- Connaissance des Énergies avec AFP
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EDF, son ancien PDG Henri Proglio et 15 autre protagonistes seront jugés à Paris au printemps 2024: le Parquet national financier (PNF) les a cités à comparaître pour des soupçons de favoritisme autour de contrats de consultants entre 2010 et 2016.
Le géant français de l'électricité, son patron de 2009 à 2014 et son ancien secrétaire général Alain Tchernonog, seront jugés sur 14 jours, entre le 21 mai et le 13 juin 2024, pour favoritisme, a appris l'AFP mercredi de source judiciaire.
Quatorze personnes physiques ou morales, consultants d'EDF au début des années 2010, comparaîtront, eux, pour recel de favoritisme, d'après cette source.
L'enquête avait été ouverte en septembre 2016 à la suite d'un signalement de la Cour des comptes sur une procédure spécifique qui "pouvait aboutir à la négociation de marchés de consultants en gré à gré sans mise en concurrence", selon une note de synthèse du PNF datée de février 2022 et consultée par l'AFP.
Aucune des dérogations aux appels d'offre prévues par les droits français et communautaire ne pouvait s'appliquer à ces marchés passés avec des consultants.
Avec cette procédure dite Tchernonog, du nom de l'ancien secrétaire général d'EDF, la société "exposait ses besoins" dans les contrats "et justifiait le choix du consultant par une brève présentation des compétences et de la spécificité du prestataire", était-il précisé dans la note.
"Les missions étaient précisément énumérées afin d'établir une corrélation entre les compétences du consultant et la mission" confiée, constatait le document.
Les montants des missions allaient de 40.000 euros à quatre millions d'euros. La plupart se chiffrent à plusieurs centaines de milliers d'euros.
- Image 7 condamnée -
Au terme de l'enquête, le PNF a au total identifié 44 consultants aux domaines de compétences très variés ayant conclu de tels contrats, selon la source judiciaire.
Pour une trentaine d'entre eux, "ayant bénéficié de marchés inférieurs au seuil de procédure formalisée (environ 400.000 euros sur la période des faits)", le PNF n'a pas ordonné de poursuites mais un classement sans suite, a précisé la source judiciaire.
Depuis début 2023, trois de ces consultants, dont la société de communication Image 7 d'Anne Méaux et Stéphane Fouks, fondateur de Havas, ont été condamnés à Paris à des amendes, dans le cadre de procédures de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
La société de Jean-Marie Messier, Messier Maris associés, a vu sa CRPC rejetée par une juge du siège lors d'une audience en mars.
La magistrate a estimé que la peine proposée, une amende de 280.000 euros, n'était pas "adaptée et opportune au regard de la gravité de l'infraction", portant sur deux contrats en 2011 et 2012 pour 1,425 million d'euros.
"C'est assez incompréhensible" de s'être "totalement affranchi des règles", avait-elle fustigé.
Lors des audiences de CRPC, le PNF a toutefois souligné que les consultants avaient réalisé les prestations prévues dans les contrats.
Certains se sont retranchés derrière leur méconnaissance en matière de commandes publiques, le PNF estimant au contraire qu'"ils ne pouvaient pas ignorer qu'aucune concurrence n'était organisée et qu'ils avaient été sélectionnés" uniquement pour "leur expérience et leur notoriété".
Parmi les noms de consultants cités dans le dossier figuraient l'ex-patron d'entreprises publiques Loïk Le Floch-Prigent, l'ex-ministre Claude Allègre, l'ancienne secrétaire d'Etat Jeannette Bougrab, le LR Pierre Bédier ou le criminologue Alain Bauer, mais aussi des journalistes, des avocats et deux anciens magistrats du Conseil d'Etat.
Ces consultants "étaient dans l'ensemble des personnes reconnues voire influentes", est-il souligné dans la note de synthèse.
Il n'était pas possible de savoir mercredi soir lesquels d'entre eux ont finalement fait l'objet de poursuites.
Sollicitée, la société EDF a indiqué qu'elle ne commentait pas, et son avocat n'a pas répondu dans l'immédiat à l'AFP.
Henri Proglio avait écarté, lors de son audition, toute "volonté de cacher ou dissimuler quoi que ce soit", avançant "la spécificité et la confidentialité" des missions confiées. Son avocat n'a pas répondu non plus à l'AFP.
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