nombreux freins associés à la mobilité électrique, notamment le fait de « brancher (presque) à chaque arrêt » son véhicule électrique : « une étude des conversations en ligne(3) réalisée par Ipsos pour Wavestone en 2019(4 avait montré que la problématique de la recharge était évoquée plus de 2 fois plus souvent que celle de l’autonomie », précise Roman Potocki.

En permettant une recharge en circulation, electReon estime que son système permettrait en outre de réduire « jusqu’à 90% » la taille et le poids des batteries(5) et d’augmenter la place pour les passagers à bord des véhicules électriques.

Des contraintes techniques et économiques

La recharge par induction en est encore « à ses balbutiements » pour les puissances élevées, rappelle Roman Potocki. Elle est déjà « largement répandue pour la recharge de basse puissance (smartphones, brosses à dent…), mais présente une toute autre complexité technologique lorsqu’il s’agit de forte puissance, comme c’est le cas pour les véhicules électriques : on passe de quelques watts à plusieurs dizaines de kilowatts ».

Il faut en particulier « arriver à faire passer l’énergie avec une distance supérieure (les 2 bobines ne se touchent pas), en évitant la surchauffe des composants et en limitant les pertes d’énergie ». La start-up israélienne, qui annonce un rendement de son système (part de l’électricité fournie à la batterie sur le volume injecté par le réseau) d’« environ 87% en mode dynamique et plus de 90% en mode statique », doit encore faire la preuve de sa capacité à surmonter ces limites techniques.

Bobines implantées par electReon sous une route
Aux limites techniques s’ajoutent de fortes contraintes économiques. Les travaux de BTP pour installer les bobines sont « colossaux, en particulier si on souhaite équiper plusieurs kilomètres de route », estime Roman Potocki. (©electReon)

Selon electReon, le prix d’installation des bobines sous l’asphalte de routes pourrait avoisiner « 700 000 euros par km » mais le coût de connexion au réseau n’est notamment pas inclus dans ce montant. Le prix du récepteur à installer sur les véhicules électriques circulant sur ces routes pourrait quant à lui être limité à près de 1 000 euros selon la start-up (différentes versions sont prévues).

Le développement d’electReon, encore au stade des projets expérimentaux, va par ailleurs être confronté au déploiement d’autres infrastructures à grande échelle qui font figure de concurrentes : « en 10 ans, des centaines de milliers de bornes auront été déployées et les usagers auront en partie pris l’habitude de brancher leur véhicule », juge Roman Potocki.

Les expérimentations en cours

En Israël, electReon a déjà effectué des tests sur une Renault Zoe circulant sur une section de route de 25 mètres(6). Depuis septembre 2020, c’est une portion de 600 m qui est « électrifiée » (sur une route de 2 km reliant la station de train à l’université de Tel Aviv) par la start-up. Un « e-bus » du réseau de transport public y fera l'objet de « quelques mois de tests » à partir de début 2021 avant d'accueillir à son bord des passagers. Le coût annoncé de ce projet est de 9 millions de shekels israéliens (soit environ 2,3 millions d’euros), celui-ci étant « presque totalement financé par le gouvernement » selon electReon.

La start-up israélienne dispose également de plusieurs projets en Europe. Sur l’île de Gotland en Suède, une portion de route de 1,6 km de long a été « électrifiée » (sur une artère de 4,1 km reliant l’aéroport au centre-ville de Visby). Un bus électrique commencera à y être rechargé en circulant début 2021(7). En Allemagne, un système similaire devait être testé à Karlsruhe(8) (la première phase du projet a été repoussée à début 2021). Enfin, un accord a été annoncé début novembre 2020 avec Brebemi en Italie pour tester « une section de 1 km » sur l’autoroute A35.

Notons qu’il existe d’autres systèmes étudiés pour recharger des véhicules électriques pendant leurs trajets, notamment le projet « eHighway » testé en Suède par Siemens et Scania qui vise à permettre la recharge de camions grâce à des caténaires (à l’image des trains). Par rapport à ce projet, electReon estime que son système présente de nombreux avantages : « pas d’impact visuel, un système adapté à tous les véhicules, une maintenance plus facile et un coût probablement plus faible ».

En ce qui concerne la recharge par induction, « c’est en Corée du Sud qu’il existe depuis 2010 le plus gros projet avec OLEV (On-Line Electric Vehicle, développé par l'institut Kaist) : 35 km de bus au sein de plusieurs grandes villes sont équipées de bobine sous le bitume et permettent de recharger des bus pendant leur déplacement », rappelle Roman Potocki. Toutefois, le système d’electReon pourrait quant à lui être testé avec des niveaux de puissance de recharge inédits, « pouvant aller jusqu’à 125 kW ».

Il reste à connaître des données plus précises issues des différents projets expérimentaux d’electReon. Si l’entreprise israélienne rêve de villes dans lesquelles les infrastructures « classiques » de recharge seraient obsolètes grâce à son système, Roman Potocki estime que le déploiement de la recharge par induction pourrait se limiter à moyen et long termes à quelques marchés spécifiques : « parcours captifs (navette d’aéroport, lignes de bus…) ou usages intensifs (navettes locales…) peuvent trouver un équilibre financier et bénéficier de cette promesse d’être toujours chargé ».

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Sources / Notes

  1. Un module central de contrôle est censé « gérer de manière individualisée la charge de chaque véhicule ». La puissance de charge dépend « des conditions de raccordement au réseau électrique, liées à la longueur du tronçon routier électrifié et du nombre de véhicules électriques pouvant potentiellement y circuler simultanément ».
  2. Fin 2016, un test avait notamment déjà lieu sur un bus électrique hybride de la ville de Södertälje (au sud de Stockholm), dont la batterie était rechargée par induction à l’un des arrêts de son parcours.
  3. L'analyse a été faite « sur les forums avec des verbatims d'usagers ou de prospects ».
  4. Ensemble vers la mobilité électrique, rapport Wavestone, mars 2019.
  5. Il faut toutefois ajouter le poids du « récepteur » contenant les bobines, à installer sous le véhicule, qui avoisine 40 kg selon electReon.
  6. Dans la communauté de Beit Yanai.
  7. Le coût annoncé du projet est d'environ 12 millions d’euros. Environ 65% de ce montant a été financé par le gouvernement suédois (qui a pour ambition de « réduire les émissions de CO2 liées à la mobilité lourde »).
  8. Avec un bus « connecté » circulant entre le centre de formation d’EnBW et le réseau de transport public.

Site d'electReon

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