
Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, la majorité sénatoriale de droite et du centre a adopté dans la nuit de samedi à dimanche un amendement pour baisser la taxation de l'électricité tout en rehaussant celle sur le gaz.
« Une trajectoire de convergence progressive »
À l'origine de cet amendement, le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, est parti du constat suivant : « l’écart entre les fiscalités appliquées aux consommations d’électricité d’un côté et de gaz de l’autre contribue à désinciter ce nécessaire mouvement de transition ». Pour rappel, le tarif normal de l’accise appliqué aux consommations électriques en 2025 est de 25,09 €/MWh pour les ménages et de 20,90 €/MWh(1), « tandis que le tarif normal de la même accise appliqué aux consommations de gaz naturel ne représente que 10,54 euros par MWh », souligne le sénateur.
Un écart difficilement justifiable alors que le gouvernement plaide par ailleurs pour une électrification des usages, s'appuyant sur un mix électrique déjà très décarboné (avec plus de 95% d'électricité provenant de sources bas carbone), et que la hausse de la demande de l'électricité maintes fois annoncée ne se réalise pas encore.
C'est à cet égard que l'amendement appelle à « une trajectoire de convergence progressive des fiscalités appliquées à l’électricité et au gaz » à partir de 2026 (Jean-François Husson a évoqué une convergence « à horizon 2030 » de ces accises lors de son intervention, visionnable ci-après). Ce n'est pas une première, feront remarquer les habitués des débats autour de cette question.
Cet amendement intervient alors que le gouvernement a annoncé la semaine dernière un travail sur des « scénarios de baisse du prix de l'électricité ». Interrogé à l'occasion de la fin de son mandat de médiateur de l'énergie, Olivier Challan-Belval, a pour sa part souligné auprès de Connaissance des Énergies qu'un bien de première nécessité comme l'électricité « ne devrait pas être taxé à plus de 30% », comme c'est actuellement le cas.
Quel impact concret sur vos factures ?
Concrètement, l'amendement du Sénat « prévoit en 2026 de réduire de 3 €/MWh le tarif normal d’accise appliqué aux consommations d’électricité des particuliers ainsi que de 0,42 €/MWh le tarif normal d’accise appliqué aux consommations d’électricité des entreprises ». En contrepartie, « il propose de majorer de 4,40 €/MWh le tarif normal d’accise appliqué aux consommations de gaz naturel ». Des évolutions jugées « neutres pour le budget de l’État » (sachant que je secteur résidentiel compte pour près de 40% de la consommation française d'électricité).
Pour les consommateurs d'électricité, cette mesure - si elle est conservée à l'issue de la navette parlementaire - pourrait réduire les factures d’électricité « de ménages tout électrique (chauffage, eau chaude et cuisine) à hauteur de 11 à 45 euros par an selon les consommations (soit de 1 à 4 euros par mois) ».
Pour les ménages utilisant le gaz pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire et la cuisine, la facture pourrait au contraire « augmenter de 12 à 80 euros par an selon les consommations (soit de 1 à 7 euros par mois) ». Jean-François Husson fait toutefois remarquer que « ces derniers ménages bénéficieront également d’une baisse de leur facture d’électricité qui atténuera l’augmentation globale de leurs dépenses d’énergie ».
Thierry Cozic, sénateur du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a quant à lui reproché lors du vote cet impact sur des ménages se chauffant au gaz « bien plus souvent par contrainte que par choix réel ». Un argument repris par le syndicat professionnel France Gaz qui fait entre autres état de « ménages modestes doublement pénalisés », en soulignant que « 60% du parc social est chauffé au gaz, 2/3 des logements raccordés au gaz ne sont pas électrifiables techniquement ».
Précisons que l'amendement voté ne prévoit pas d'augmenter les tarifs d’accise appliqués au gaz de pétrole liquéfié (GPL) ainsi qu’au fioul domestique, « afin de ne pas augmenter les factures des ménages ruraux plus contraints en moyenne d’utiliser des énergies fossiles que les ménages urbains ».
Le ministre de l'Économie, Roland Lescure, a porté un regard très favorable sur ledit amendement, évoquant « un avis de sagesse », avec « la volonté de favoriser la consommation d’électricité, à la fois décarbonée et souveraine, au détriment de la consommation de gaz, qui est carbonée et non souveraine, car importée ».