Le recours au nucléaire jugé « nécessaire » par l'AIE dans la transition bas carbone

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Centrale nucléaire de Fosmark

Centrale nucléaire de Fosmark en Suède. (©Vattenfall-Elisabeth Redlig)

L’énergie nucléaire est « nécessaire dans les transitions énergétiques bas carbone », affirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un nouveau rapport publié le 28 mai(1). L’Agence y émet des recommandations aux pays souhaitant encore avoir recours à cette filière.

Augmenter de 80% la production nucléaire d’ici à 2040

Le parc nucléaire mondial est actuellement composé de 452 réacteurs répartis entre 31 pays. En 2018, ce parc a généré près d’un dixième de l’électricité dans le monde (18% dans les économies qualifiés d’« avancées » par l’AIE(2)). Les filières « bas carbone » dans leur ensemble (nucléaire et renouvelables) ont compté pour 36% de la production mondiale d’électricité l’an dernier. Cette contribution était « identique il y a 20 ans », déplore l’AIE, la croissance des productions éolienne et solaire n’ayant depuis que compensé « le déclin » du nucléaire.

Evolution du parc nucléaire mondial
Les chantiers de nouvelles centrales nucléaires ont « considérablement ralenti au cours des années 1980 » et plus encore dans les années 1990. Les nouvelles constructions ont connu un nouvel essor dans les années 2000 dans les « économies en voie de développement », indique l’AIE. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Selon l’Agence, la part des sources de production bas carbone devrait être portée à 85% de la production électrique mondiale à l’horizon 2040 pour se rapprocher des objectifs internationaux de lutte contre le dérèglement climatique. Dans cette optique, la production électrique devrait être décarbonée à un rythme « trois fois plus rapide qu’à présent », estime l’AIE.

L’AIE juge en particulier qu’il serait nécessaire d’augmenter de 80% la production nucléaire mondiale d’ici à 2040, tout en investissant massivement par ailleurs dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (les centrales à combustible fossile équipées de systèmes de capture, stockage et utilisation du CO2 pouvant également apporter leur contribution).

Dans son rapport, l’AIE estime que le recours à l’énergie nucléaire lors des dernières décennies a permis d'éviter l’émission supplémentaire de 63 milliards de tonnes de CO2 entre 1971 et 2018. « Sans nucléaire, les émissions liées à l’électricité aurait été supérieures de près de 20% durant cette période et le total des émissions liées à l'énergie de 6% », estime l’AIE.

Emissions évitées grâce au nucléaire
Selon l’AIE, l’Union européenne a évité d’émettre près de 22 milliards de tonnes supplémentaires de CO2 en ayant recours au nucléaire entre 1971 et 2018, ce qui équivaut à plus de 40% des émissions liées à son secteur électrique durant cette période. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Prolonger la durée de vie des centrales existantes

L’AIE souligne les services rendus par le nucléaire pour stabiliser les réseaux électriques, contribuant ainsi à la sécurité d’approvisionnement, et appelle à « valoriser » ces services sur les marchés électriques. Elle juge « possible » d’effectuer une transition énergétique bas carbone avec moins de nucléaire mais au prix d’un « extraordinaire effort », avec des systèmes électriques « moins flexibles » (davantage de centrales au gaz, de capacités de stockage et d’actions de maîtrise de la demande seraient nécessaires, souligne l'Agence) et un coût plus élevé pour les consommateurs.

Une des recommandations centrales de l’AIE dans son nouveau rapport – pour « les pays retenant l’option du nucléaire » (tout en disant « respecter » le choix des pays s’en détournant comme l’Allemagne) – est d’autoriser les extensions de durée de vie des centrales existantes « aussi longtemps que possible » au regard de la sûreté des installations. Cette décision est « considérablement moins coûteuse que la construction de nouvelles centrales », souligne l’AIE qui met en garde contre les nombreuses fermetures de réacteurs prévues dans les économies « avancées ».

L’âge moyen des réacteurs nucléaires en service dans le monde est de 35 ans et de 39 ans aux États-Unis qui possède le premier parc nucléaire et où près de 90 réacteurs disposent de licences d’exploitation de 60 ans. Dans ce pays, l’AIE constate que les prix bas de l’électricité sur les marchés de gros, l’absence d’une tarification suffisante du carbone et les nouvelles réglementations d’utilisation de l’eau pour refroidir les réacteurs rendent l’exploitation de certaines centrales nucléaires « financièrement non viable ».

L'AIE appelle dans le même temps à soutenir les nouvelles constructions de réacteurs nucléaires, en s’assurant que « les processus d'obtention de licences ne conduisent pas à des retards de projets et à des augmentations de coûts non justifiées par des exigences de sûreté ». L’Agence appelle également à encourager l’innovation dans de nouvelles conceptions de type « SMR » (petits réacteurs modulaires) et souligne l’importance de « maintenir le capital humain » et les capacités d’ingénierie dans la filière nucléaire.

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