En Colombie, une immense mine de charbon dans le collimateur de Petro

  • AFP
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Eau ou charbon, faut-il choisir? Malgré son poids économique, le président colombien Gustavo Petro remet en question le plus grand gisement de charbon à ciel ouvert en Amérique latine qui menacerait l'accès à l'eau aux populations locales.

Critique de l'extractivisme et de son impact sur l'environnement, M. Petro a clairement affiché la couleur: mi-août, lors d'une visite de son homologue de la Confédération helvétique Alain Berset, il a annoncé vouloir obtenir un "départ concerté" du géant suisse des matières premières, Glencore, titulaire jusqu'en 2034 de la concession de la mine d'"El Cerrejon", dans le département de la Guajira (extrême-nord du pays).

Avec ses six puits en activité, ses 80.000 tonnes de charbon sorties quotidiennement par voie ferrée, "El Cerrejon" (baptisé ainsi en référence à une montagne sacrée pour les indigènes Wayuu, population ancestrale de cette région battue par les vents dans une chaleur intense), s'étend sur 69.000 hectares du bassin de la rivière Rancheria.

- "Etat d'urgence" -

Les images aériennes dévoilent les gigantesques cratères creusés en quatre décennies d'exploitation, sur ce territoire désertique au bord de la mer des Caraïbes, frappé par la pauvreté (67,4%) et la pénurie d'eau potable. La Guajira est connue par sa contrebande d'essence, ses multiples trafics avec le Venezuela voisin et sert de point de sortie à la cocaïne colombienne.

Début juillet le président Petro a décrété "l'état d'urgence économique, social et écologique" dans le département pour faire face à la "crise humanitaire et climatique" avec comme thème central l'accès à l'eau pour les populations locales.

Cette annonce, surtout symbolique jusqu'à présent, visait entre autres à "conserver et maintenir le cours naturel des sources d'eau" affectées, selon Petro, par "un système économique qui favorise l'exploitation minière". Elle interdit "d'ajouter ou d'étendre des contrats de concession minière".

Le président assure que la majeure partie des faibles réserves en eau de la région est prélevée par les secteurs de "l'agriculture, de l'énergie et du charbon". La plupart des habitants dépendent des "jagüeys", d'immenses mares d'eau de pluie où s'abreuvent également les animaux. Outre la soif, le département souffre également d'une malnutrition chronique, qui tue près d'une centaine d'enfants chaque année selon les chiffres officiels.

Certains experts soulignent cependant l'importance de l'une des plus grandes mines du monde pour l'économie de la Colombie et ses 12.000 emplois directs et indirects. Son charbon représente 43% du PIB du département de La Guajira et 0,7% du PIB national, selon le centre de recherche Fedesarrollo.

Les "royalties" payées par l'entreprise "sont essentielles pour soutenir des secteurs vitaux tels que la santé, l'eau, l'éducation et les routes", s'est alarmé sur un média local la gouverneure du département, Diala Wilches.

"Si l'extraction du charbon de la mine El Cerrejon est limitée ou interrompue brutalement, il se produira inévitablement une crise des recettes fiscales (...) qui devront être compensées par des transferts gouvernementaux", souligne Sergio Cabrales, professeur à l'Université des Andes à Bogota.

- Transition énergétique -

Une solution au dilemme pourrait résider dans la transition énergétique. La Guajira, où la vitesse des vents est deux fois supérieure à la moyenne planétaire et où le rayonnement est 60% plus élevé que les niveaux mondiaux, est le berceau de plusieurs projets éoliens et solaires.

Mais leur mise en oeuvre progresse au compte-gouttes, sur fond de conflits territoriaux et autres querelles avec les populations indigènes.

La gouverneure Wilches est prudente: "nous cherchons à diversifier nos sources de revenus, mais cela doit se faire de manière planifiée pour garantir la stabilité économique", plaide-t-elle.

Pour M. Cabrales, expert en transition énergétique, l'alternative consiste à "stimuler le tourisme, l'industrie et la production d'énergie à partir de sources renouvelables". Mais cela demande "du temps, des investissements nationaux et internationaux, ainsi qu'un plus grand leadership", pointe-t-il.

Interrogé par l'AFP sur le projet du président Petro, les responsables d'"El Cerrejon" se sont "engagés à continuer à opérer de manière responsable sur le plan environnemental et communautaire" jusqu'à la fin du contrat en 2034, mettant en avant son respect des normes internationales (IFC) et ses efforts en faveur des communautés locales Wayuu.

Dans des documents partagés par l'entreprise, celle-ci affirme ne pas utiliser d'eau potable pour l'extraction du charbon et affirme au contraire avoir plusieurs projets visant à protéger les aquifères.

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