Nucléaire iranien : tractations difficiles entre Téhéran et Européens à New York

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Tour Azadi à Téhéran

Européens et Iraniens ont repris leurs discussions mardi, à New York, pour s'accorder sur le contrôle du programme nucléaire iranien, sans aucune avancée à quatre jours du rétablissement des sanctions onusiennes contre la République islamique.

« Soit l'Iran fait un geste [...] soit les sanctions devront s'appliquer »

"Les prochaines heures seront déterminantes. Soit l'Iran fait un geste, se réengage dans un chemin de paix et de responsabilité", "soit les sanctions devront s'appliquer", a prévenu le président français Emmanuel Macron, qui doit rencontrer mercredi son homologue iranien Massoud Pezeshkian, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU.

Mardi, ce sont les ministres des Affaires étrangères du groupe E3 (Allemagne, France, Royaume Uni), de l'Union européenne et de l'Iran qui se sont réunis. "Ils ont exhorté l'Iran à prendre des mesures concrètes dans les prochains jours, voire dans les prochaines heures, pour répondre aux préoccupations de longue date concernant son programme nucléaire", selon les ministères allemand et britannique.

Le ministère iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi s'est de son côté insurgé contre le possible rétablissement des sanctions onusiennes gelées depuis 2015, qu'il juge "injustifiées et illégales" tout en évoquant "certaines idées et propositions pour poursuivre la diplomatie".

Les consultations vont se poursuivre, a-t-il ajouté dans un communiqué, sans préciser si celles-ci auraient lieu plus tard cette semaine à New York ou après le rétablissement des sanctions.

La réaction de l'ayatollah Ali Khamenei

Depuis Téhéran, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a, lui, au contraire, monté le ton affirmant que Téhéran ne céderait pas sur la question de l'enrichissement d'uranium, point de friction majeur avec les pays occidentaux.

L'Iran a jusqu'à samedi minuit GMT pour trouver un consensus avec les Européens, faute de quoi les sanctions seront rétablies.

"L'Iran ne doit jamais acquérir l'arme nucléaire", avait déclaré plus tôt à des journalistes le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul pour justifier la réunion, tout en reconnaissant que les chances d'aboutir à une solution diplomatique étaient "extrêmement minces".

Les 3 conditions des Européens

La semaine dernière, Iraniens et Européens s'étaient rejeté la responsabilité de l'échec des pourparlers lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert au rétablissement des sanctions qui pourraient affecter de larges pans de l'économie iranienne dont les secteurs pétrolier et financier.

Ce dossier empoisonne depuis des années les relations de Téhéran avec les pays occidentaux, États-Unis en tête, et Israël, son ennemi juré, qui soupçonnent le pouvoir iranien de vouloir se doter de la bombe atomique. L'Iran dément vigoureusement, revendiquant son droit au nucléaire civil.

Les Européens ont posé trois conditions pour prolonger la période de levée des sanctions : reprise des négociations incluant les États-Unis, plein accès donné aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) aux sites nucléaires et informations précises sur la localisation des matières enrichies.

Depuis des semaines, Téhéran accuse les Occidentaux d'exercer une pression nuisible aux discussions et assure avoir mis sur la table une proposition "équilibrée" dont les détails n'ont pas été dévoilés. Les Américains avaient de leur côté lancé des tractations au printemps via Oman. Mais les attaques israéliennes et américaines contre les sites nucléaires iraniens y avaient mis un coup d'arrêt.

La position des États-Unis

Le rôle des États-Unis est fondamental dans ce dossier alors qu'ils ont quitté depuis 2018 l'accord de 2015. Ce dernier, conclu avec l'Iran et dont la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Russie et la Chine étaient également signataires, prévoyait un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée des sanctions.

Après la sortie des Américains, l'Iran s'est progressivement affranchi de certains engagements, notamment sur l'enrichissement d'uranium. Le rythme de production de ses réserves d'uranium enrichi sont estimés à 60%, 90% étant nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire, selon un rapport confidentiel de l'AIEA consulté par l'AFP.

Le groupe E3 a réitéré la semaine dernière une offre d'extension de six mois de la levée des sanctions, période destinée à nouer un nouvel accord, au moins intérimaire.

Mardi, les diplomates européens se sont dits prêts à négocier jusqu'à la dernière minute mais le ton n'était pas à l'optimisme. D'autant qu'ils sont soumis à la pression de la partie américaine dont une frange souhaite le rétablissement des sanctions pour mettre à genoux l'économie iranienne.

"Les Américains misent sur le fait que le gouvernement n'aura alors pas d'autre choix que de négocier", explique à l'AFP Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), doutant de l'issue face un pouvoir iranien pour l'heure inflexible.

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